Tim Hecker en concert le 20/05 à 21h dans le cadre des Soirées nomades à la Fondation Cartier, 261 bd Raspail, Paris 14e.
Musique de l’étirement, superposition de nappes, attention brouillard enveloppant ce soir à la Fondation Cartier avec Tim Hecker. © DR
< 20'05'09 >
Tim Hecker dans un brouillard ambient

Tim Hecker fait partie de cette famille très select de musiciens qui cherchent à dépasser leur musique, à l’amener à l’état de vapeur ambient innervant leurs autres travaux : installations, collaborations, danse contemporaine, lectures, performances. La musique ambient est vieille comme Brian Eno et son célèbre soundtrack pour vols planés, « Music For Airports » (1978). A ne pas confondre avec la musique d’ameublement à laquelle Erik Satie voulait parvenir, l’ambient dans les meilleurs cas non seulement habille l’espace (physique, sonore), mais l’habite, le corrompt, l’entoure d’un halo surréel et provoque une magie très singulière.

Des gouttes de « Music For Airports » coulent dans les veines du Canadien Tim Hecker, il ne le nierait pas lui-même. Il y a, tant pis pour la chronologie, un avant et un après Eno chez Hecker. Avant, c’étaient les grandes échappées minimal techno sous le sobriquet Jetone, un son ample et massif, indissociable de la scène de Montréal et du Mutek, festival qui fit beaucoup pour la reconnaissance de la techno canadienne. Puis Tim Hecker se fit un nom, à l’automne 2001, en publiant un premier album qui sortait des clous techno. « Haunt Me, Haunt Me Do It Again » sortait sur le label Alien8 Recordings (Merzbow, Keiji Haino, Bastard Noise, Acid Mothers Temple, Molasses, Lesbians on Ecstasy), le refuge de toutes les collisions entre le bruit brut et la musique expérimentale. Avec ce premier album, aux tonalités post-rock, Hecker bousculait son univers en y introduisant des fractures, un piano, une guitare et des glissandos électroniques. Erudite (le morceau « The Work of Art in the Age of Cultural Overproduction » en référence à Walter Benjamin) mais très incarnée, la musique de Hecker faisait le pont entre l’autrichien Fennesz et la scène rock canadienne alors en pleine ascension, Godspeed You ! Black Emperor en tête.

Tim Hecker - « Arctic Lover’s Rock » (2001) :



Puis c’est la rencontre avec le label allemand Mille Plateaux, génial incubateur de musiques électroniques chavirées, ou comment recréer une énergie rock avec des machines. Tim Hecker rend hommage aux ondes (radio ou extraterrestres) avec « Radio Amor » (2003) et surtout se lance dans la folle aventure de « Mort aux vaches », en 2005, une longue plage enregistrée live, brouillard aux contours subtils mais finalement très découpés, pour peu qu’on se donne la peine de les saisir. L’ambient selon Hecker, c’est bien cela, un nuage épais mais qui amène une lumière différente, polaire et mécanique. C’est l’époque où Hecker entame une série de collaborations, notamment avec la scène post-rock canadienne (enregistrements avec Fly Pan Am) ou Isis, les héros du mental heavy rock.

Sur ses albums les plus récents, il poursuit son exploration des champs d’intersection entre bruit, dissonance et harmonie. Sur « Harmony in Ultraviolet » (2006), il rajoute à sa palette des orgues aux accents baroques, qui nimbent sa musique d’une densité parfois mystique. Fan des phénomènes recensés sous l’intulé Electronic Voice Phenomena, Hecker truffe son disque de voix chuchotées, très difficilement audibles. Il revient aujourd’hui avec une actualité très riche puisque, outre sa série de concerts européens qui fait escale ce soir à Paris, il publie un nouvel album sur le label Kranky, « An Imaginary Country », au nom très éloquent : Hecker invente son propre paysage sonore. Les textures sont évanescentes, les boucles tordues, pour un voyage dans des architectures inédites, à savourer en live.

Tim Hecker - « Borderlands » (2009) :

benoît hické 

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