Lulla, même pas 30 ans, a été l’une des 18.000 personnes à participer aux événements d’ouverture de la Gaîté lyrique, du 1er au 6 mars. Journal de bord illustré.
Mondkopf en performance à la Gaîté, avec les visuels des Lyonnais de TRAFIK. © DR
< 13'03'11 >
Lulla découvre la Gaîté

Ouverture réussie ? 18.000 visiteurs ont en tout cas participé, du 1er au 6 mars, à la semaine de lancement de la Gaîté lyrique, le nouvel établissement culturel de la Ville de Paris dédié aux cultures numériques. Poptronics s’en est fait l’écho (critique). Pour rendre compte de cette première période, place aux jeunes... la cible privilégiée (avec les familles) de la nouvelle Gaîté. Lulla n’a pas 30 ans, elle s’est passionnée pour ce lieu, a visité le bâtiment, est allée voir la conférence de Brian Eno et a même goûté les sandwichs Gaîté... Journal de bord illustré.

Jeudi 3 mars : Brian Eno dans la grande salle et découverte des lieux

J’étais très intriguée par cette conférence, annoncée comme « An illustrated talk » entre Brian Eno et John Hassel. C’est avec plaisir que je découvre une salle de conférences intimiste à la lumière tamisée, dont la mise en scène donne l’illusion d’être dans un salon. Les deux artistes sont confortablement installés dans de gros fauteuils en cuir au cœur d’un grand tapis, avec à leur disposition de multiples feuilles de papier et quelques biscuits. La discussion se veut interactive et informelle. Brian Eno dessine au crayon pour illustrer ses propos rétroprojetés en grand derrière lui. Le public, largement anglophone (hé oui, la conférence est intégralement en anglais !), peut intervenir à tout moment. La discussion, ambitieuse et très riche, offre une vision du monde sous un antagonisme Nord/Sud vraiment passionnant.

A la fin de la conférence, je décide d’aller découvrir le bâtiment. Un parcours pour l’ouverture a été pensé par le collectif UVA qui a investi le lieu de différentes installations éphémères, « Rien à cacher/Rien à craindre ». Je me fais ainsi filmer par une micro caméra, qui diffuse les têtes des visiteurs (dont la mienne) sur un grand pan de mur. Je croise dans l’escalier quelques danseurs qui montent les marches au ralenti, puis je me fais à nouveau scanner dans une petite salle « déconseillée aux personnes fragiles », au niveau –1. C’est une expérience assez déstabilisante que de se faire traquer par groupe de 10 dans le noir.

« Rien à craindre/Rien à cacher », installation d’UVA (extrait) à la Gaîté (03/11) :


UVA ambiance la Gaîté lyrique à Paris par Poptronics

A l’étage au-dessus, je découvre l’espace permanent dédié aux jeux vidéos. Quelle déception ! C’est beau, c’est neuf, mais les places sont toutes prises et pour cause… une dizaine de joueurs seulement peuvent en profiter. La bibliothèque, vouée aux cultures numériques, présente des ressources très limitées. Rien de révolutionnaire, j’avais imaginé un espace bien plus vaste. J’ai hâte de découvrir la pièce de demain.

Vendredi 4 mars : auditorium, rez-de-chaussée
En entrant dans l’auditorium pour la pièce de théâtre interactif du collectif allemand Rimini Protokoll, « Best Before », chacun découvre un joystisk qui l’attend. Les 200 spectateurs et moi nous demandons quelle expérience nous allons vivre. Cela consiste à alterner les récits de quatre personnes racontant leur « vraie » vie et une histoire virtuelle collective que l’on construit progressivement ensemble sur un écran géant. Grâce à son joystick, chaque spectateur manipule un avatar qui interagit et se confronte aux autres au sein d’un monde virtuel appelé Bestland. Les décisions prises individuellement et anonymement ont à chaque fois un impact sur le cours des événements. Le public, très vite emballé, prend à cœur toutes les décisions auxquelles il est confronté, agrippé à sa manette. Est abordé le rapport entre décision individuelle sous couvert d’anonymat et la mesure de l’opinion collective, mais aussi l’expérimentation des limites entre réalité et fiction. Les acteurs demandent parfois à un joueur de se lever au vu de tous après que son avatar a par exemple été élu Président de Bestland. Au bout de deux heures, on n’a pas vu le temps passer et on aimerait rejouer.

Samedi 5 mars : deuxième étage, le caisson métallique
Arrivée un peu avant 20h pour une soirée de concerts (Mondkopf - Para One + Tacteel-Acid Washed– Danger - The Lowbrows)

« On se croirait dans une exposition d’art moderne »
Tout juste à l’heure pour le premier concert, mais pas de queue, on entre très vite. A l’étage, l’enthousiasme est général : ça sent le neuf, les murs sont d’un blanc immaculé, l’éclairage se fait aux néons, et des textes numérisés défilent au pied des murs. Ça tweete et ça se géolocalise partout. Sur la structure lumineuse centrale qui fait office de banc multifaces, les commentaires se multiplient. Certains évoquent leur impression d’être à un « vernissage important », d’autres se disent déçu du manque de convivialité du lieu. On en entend un qui se plaint : « Ils ne peuvent pas s’empêcher de faire rimer moderne avec froideur d’hôpital. » Ponctuel, le jeune DJ prometteur Mondkopf arrive sur scène. Un code-barre géant évolutif s’affiche derrière lui et l’énergie déborde. La qualité du son est excellente, les hochements de têtes commencent timidement, mais tous semblent plutôt regarder une performance qu’un concert de musique électronique.

« C’est comme si on était tous sous LSD »
21h. Para One et Tacteel prennent le relais. Des écrans descendent et couvrent les deux murs latéraux de la salle. Commence un set très abouti, énergique et ultra efficace. Le lieu devient parfaitement optimisé : les 9 écrans englobent l’ensemble de la salle et instaurent une atmosphère toute particulière. Le caisson métallique de la Gaîté lyrique se transforme alors en une navette à voyager dans le monde numérique. Se succèdent de superbes images du collectif Akatre : sculptures de gobelets en plastiques, objets énigmatiques et portraits bleus. De longs cheveux bruns hypnotiques s’entremêlent au rythme d’une musique cosmique en nous entourant progressivement. Un Lolcat de passage fait un clin d’œil à la culture geek. Le public découvre une nouvelle dimension, celle de l’ultra-numérique.

« Ici, c’est hotdog carotte »
Le groupe Acid Washed prend place dans une salle qui reste très éclairée, les images composées de formes géométriques minimales aux mutations lentes complètent une musique dont la sauce tarde à prendre. Moins séduite, je choisis de faire un tour au bar dans le hall antimoderne « classé monument historique » hautement surveillé par de multiples vigiles. Un membre de Justice et Teki Latex s’y trouvent qui se fondent dans une foule d’imitateurs hipster, pantalons à chaussettes apparentes, maillots de bain échancrés en guise de t-shirt et lunettes noires. La pilosité barbe/moustache est omniprésente. Le concert a commencé tôt, ils offrent de quoi dîner, ouf. Après le Bestland de la veille, je suis au cœur de Boboland… J’ai le choix entre un sandwich au céleri bio et un hot-dog végétarien. Qu’est-ce ? Simple : exit la saucisse, bonjour la carotte pot-au-feu, sauce pot-au-feu et son pain mou. Bof.

« Maintenant on va pouvoir se bousculer »
Le set de Danger, très attendu, va commencer. J’y cours. Deux ronds lumineux ressortent dans la pénombre. Derrière, une forêt rouge vif apparaît qui alterne avec un bouton de volume géant en perpétuelle augmentation. Tension crescendo. Le dispositif fonctionne. La fosse se soulève pour la première fois de la soirée, presque en transe, un pogo général se propage.

Des hordes épuisées suite au set incendiaire de Danger forment une file d’attente pour le vestiaire, moi y compris. Je crois bien que je reviendrai.

lulla chanel jacquet 

votre email :

email du destinataire :

message :