La chronique « NextGen » du net-artiste David Guez pour poptronics aborde cette semaine les rivages du dépassement de l’humanité, à travers les recherches scientifiques et anthropologiques les plus actuelles. Ou quand la science rejoint la fiction…
Réseau de cerveaux, œuvre d’Olivier Goulet,
2005. © Olivier Goulet
< 01'04'10 >
A deux doigts du post-humain
(NextGen) J’ai eu la chance de participer à un séminaire quasi privé sur la question du post-humain, organisé dans les laboratoires d’éco-anthropologie du CNRS par le philosophe Dominique Lestel, qui invitait pour l’occasion le sociologue Thierry Bardini et Danièle Rivière, directrice de la très belle maison d’édition disvoir, véritable labo de recherche sur des sujets transversaux aux arts et aux sciences. Dans une atmosphère en mode café-philo, le sujet ne pouvait que m’intéresser, notamment sur une projection du réseau comme hypothèse principale de l’organisme le plus à même d’accueillir, voire d’être le sujet et l’objet de cette évolution : et si l’adolescent qu’est l’Internet d’aujourd’hui recelait en lui les fondations d’une telle post-humanité ? Le sujet pose plus de questions qu’il n’y répond et brasse la plupart des champs de la science (physiques, humaines), de ses limites, des conséquences sociales, philosophiques, anthropologiques, morales... jusqu’aux frontières que l’art et la science fiction dépassent allégrement, pour notre plus grande joie. Prêtons-nous à l’exercice : Que deviendrait le corps ? Un amas de chair n’ayant pour fonction que d’être le véhicule d’une conscience évoluée, sorte de vêtement interchangeable à volonté, réparable à satiété, idéalisé jusqu’à la figure du demi dieu ou, plus simplement, comme le suggère le titre du dernier livre de la philosophe Sylviane Agacinski, un « Corps en miettes » ? Un organisme augmenté d’électronique, interfacé à des capteurs en tout genre capables de nous rendre la vie plus agréable, sur terre et les exoplanètes, faisant de l’espèce humaine des « oïdes » en tout genre (roboïdes, androïdes...)... Jusqu’à la forme parfaite qui évoluerait vers... le corps ZÉRO ? Et qu’en est-il de l’évolution, au sens darwinien du terme ? L’ADN a-t-il en lui le code d’un humain de plus ample capacité, la philologie de l’homme d’aujourd’hui arrive-t-elle au point ultime où la question de sa prochaine évolution (radicale, parallèle...) se pose sérieusement ? Extermination puis refondation ou évolution logique et/ou programmée dont nous ne savons évidemment rien ? A ce sujet, plus de 90% du code ADN reste mystérieux et de nouvelles expériences montrent que la panspermie (cette théorie qui stipule que la terre aurait été fécondée de l’espace) n’est pas qu’une hypothèse farfelue. Et le cerveau ? L’hypothèse la plus répandue aujourd’hui postule que celui-ci est arrivé au terme de sa croissance volumétrique (1400 cm3), que le corps de l’homo sapiens n’a pas la capacité physique de procréer un être au cerveau plus large (problème lié à la taille du bassin de la femme). Alors comment nous dupliquer, répliquer, copier ? Quels seraient les protocoles de notre propre continué jusqu’à, allez, on y croit, l’immortalité ? Et la conscience ? Ce superbe attribut qui semble être le propre de notre seule lignée, Comment sera-t-il distribué ? Sous quelle forme ? Pour quels objectifs ? Le bien commun d’une conscience plus large ? Qui dit post-humain, dit post-humanisme, qui nous mène sur une piste absolument passionnante, celle de la connaissance, de son évolution, de son partage mais surtout de l’éthique associée, la morale, et des systèmes de croyances qui nous unissent dans une société où les débordements, pouvoirs, manipulations et au final, les questions de bien et de mal ne peuvent pas ne pas se poser comme les conditions préalables au voyage du « nous dans le futur ». L’hypothèse actuelle la plus passionnante se cale sur l’idée que la connaissance a pris toute son indépendance en tant que vecteur d’une prochaine évolution de l’homme via l’écrit, le livre, donc sa propagation au plus grand nombre, forgeant les prémisses d’une conscience globale dont le socle est disponible... en librairie. Ici, l’évolution n’est plus biologique mais informationnelle, cartographiée en segments de connaissance et d’expériences qui voyageraient de cerveau en cerveau sur le modèle assez simple et puissant d’un copier-coller via des neurones particuliers : les neurones miroirs, dispositif biologique de l’altérité : « l’autre » serait la clef de tout les passages de l’évolution sans lequel le collectif n’existerait pas. On parle de MEME (en référence au GENE) comme élément mimétique de la transmission de la connaissance et de son pendant contemporain et dynamique : la culture. Ce qui nous ramène à la question de départ : les réseaux ne sont-ils pas les matrices idéales d’une évolution de la connaissance pour devenir, au final (dans très longtemps, donc), le réceptacle de cette post-humanité ? Voyageons : le réseau nous accueille ! Notre mémoire, nos flux quotidiens, notre « moi » est projeté de façon complète, notre connaissance individuelle se crée au fil des autres connaissances qui, de façon non hiérarchique, se coordonnent pour former une encyclopédie libre et dynamique au possible : le post-Wikipédia ? Les algorithmes s’améliorent, se complexifient en prenant en compte toutes les finesses des échanges, créant des associations inédites qui nous engagent à inventer des modèles économiques, politiques et sociologiques d’un nouveau genre. Le super organisme, cette noosphère inspirée du « noos » du philosophe grec Anaxagore apparaît dans un premier temps de façon inconsciente, en unités fonctionnelles vaguement reliés entre elles ; des interfaces d’interprétations se mettent en place ; notre corps envoie et reçoit plus vite vers le réseau via la greffe de modules de transmissions informationnels ; le passage d’une idée collective à sa mise en pratique ne prend alors plus que quelques secondes ; puis chaque rayon d’énergie extérieure est transformé en photon qui circule via le toucher, le regard... chaque humain dispose alors de façon quasi naturelle d’une sorte de conscience du réseau, de son accès, de sa médiation, de sa propagation, puis dans un second temps de cette capacité à traduire ces échanges en affects, en cartes émotionnelles. Au final, le réseau est en nous ! Plus tard, le post-humain devient l’humain qui possède la condition de sa propre duplication, qui télécharge littéralement son cerveau dans cette entité aérienne et qui, le temps d’une résurrection, se réinvente à chaque instant : le post-humain devient alors un esprit qui navigue dans des paysages imaginaires où le temps et l’espace n’ont plus d’emprise. Une sorte de rêve ? Pas certain ! Pour faire court, une entreprise du CAC40 aurait-elle le code de ces processus ? Y aurait il une sorte d’abonnement mensuel à un opérateur des consciences connectées ? Et les post-animaux, les posts-végétaux, et les post-minéraux, auront-ils toujours place à coté du post-humain ? Ne tendons-nous pas vers un aplatissement des espèces, leur disparition dans un éther ou une masse sombre d’esprits identiques ? Et comment, dans ce cas, concilier l’illusion et la réalité, dieu, son idée ou l’idée de sa non-existence sans tomber dans les dérives néo-créationnistes qui empêchent toutes les plus belles vigilances de l’esprit ? Plus concrètement, le post-humain aura-t-il tout simplement le temps terrestre suffisant pour évoluer vers sa propre abstraction ? B2B connexion : Brain to brain, une expérimentation du laboratoire Brain Computer Interfacing de l’université de Southampton (BCI) : Robot avec un cerveau de rat, une vidéo de NewScientist : Pour aller plus loin, une petite bibliographie : Sciences : Pour réagir ou me suivre :
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commentaire
écrit le < 02'04'10 > par <
micatlan evw yahoo.fr
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je n’ose pas imaginer ou on en sera ne serait-ce que dans 200-300 ans. la therapie genique et ses derives leveront sans doute les dernieres barrieres naturelles de la degenerescence vers le post humain. le futur s’annonce croustillant.
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