Game Developers Conference et son corollaire indé, l’Independent Games Festival du 23 au 27/03 à San Francisco.
« World of Goo », devenu pratiquement le symbole du jeu indé à succès, allie le loufoque à une jouabilité sans faille. © DR
< 20'03'09 >
L’indé est-il l’avenir du jeu vidéo ?

A la veille de l’ouverture de la Game Developers Conference (GDC), le plus grand rassemblement de développeurs de jeux de la planète et de son petit frère indé, l’Independent Games Festival, faut-il s’inquiéter pour le jeu vidéo ? A priori, malgré les résultats en baisse et les milliers de licenciements de ces derniers mois dans le secteur, l’industrie ne devrait pas s’effondrer. « Nous étions devenus trop gras à trop d’endroits », expliquait simplement John Riccitiello, le PDG d’Electronic Arts, commentant la réduction d’effectifs de 11%, soit 1.100 emplois en moins, dans son entreprise.

Néanmoins, des questions demeurent, qui nourriront les colloques de cette prochaine GDC, du 23 au 27 mars à San Francisco. La crème de l’industrie s’y demandera ainsi comment « lever des fonds en temps de récession », s’il est possible de « survivre aux remous du changement » ou d’assurer « la stabilité dans la tempête ». Il y a aussi quelques inquiétudes sur l’organisation de l’industrie, qui selon les uns et les autres, n’est plus adaptée à la création d’objets de divertissement. Mais au milieu de ces thèmes alarmistes (et de dizaines d’autres plus techniques) se nichera aussi la conférence « créer son studio de développement indépendant ». Manière de poser la question du fond : les jeux séduisent-ils toujours le public ?

Indépendant ne veut pas nécessairement dire innovant. Mais le fait que ces studios soient de petite taille et souvent autofinancés signifie qu’ils n’ont pas des millions de dollars à consacrer à un moteur de jeu révolutionnaire et à des heures de scènes cinématiques, et choisissent donc de se concentrer sur un concept, un scénario, un style graphique. D’où, parfois, l’innovation.

Car si une partie des « gros » développeurs a essuyé des échecs commerciaux en lançant des jeux qui apportaient un peu de nouveauté (Electronic Arts avec « Mirror’s Edge » ou « Spore »), un marché pour ces petites bêtes pourrait tout de même exister. La preuve, une grosse poignée de jeux indés commence à émerger, et des noms comme « Flower » ou « Aquaria » sont désormais familiers aux oreilles d’un public averti. L’indé, longtemps confondu avec le casual game, s’en est finalement démarqué quand les portails de jeu qui les accueillaient ont commencé à chercher le succès facile au détriment de la création. Le genre a progressivement gagné en maturité depuis le début des années 2000, pour réellement commencer à sortir de son cocon depuis deux ans. L’Independent Games Festival (IGF), dont la 11e édition aura lieu en marge de la GDC, et d’autres festivals du même tonneau, y sont sans doute pour beaucoup ; un certain nombre de jeux primés les années précédentes à San Francisco, « World of Goo », « Braid » ou « Castle Crashers », ont d’ailleurs été commercialisés, sortant de l’anonymat pour toucher le grand public.

Mais leur impact commercial n’aurait certainement pas été le même sans les nouveaux moyens de diffusion que sont les plates-formes de téléchargement des consoles. La plupart de ces titres sont disponibles sur le WiiWare de Nintendo, le PlayStation Network de Sony et le Xbox Live de Microsoft à un prix nettement inférieur à celui des jeux vendus en magasin. C’est une aubaine pour les développeurs mais aussi pour les constructeurs, qui peuvent ainsi être présents à la fois sur le marché du blockbuster et sur celui du titre plus inattendu. Les fabricants de consoles commencent d’ailleurs à courtiser les développeurs indépendants (qui peuvent aussi vendre leurs créations directement sur les plate-formes de téléchargement pour mobiles).

Le journaliste Simon Carless, accessoirement président de l’IGF, aimerait voir le jeu indé traité dans certains médias au même titre que la musique ou le cinéma. Conquérir ses lettres de noblesse donc, pour exister en tant que forme de divertissement (d’art ?) à part entière. Le jeu vidéo mainstream s’est déjà –plus ou moins– affranchi des connotations sociales négatives qu’implique sa pratique, mais l’indé reste encore un phénomène de niche étiqueté geek.

Le jeu indé mérite-t-il d’être assimilé à de l’art ? L’éditorialiste Clive Thompson établit un intéressant parallèle entre le développement des industries du cinéma, de la musique et des jeux vidéo, notant que dans les trois cas, le genre indépendant apparaît quand les coûts de production de plus en plus lourds entraînent l’uniformisation des œuvres et créent par là-même les conditions pour que le public apprécie la nouveauté. Après le cinéma dans les années 1960 et le rock une décennie plus tard, l’heure du jeu vidéo indépendant pourrait bien être venue.

Petite pop’sélection parmi les finalistes de l’édition 2009 de l’Independent Games Festival :

« Feist », de Filthy Grip :
De mystérieuses et sombres forêts, peuplées d’inquiétantes créatures rondouillardes, à parcourir dans ce jeu de plates-formes développé par des étudiants suisses.

(MAJ 2019 : les vidéos de la version présentée à l’IGF 2009 n’étant plus en ligne, voici la bande annonce de la version mobile, sortie en 2018 :)


« Blueberry Garden », d’Erik Svedäng :
Des plantes qui poussent, des myrtilles qui tombent des arbres, un bipède à grand bec qui vole... Et un jeune développeur suédois. On n’en sait pas beaucoup plus.



« Machinarium », d’Amanita Design :
Un jeu d’aventure point-and-click dans un univers robotique réalisé par les Tchèques à l’origine de « Samorost 2 », primé à l’IGF il y a deux ans.

mathias cena 

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