Vu, écouté et flairé au Invisible Dog Art Center à Brooklyn, New York : des laisses multicolores, un bouquet blanc de respiration lumineuse, un ascenseur dantesque, un sous-sol opératique, une « odeur expérience » de
11 Septembre et les réflexions « IX-XI » de l’artiste légendaire Ultra Violet. Diaporama sonore.
Une poignée de laisses pour chiens invisibles ont leur place permanente à l’entrée du Invisible Dog Art Center.
© Cherise Fong
< 07'06'11 >
Invisible Dog, l’art casse sa laisse à Brooklyn
(New York, de notre correspondante) Qui se souvient encore de ces laisses pour chien en plastique rigide, au bout desquelles était attaché un harnais censé tenir le toutou « invisible » en promenade sur le trottoir ? Déjà plus d’une trentaine d’années que ces laisses ludiques sont démodées, sauf à Brooklyn, New York, où, depuis octobre 2009, l’ancienne usine où elles sont nées est ressuscitée (mais pas rénovée) en centre d’art. On se souvient peut-être mieux de la fourmi géante (« de dix-huit mètres avec un chapeau sur la tête » selon Robert Desnos) conçue par l’artiste français Xavier Roux, construite sur place pour occuper tout le rez-de-chaussée du bâtiment au début 2010. Ainsi était apparu sur le radar du public new-yorkais l’Invisible Dog Art Center à Brooklyn. Le directeur de ce nouvel espace est marseillais. Lucien Zayan, ancien producteur de théâtre, a agi sur un coup de foudre pour racheter cet immeuble construit à la fin du 19ème siècle. Depuis, il a ranimé l’intérieur de sculptures, d’installations, d’œuvres et d’ateliers d’artistes, tout en conservant le bâtiment dans l’état le plus brut possible. Le lieu fonctionne comme une galerie en mutation constante, selon les expositions et les événements qu’elle accueille tout au long de l’année. Jusqu’à une semaine avant la mort d’Osama Ben Laden, l’Invisible Dog exposait encore « 9/11 Oh ! My God » de Pascal Blondeau et Ultra Violet. Au centre de l’espace blanchi du troisième étage gisait l’installation « Au-delà des nuages » composée de vagues portraits photographiques froissés sur un lit de mousse synthétique. A côté, un flacon contenant ce que Blondeau appelle une « odeur-expérience » rappelait les impressions olfactives qui avaient envahi l’air durant les jours qui ont suivi les fameuses attaques dans le sud de Manhattan. Ces deux installations centrales étaient encadrées par une multitude d’interprétations de l’acte terroriste symbolique de 2001, exprimées par l’artiste septuagénaire Ultra Violet dans diverses incarnations des chiffres romains « IX XI » en souvenirs « pacifique, noble, royal ». Visite guidée du Invisible Dog Art Center (diaporama sonore Cherise Fong) : Même après l’exécution du chef taliban le 2 mai dernier, la position d’Ultra Violet reste inchangée par rapport à sa performance d’avril sous un parapluie représentant les deux tours : « It has been 10 years since that event, my heart has mended. » (« Dix années sont passées depuis cet événement, mon cœur a guéri. ») Au rez-de-chaussée du bâtiment, une installation lumineuse intitulée « Prana » (respiration en sanskrit) réagit à l’approche des visiteurs et aux vibrations ambiantes comme un cœur qui palpite, ou au repos comme un poumon qui respire. Conçue et réalisée sur place par Chris Klapper et l’ingénieur électrique Jen Lusker, l’œuvre en construction s’est épanouie de façon holistique et organique. Une fois installée, elle est devenue aussi réactive, sensible et temporaire que la vie. Une mystérieuse corde orange agrafée au mur surveille les tables en bois exposant des bijoux et autres objets d’art domestiques à vendre, avant de disparaître au sous-sol, d’où émane la mélodie d’une ode à la chevelure. En bas de l’escalier, « Camera Locus 2 » de Julien Gardair, plonge le spectateur dans un monde obscur de projections abstraites, où la seule source de lumière est le projecteur mécanique posé par terre dans un coin de la pièce. En parallèle à ces expositions de quelques jours ou de quelques mois in situ, les œuvres permanentes du Invisible Dog sont celles qui ont investi aussi bien l’espace que les vestiges matériels de l’ancien entrepôt, tels les lustres faits de milliers de boucles de ceinture abandonnées de Steven and William, et la cage du monte-charges repeinte avec des versets de « L’Enfer » de Dante par Giuseppe Stampone. Les artistes qui exposent au Invisible Dog ne sont pas les mêmes qui y louent un atelier au deuxième étage. « Ni leur galeriste, ni leur représentant », Zayan maintient cependant une collaboration très proche avec tous les artistes associés au lieu. Ceux qui y exposent sont encouragés à organiser eux-mêmes des événements autour de leurs œuvres et de leur travail. Deux fois par an, un artiste locataire est invité à devenir commissaire d’une exposition collective dans le même espace. Toute cette activité artistique est également ponctuée de soirées à thèmes divers : une lecture de poésie bilingue, un concert de violoncelle expérimental, une table ronde littéraire, une projection de courts-métrages tangérois… et bientôt les présentations qui résulteront des premières résidences théâtre inaugurées ce printemps. Ainsi la communauté artistique du Invisible Dog poursuit-elle sa mission, sans aucune publicité, avec un peu de presse et beaucoup de bouche à oreilles grâce à un réseau toujours grandissant, et surtout, à un public très fidèle.
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