(pop’50) Me proposer pour les 5 ans de Poptronics de tirer le portrait de Claude Closky, c’est un cadeau, un peu comme si on demandait à un(e) fan de Lady Gaga de la dessiner avec son propre sang : l’extase ! Pourquoi je commence cette chronique en tant que fan ? C’est tout simple : on m’a toujours demandé quel artiste m’inspirait le plus dans mes créations numériques, le jour où j’ai dit « Claude Closky », mon travail a semblé plus simple à comprendre. Merci Claude !
Ecrire sur Claude Closky me permet de partager tout ce que je peux aimer dans son travail post-Frères Ripoulin et particulièrement son approche du Net, en piochant de-ci de-là quelques œuvres représentatives. L’exemplaire Claude Closky sait en effet tirer profit de chaque média, même les plus incongrus comme le papier peint ou les fonds d’écran, pour délivrer des œuvres riches, amusantes, ironiques, intelligentes... Petite promenade guidée.
En 2005, Claude Closky remportait le prix Marcel Duchamp, ce qui lui permit d’occuper en 2006 l’espace 315 du centre Pompidou. Voyez ce bel espace, entouré d’écrans plats qui diffusent à tour de rôle une image, un Gif animé pixelisé, et voyez le public qui tourne dans la pièce, suivant le rythme d’apparition des images et d’un gros son ! C’est « Tournez manège », ma parole !… Son « Manège » (titre de l’exposition) est un plaisir qui suscite encore aujourd’hui la controverse . A l’occasion de l’exposition personnelle que le MacVal lui consacre en 2008, l’atelier de création radiophonique de France Culture diffuse une création fantastique, intitulée « Plusieurs fois ». Introuvable jusqu’à présent, elle est dorénavant accessible en ligne :
« Plusieurs fois », création radiophonique de Claude Closky, (2008)
L’artiste Closky touche à tout : image, pub, papier peint, son ou Internet. Côté édition, il n’est pas en reste : ses livres d’artistes comme « Les Euros » (2003), « Mon Père » (2002) ou « Colorie comme tu veux, dessine et écris ce que tu veux » (2001) sont des « classiques ». Il est aussi un artiste-éditeur expérimental : pour le Magasin de Grenoble, il a organisé une exposition en ligne pendant la fermeture pour travaux. Il a aussi conçu le « Magazine » du Mudam, le musée d’art contemporain du Luxembourg, une publication en ligne d’une efficacité redoutable en terme d’ergonomie et truffée de contenus originaux. Elle reste accessible aujourd’hui en mode archives.
Côté net justement, Closky fait la part des choses : un site est réservé à l’actualité de ses expositions IRL tandis qu’un autre permet d’accéder à ses œuvres en ligne. Et il y en a beaucoup ! Je ne peux m’empêcher d’afficher le code source de la page d’accueil de sittes.net (mon côté nerd !) pour tomber sur un dessin ASCII du plus bel effet… la visite commence bien !
Parmi les plus anciennes de ses pièces (le site répertorie et renvoie vers des créations de 1997 à aujourd’hui), « 12 heures = 10 heures », acquise en 1998 par le Frac Languedoc-Roussillon, est une horloge qui décompte le temps en utilisant un système décimal. La journée est découpée en deux fois dix heures, chaque heure en dix minutes, chaque minute en dix secondes. Attention : réalisée avec Director, elle nécessite de réinstaller le (vieux) plug-in Shockwave.
Les chiffres le fascinent. Avec lui, moi aussi ! « +1 » (2000) fait partie de mes œuvres favorites, avec sa fausse simplicité d’un compteur qu’on incrémente de 1 en un clic.
« Links » (2001) est une œuvre très rusée, où l’artiste revisite l’histoire de l’art à travers des noms de domaine comportant des noms d’artistes. Exemple : si on clique sur koons.com, du nom de la superstar de l’art contemporain Jeff Koons, on tombe sur un site de vente de voitures (c’est peut-être vraiment le site de Koons en fait…).
Pour « Noël » (2001), Claude Closky invite à décorer notre sapin : le geste, le rituel de poser les boules sur les branches avec en fond sonore « Mon beau sapin » n’a pas pris une ride, une gageure pour les pièces en ligne qui vieillissent à la vitesse de l’obsolescence des technologies !
« Going Down » (2002) présente un curseur qui s’anime automatiquement et descend inexorablement vers le bas, une œuvre... très dans l’air du temps ! Car Claude Closky s’inspire des gadgets et obsessions contemporaines, du cybersquatt (comme dans « Links »), de la publicité, des voyages virtuels… Il s’est ainsi intéressé au Web 2.0 à sa façon. D’abord avec sa représentation, à base de différents points de vues tirés de Google Street View, de « La Montagne Sainte Victoire » (2011), qui n’a rien à envier à celles de Cézanne ! Ensuite avec « Ground Drawing », une nouvelle série de dessins réalisés sur Google Maps (2012). Chaque trait gribouillé sur la carte représente une distance géographique. Un dessin qui parcourrait le monde et nous encouragerait à prendre encore plus les chemins de traverse !
Tout récemment, c’est à une certaine déviance des réseaux sociaux que s’est attaqué Claude Closky. Dans « Reblogging » (2012), l’artiste se transforme en curateur du Net qui « reblogue » tout en bleu (on re-poste, on re-twitte, on re-aime pour mieux re-partager sur les réseaux sociaux…). L’hommage au Bleu Klein, le fameux « IKB », est à peine caché sous la critique caustique du copier-coller !
L’esprit de récupération et de ré-agencement d’éléments préexistants est une constante chez Closky, comme dans la vidéo « It’s Ok » (2006), qui propose le montage d’une succession de fonds d’écrans d’ordinateurs dont l’élément central est le OK qu’on valide quand on se trouve en interactivité avec un logiciel.
« It’s Ok », Claude Closky, (2006)
Cette création doit certainement plaire à Lev Manovich et ses recherches sur le montage spatial !
Même l’egotrip numérique fait l’objet d’un détournement closkyen. Résolument un artiste ouvert, il nous invite dans son atelier.
On aperçoit ses modèles prendre la pause (qu’ils gardent bien d’ailleurs, si vous tenez les 10 minutes) ! Encore une astucieuse idée où l’artiste s’amuse avec le Codec de YouTube, le programme de compression/décompression pour les images du site de partage vidéo, qui anime les images fixes comme une bonne vieille webcam !
(MAJ 2018 : L’artiste a fermé cette chaîne Youtube.)
Mais YouTube n’aime pas la nudité, surtout quand il s’agit de parties génitales, ce qui explique que plusieurs des vidéos de la série « Studio » ont été censurées. On en trouve une trace sur le site de l’artiste. Claude Closky pense définitivement à tout. Exemplaire, je vous dis !
//////////////// Aller plus loin…
L’actualité de Claude Closky, c’est, jusqu’au 18 novembre 2012, une exposition au centre d’art Le Quartier à Quimper intitulée « Animations ».
A tous les artistes de notre « pop’50 », nous avons demandé un autoportrait numérique. Accédez à celui de Claude Closky en cliquant sur le lien ci-dessous.