Rétrospective Wolf Vostell jusqu’au 12/05 au Carré d’Art - Musée d’art contemporain, 16, place de la Maison Carrée à Nîmes (30).
« Miss Amerika », Wolf Vostell (1968), photo et sérigraphie sur toile. (coll. Museum Ludwig, Köln). © Rheinisches Bildarchiv Köln / ADAGP, Paris 2008
< 09'04'08 >
Lumière sur Vostell, un pionnier de l’art vidéo

Pionnier du happening et du mouvement Fluxus, Wolf Vostell (1932-1998) est-il oui ou non l’inventeur de l’art vidéo ? La rétrospective que lui organise le Carré d’Art, Musée d’art contemporain à Nîmes, est l’occasion de rééquilibrer la balance médiatique avec l’autre père putatif du mouvement, le Sud-coréen Nam June Paik. Entre « Sun in Your Head », où le plasticien allemand filme sur pellicule des bribes d’actualités télévisées en un montage favorisant le chaos des associations et les « 13 Prepared TV Sets » de Paik, on retrouve la même volonté de travailler, distendre et faire éclater les images issues de la télévision.

Guère connu en France, Vostell a pourtant côtoyé la fine fleur de l’avant-garde (Robert Rauschenberg, George Maciunas, John Cage, Allan Kaprow, Ben Patterson puis, à Paris, Raymond Hains, Jacques Villeglé, François Dufrêne, Yves Klein et Ben). L’exposition nîmoise (qu’on n’a pas vue) retrace sa carrière en une cinquantaine de pièces datées de 1958 à 1997 (jusqu’au 12 mai).

Avec Paik, Vostell fut l’un des premiers à se servir de la télévision comme élément sculptural, de « TV- dé-coll/age n°1 » (1958-1959) à « Deutscher Ausblick » (1958-1959) jusqu’au « Choc » (1993). « Medium is a message », disait Mac Luhan. Chez Vostell, ce sont les messages du medium/media qui s’enrayent et sont détournés. Ainsi, la télé se bétonne (« Endogene Depression », 1980), devient l’assise d’un fauteuil (« New Yorker Stuhl », 1976), ou s’incorpore au vêtement de Jésus à l’endroit même du cœur dans « Jesus mit Tv-Herz » (1996).

Trans-médias-artiste

Wolf Vostell est un touche-à-tout : créateur de happenings, peintre, affichiste, sculpteur, essayiste… Sa formation en école de graphisme lui apprend la manipulation, le collage, le mixage, autant de pratiques et de stratégies d’assemblages qu’il emploiera activement tout au long de sa carrière afin de briser consciencieusement toutes les frontières (« Mania »,1973) associant l’histoire et le politique à l’art. Au début des années 50, à Paris, il élabore le concept de dé-coll/age, à partir d’un titre du « Figaro » du 6 septembre 1954. Ce label pour l’ensemble de sa production hétérogène se retrouve ainsi dans sa revue « Dé-coll/age ».

« Partant d’éléments auto-dissolvant, auto-détruisant et auto-anéantissant, issus de l’expérience (par exemple, les crashes d’avions ou les accidents d’automobiles), j’ai forgé l’idée de dé-coll/age. Pour moi, c’était le début d’un changement de goût et l’intégration de l’environnement, sous la forme d’expériences vécues, dans mon œuvre », écrit-il. « Une des caractéristiques de mon art et de celui de mes collègues est que le happening comprend tous les bruits, mouvements, objets, couleurs ou psychologies… Pour cette raison, j’affirme que la vie et les gens sont de l’art. » Dans la lignée des membres de Fluxus, comme John Cage ou La Monte Young, Vostell expérimente la musique (à écouter ici).

Guerre et mort

Ses dé-coll/ages sont des commentaires, des regards aigus sur les événements majeurs de la seconde moitié du XXe siècle. En 1968, avec « Miss Amerika », il reprend l’image d’Eddie Adams où Nguyen Van Loan abat sommairement un homme dans les rues de Saïgon et l’intègre dans sa propre composition. La guerre et la mort, auxquelles il échappa durant la Seconde Guerre mondiale, reviennent inlassablement dans ses pièces : parfois de manière ironique dans « Flower Power » (1968) et dans « B52 Lippenstiftbomber » (1962) avec les bâtons de rouge à lèvre s’échappant de la soute de l’avion ; parfois de manière plus tragique surtout dans « Holocaust Memorial » (1988) et dans « Shoah 1492-1945 » (1997).

cyril thomas 

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