« Roni Horn aka Roni Horn » exposition jusqu’au 25/05 à la Tate Modern, Bankside, Southwark, Londres, et du 21/06 au 4/10 à la Collection Lambert, 5 rue Violette, Avignon (84).
"You Are the Weather" (1994-1995) de Roni Horn, l’eau sur la peau, les yeux d’une femme et les saisons qui passent en 64 photographies. © Roni Horn
< 21'05'09 >
Roni Horn, ses chambres avec vue
(Londres, envoyée spéciale) À partir de cet espace clos parcouru, le poète perçoit, sent, écoute, goûte les variations atmosphériques des nuits et des jours, les luminosités recommencées des saisons, l’infime et l’immense des désirs, le trouble de notre « infinie finitude ». Le vers dickinsonien naît là, dans cette distance au monde et, tout à la fois, dans sa perception oxymorique. La chambre d’Emily est ce lieu où l’intérieur est ouverture au monde, où intérieur et extérieur se regardent et se mesurent, se doublent et se dédoublent en une multiplicité de sens. Et cette distance devient forme de l’œuvre. Et sa liberté. Roni Horn, née en 1955 à New York, raconte encore combien et comment l’Islande fut pour elle ce lieu à l’égal de la « chambre dickinsonienne ». Cette île qu’elle « rencontre » en un premier séjour en 1975 et qui jusqu’à sa dernière installation montrée l’an dernier là-bas, « Library of Water », est son lieu de production sensorielle et formelle. Voyages vers le monde Cette sculpture est brute, opaque. « Événement » formel, certes, événement sensuel, érotique, attirant. Le visiteur tourne autour, tente de voir le dessus de sa surface : la recherche d’un miroir, peut-être. Mais cette sculpture au rose étrange, presque sale, n’offre pas la complaisance d’un miroir ni la rassurante et conforme facilité de la transparence. Elle renvoie à l’extérieur, elle renvoie au réel, au monde. Elle renvoie aux autres œuvres et au-delà. D’autres sculptures, circulaires, toujours en verre fondu, ponctuent d’autres pièces, ce sont les « Opposite of White » (2006-2007). Elles sont doubles et non identiques, mouvantes et stables, sans miroitement également, elles sont une et multiples. Elles laissent encore le visiteur dans sa liberté de sentir et de comprendre. Variations aquatiques On l’a souvent dit et souligné, les œuvres de Roni Horn fonctionnent sur le principe du double, sur la forme de l’androgynie. De l’ubiquité et de la multiplicité. De l’identique et des identités. La série photographique qui forme l’achèvement de l’exposition londonienne, « You Are the Weather » (1994-1995), pose le visiteur dans le regard et le visage d’une jeune fille en soixante-quatre photographies. Il y a un double regard, qui, dans l’attention que l’on prend, se sensualise : celui de la jeune fille, celui du visiteur, le vôtre. Il y a encore là circulation, de désir et de distance. Dans la première pièce de l’exposition, est installée, entre autres, une sculpture-vers (une longue barre en aluminium et de plastique fondu) venue d’un poème d’Emily Dickinson. Le vers devient sculpture, certes, mais surtout, il dit : « The mind is such a new place / Last night feels obsolete » (« White Dickinson », 2006-2007)… A l’intérieur de la chambre, l’esprit voyage vers le monde, incessamment. Nous serons toujours le lendemain à une autre place, à d’autres places. Et « l’événement » est dans ce trouble toujours recommencé… Dernière chose, si nous circulons dans cette exposition de Roni Horn à la Tate comme dans une chambre ouverte, avec vues sur… c’est bien d’un moment de l’œuvre dont il s’agit (à vérifier avec ce beau diaporama du « Guardian »). Peut-être que l’exposition, qui sera présentée fin juin à la Collection Lambert en Avignon, invitera à d’autres doubles. Encore le déplacement…
Il faut qu’on parle, naturellement !
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