Spectre audio designé par Joshua Davis pour Motorola, 2006. © DR
< 03'08'07 >
Joshua Davis, un maître de l’aléa(r)toire
Où en est Joshua Davis, génial précurseur du webdesign ? Est-il encore les deux mains dans le Net ou sa toute dernière incursion au sein de Design Life Now, une triennale consacrée à la crème du design expérimental à New-York, qui vient de s’achever, est-elle la suite figée des programmes, codes et scripts de génie qu’il n’a de cesse de créer sous Flash ou Illustrator ? Trois images imprimées, un papier peint et un écran d’ordinateur s’y affichent sur un mur peint, reproduisant les images créées pour Once upon a forest, son univers personnel en ligne. La touche graphique de l’américain Joshua Davis, ici dans les nuances de jaune, d’orangé et de bleu, est parfaitement identifiée. Pourquoi perturber le mouvement de ses programmes et les figer dans un cadre ? Ce retour au statique et à l’académisme pictural serait-il nécessaire pour s’extirper du carcan de designer et enfin être artiste ? Joshua Davis, bardé de prix et cité partout comme l’un des géants des applications en Flash, s’est fait une spécialité de ces « machines à fabriquer de l’art », conçues à base d’algorithmes, qui viennent chercher au sein d’une base de données de dessins et graphismes de façon aléatoire pour composer et afficher des motifs irrémédiablement uniques. « Le résultat final n’est jamais statique », affirme Davis. Le designer tatoué travaille aussi pour des commanditaires, qu’il s’agissse des Red Hot Chili Peppers, de Nike, Nokia, Diesel, ou tout récemment Motorola. Pour la publicité d’un casque audio bluetooth, il conçoit Soundwire, en référence à la musique sans-fil et aux ondes sonores. Un script retranscrit, à l’échelle et en lignes colorées, divers paramètres du son tels la balance ou l’amplitude…. Retravaillé, le résultat graphique se révèle tout en lignes déconstruites et pourtant fluides, ondulant dans l’espace en vagues superposées, parfaite illustration d’un paysage sonore. Son travail, il le théorise sous la dénomination d’abstraction dynamique avec un clin d’œil assumé à Jackson Pollock : « Non que je sois fanatique de son style, mais parce qu’il s’est toujours qualifié de peintre, même quand son pinceau ne touchait jamais la toile », écrit-il dans « Codes de création », d’un autre génie du webdesign, John Maeda (Thames et Hudson, 2004). En effet, Joshua Davis fait naître le hasard et la beauté par la perte de maîtrise de son outil, tout comme le maître de l’expressionnisme abstrait. Lui ne danse pas autour de sa machine, mais laisse vivre son programme en titillant la touche « espace » du clavier. Son vocabulaire artistique se forme alors autours de mots tels que processus, randomisation, fractale…. En 2006, Joshua Davis avait mis au point Motokrzr, un kaléidoscope dynamique aux formes organiques qui s’enroule et se déroule à l’infini. Simple ? Pas tant que ça, d’autant que Davis démultiplie les supports. D’abord sur le site du téléphone de Motorola, où l’internaute peut customiser son téléphone ou récupérer un fonds d’écran en créant son propre yantra kaléidoscopique. Ensuite, au format exposition, en décembre 2006 aux Pays-Bas : Joshua Davis imprime pour Tag exhibition sur 18 plaques de verres les images fixes du même programme et les expose comme appliques sur les murs de galeries d’Amsterdam et La Hague. Enfin, pour une opération marketing calquée sur les usages du Net (promotion virale usant des techniques de guerrilla marketing à la seule fin publicitaire de Motorola), le site Guerrilla Paper propose d’imprimer des motifs de Joshua Davis pour les coller dans le monde entier. Ces déclinaisons perdent-elles l’essence du processus original ? Si la (dé)multiplication des œuvres était pour Walter Benjamin synonyme de perte, dans le cas de l’œuvre/programme, l’image extraite dudit programme n’est pas une représentation figée et immobile de l’œuvre mais un exemple contenant une partie de l’essence de celle-ci. Tout comme l’artiste Christo accorde une égale importance aux produits dérivés, aux liens sociaux et aux monuments emballés, les réalisations des webdesigners sautent d’un média à l’autre en gardant leur unité et logique d’ensemble. L’ordinateur devient un outil comme un autre, et Joshua Davis le traite « comme tel, exactement comme un pinceau ou un crayon ». Finalement, la réussite de Joshua Davis réside dans un concept simple : prendre le programme pour ce qu’il est, un outil et non une fin en soi.
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