Hommage à Pierre Henry, compositeur français de musique électroacoustique, mort à 89 ans.
Pierre Henry, élève de Messiaen, a dirigé le Groupe de Recherche de Musique Concrète (GRMC) de 1950 à 1958. © DR
< 06'07'17 >
Feu le sorcier de la musique concrète Pierre Henry
Il était l’un des derniers compositeurs de la musique concrète vivants. Dans la nuit du 5 au 6 juillet, Pierre Henry, barbu octogénaire aux faux airs de prophète, a rejoint sans « Messe pour le temps présent » ni trompettes Pierre Schaeffer au rayon des pères fondateurs disparus. A défaut d’en être l’inventeur, il était un ardent défenseur de la musique concrète depuis près de soixante ans. Pierre Henry avait été le premier à rejoindre Schaeffer, un an après la radiodiffusion des séminales « Etudes de bruits » en 1948. Ensemble, ils avaient composé la « Symphonie pour un homme seul », en 1950. Jusqu’au bout, il aura donné des concerts et écrit de la musique (sa dernière œuvre, en 2016, est une commande de la Philharmonie de Paris), inlassable passeur de sons devenu un patriarche révéré par des générations de musiciens électroniques. « Orphée 53 » (spectacle lyrique), Pierre Henry et Pierre Schaeffer (1953) : Né en 1927, Pierre Henry n’a eu de cesse d’explorer les possibilités croissantes de narrations sonores qu’offrait la musique électroacoustique, créant même au passage et presque par accident l’unique tube crossover et transgénérationel « Psyché Rock » pour le ballet de Maurice Béjart « Messe pour le temps présent » en 1967. Dans l’histoire de la musique électroacoustique, l’évolution de la bande magnétique, ses traitements, étirements, boucles et superposition de boucles a inventé une grammaire musicale inédite et un nouveau paradigme de diffusion : l’acousmonium, soit cet orchestre de haut-parleurs contrôlé par Pierre Henry depuis sa console. Au final, les musiciens électroniques reproduisent aujourd’hui avec leur ordinateur le geste de la boucle. A la prime genèse des expérimentations concrètes à la Maison de la Radio, les manipulations se faisaient à partir de disques, et non de bandes. Sur ces disques étaient gravées des boucles de sons, les fameux sillons fermés inventés par Schaeffer. Le studio est alors un vaste assemblement de platines tourne-disques derrière lesquelles le compositeur sautille… Pierre Henry avait eu l’idée de séquencer sur un seul support disque les sillons fermés, afin d’en constituer plusieurs sur une seule et même face. Pierre Henry évoquait cette époque méconnue dans cette interview que j’avais réalisée en mars 2004 au studio Son Ré : Sa voix y est entourée d’extraits de « Symphonie pour un homme seul » (1950), « Messe pour le temps présent » (1967), « Prismes » (1973), « Labyrinthe ! » (2003), « Deux coups de sonnette » (2006). A partir de 1951, Pierre Henry crée son premier répertoire de sons sur « noyaux » et se découvre un goût du classement et du catalogue qui aboutira à la création d’une sonothèque qui reste la plus riche de tout le répertoire électroacoustique. Dans le même temps, il compose de nombreuses musiques de films (publicitaires et cinéma). Ce n’est pourtant pas ainsi que Pierre Henry se fait connaître du grand public, mais grâce à d’autres croisements artistiques. En 1955, il rencontre le chorégraphe Maurice Béjart et entame avec lui une intense coopération qui court jusqu’aux années 1990. La « Messe pour le temps présent », ballet présenté en Avignon en 1967, propulse au sommet des hit-parade le fameux tube cosigné avec l’arrangeur Michel Colombier, « Psyche Rock ». « Psyche Rock », Pierre Henry et Michel Colombier (1967) : Culte sur trois générations et même au-delà, le thème de ce jerk électronique a entre autres été adapté pour le générique de la série d’animation américaine « Futurama » de Matt Groening. Malgré la notoriété du titre, Pierre Henry ne l’a jamais considéré autrement que comme un amusement. Il n’a guère plus d’estime pour son association contre-nature avec le groupe psychédélique britannique Spooky Tooth en 1970 ! Pierre Henry n’était cependant ni imperméable aux tendances ni rétif à d’autres formes expressions que la sienne ou celles de champs acousmatiques. En 1996, il travaille avec le groupe punk-folk américain Violent Femmes pour la création de « Intérieur/extérieur ». Le projet se décline en une série de concerts pour quarante personnes chez lui, rue de Toul dans le douzième arrondissement de Paris, pour une œuvre qui représente pas moins de six mois de musique et de mixage, mais aussi dix ans de peinture. Le tout constitue, disait-il, « une sorte de requiem profane, de cérémonie secrète tissée avec mes souvenirs, mes coups de cœur, mes outils de travail. C’est une synthèse de mon univers personnel ». « Machine Danse », Pierre Henry (1973) : « La Minute de silence de Pierre Henry », Jean-Philippe Renoult (2013) : Et aussi : « Deux coups de sonnette », essai radio de Pierre Henry pour l’Atelier de création radiophonique, (2005) Concert hommage à Pierre Schaeffer, Pierre Henry (2010)
Tous les sons sont au Sonic Protest 2015
Alan « Suicide » Vega rejoint ses fantômes Pierre Henry, portrait en mode silence Printemps électronique |