Isa Melsheimer-Michael Raedecker, Carré d’Art, place de la Maison-Carrée, Nîmes, jusqu’au18/04/2010, tous les jours sauf le lundi de 10h à 18h, 5€, gratuit pour les moins de 25 ans.

Deux catalogues sont publiés pour l’occasion : « Isa Melsheimer », bilingue français/anglais, texte de Camille Morineau et « Michael Raedecker line-up », deux versions française et anglaise, texte de Dominic Van Den Boogerd et une conversation de l’artiste avec Laura Hoptman.

« Platz » (2004, 60x35 cm), Isa Melsheimer, un monde miniature qui révèle l’architecture. © Roman März
< 25'02'10 >
Nîmes, deux jeunes artistes à revers

(Nîmes, correspondance)
L’un pique et l’autre rapetisse (et rapetasse les T-shirts). Le Carré d’Art à Nîmes avait habitué avec ses expositions temporaires à des monographies ou des événements collectifs, pas à deux expositions monographiques distinctes (qui donnent d’ailleurs lieu, aussi, à deux catalogues différents). Cette distribution est permise par l’architecture du musée dont les salles encadrent l’atrium et se rejoignent par deux paliers à l’Est et à l’Ouest. Isa Melsheimer occupe la partie sud et Michael Raedecker, la partie nord. Une façon de présenter le travail de deux jeunes artistes, respectivement 42 et 48 ans, dans les vastes salles en enfilade voulues par l’architecte Norman Foster qui obligent à un parcours immuable et induisent espaces au sol et métrages de cimaises à remplir.
L’exposition s’ouvre sur une salle dense d’Isa Melsheimer et plonge le visiteur dans un monde miniature. L’artiste l’entraîne dans sa réflexion sur l’architecture, la construction des espaces et par là, la notion de frontières. On en franchit de minuscules en se penchant sur de petits mondes, fragiles maquettes bricolées ou façades brodées sur des matelas posés au sol. On n’ose en traverser d’autres pourtant seulement matérialisées par des voilages suspendus, eux aussi brodés, qui scandent la salle.
La suite de l’exposition remet en question les frontières du bâtiment lui-même. Certaines des dalles de marbre posées sur une structure métallique ont en effet été soulevées pour dévoiler cet espace vide entre plafond du deuxième étage (où se trouve la collection permanente) et sol des salles d’exposition. Des œuvres y ont pris place. Peut-être ont-elles toujours été là, à l’abri des regards, jusqu’à ce que l’artiste les dévoile ; constructions de verre, montagnes minérales. Les pièces s’épurent à mesure que l’on semble pénétrer dans des espaces intimes. La dernière ne contient que très peu d’œuvres et l’on en vient à se demander si l’on est bien à sa place dans cette chambre d’adolescent juste suggérée mais déjà si présente.

Coquetterie secrète
Michael Raedecker propose un travail tout en finesse, à petits points, délicat… « féminin », pourrait-on dire au risque de tomber honteusement dans des clichés machistes. L’artiste peint en effet à l’acrylique sur toile des tableaux dont les sujets renvoient aux genres d’une histoire de l’art classique (la nature morte, les intérieurs, les paysages, parfois de ruines) dans des camaïeux de couleurs claires, gris, roses ou bleus. Cependant, là où une technique traditionnelle aurait impliqué de reprendre en empâtements, dans une peinture épaisse de couleur pure, pour souligner les derniers détails, Michael Raedecker emploie la broderie.
On ne la voit pas tout de suite ; l’introduction de la technique est discrète, ténue, comme une coquetterie secrète. L’artiste exige de son spectateur attention, curiosité et concentration s’il ne veut pas passer à côté du travail. C’est donc en s’approchant, en prenant le temps, en s’arrêtant vraiment, que l’on découvre le menu relief, les douces harmonies colorées qui tranchent habilement avec les fonds presque monochromes. Mais on pense aussi à la toile dont la trame a été obstruée par l’enduit puis la surface peinte et que l’aiguille est venue transpercer. La matière est tellement palpable lorsque l’on regarde de près que l’on reste partagé entre l’appréciation du travail raffiné et la perception presque tactile de l’idée de cicatrice, de balafre qui parcourt le tableau. Sensation que viennent renforcer de petits trous réalisés dans la toile et laissés béants.
Pour compléter ces deux approches de l’art de l’aiguille, Carré d’Art propose un atelier pour adultes sous forme de stage intitulé « Détournement de savoir-faire ». Après le Gang des tricoteuses, un collectif de brodeuses (et de brodeurs) nîmois va-t-il sévir et ajouter des points avant, de croix, de tiges, de chaînette à la dentelle de pierre de la Maison Carrée qui fait face ou peut-être de la couleur et du baroque au tristounet abribus Starck  ?

corine girieud 

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