Yoshihiko Yamamoto (à g.), le responsable local de la Ligue de libération des Buraku. © Mathias Cena
< 14'08'09 >
A Osaka, les parias font leur festival
(Osaka, envoyé spécial) (Pop’archive). Du Japon nous viennent toujours les mêmes clichés : estampes et otakus, mangas et « Lost in translation ». Le pays du soleil levant est certes pétri de traditions ancestrales remixées à la sauce hypermoderne, mais il a aussi ses coins d’ombre, comme ci-après une plongée au pays des parias Burakumin, à Osaka, à l’occasion d’un festival musical plutôt spécial. Spécial parce qu’il a pour objectif de rapprocher Burakumin et Japonais « ordinaires », spécial aussi parce qu’il n’a lieu qu’une fois tous les dix ans, à l’automne. Et que cette dernière édition a attiré cent fois moins de monde que la précédente ! Ambiance sonore avec les enfants d’Asaka, quartier d’Osaka où se déroule le festival, qui présentent une chorégraphie accompagnée de tambours traditionnels : (durée : 34 s) Asaka, comme onze autres quartiers d’Osaka, est presque exclusivement habité par une population rejetée par le reste des Japonais : les Burakumin. Alors que rien en apparence ne les distingue des autres, ils sont mis au ban de la société, comme peuvent l’être les immigrés d’origine coréenne ou les Aïnous (ethnie de l’île septentrionale d’Hokkaïdo). Alors que le système des castes a été aboli au début des années 1870, la discrimination à l’égard des Burakumin se poursuit. Accès aux études, à l’emploi et au mariage : certaines entreprises et beaux-parents potentiels ont même recours à des agences de détectives privés pour traquer les éventuelles origines burakumin des prétendants. A l’aube du XXIe siècle, ils sont toujours les parias du Japon. Au Moyen Age, leurs ancêtres exerçaient des métiers « impurs » et « souillés » (selon la religion shinto), liés au sang ou à la mort : tanneurs, cordonniers, équarrisseurs, bouchers, croque-morts, mais aussi jardiniers et sculpteurs. En 1988, la première édition du festival d’Asaka entendait rassembler Burakumin et Japonais « ordinaires » autour d’une série de concerts : succès au rendez-vous, avec 35000 personnes venues de tout le pays. Dix ans plus tard, rebelote : cette fois, ce sont 50000 festivaliers qui se massent à Asaka. « En 1998, l’organisation du festival a coûté 15 millions de yens » (environ 117000 euros), se souvient Yoshihiko Yamamoto, responsable local de la Ligue de libération des Buraku (BLL), qui milite depuis près d’un siècle pour les droits et l’amélioration des conditions de vie des Burakumin. En 2008 toutefois, le festival n’accueille « que » 500 personnes : « Cette année, nous avons voulu un événement plus petit, de manière à ce que l’argent économisé serve aux plus démunis. » Une forme d’aide sociale privée qui viendrait compenser le désengagement de l’Etat japonais. Jusqu’en 2002, un plan d’aide gouvernemental a en effet permis de rénover et reconstruire l’habitat délabré des communautés Burakumin, leurs quartiers étant souvent des bidonvilles particulièrement vulnérables aux tremblements de terre et inondations. Aujourd’hui, il arrive que les Burakumin quittent ces quartiers et que des Japonais « ordinaires » (souvent les plus pauvres) viennent y vivre. C’est une des raisons qui explique qu’il est très difficile de connaître leur nombre, que le gouvernement estime à un million de personnes, réparties dans 5000 communautés. La BLL, dont les relations avec l’Etat sont tendues, voudrait bien se passer de son aide pour régler les problèmes qui subsistent, notamment l’accès aux études. Mais il était peu question de cela à la mi-octobre à Asaka, les festivaliers entendaient davantage profiter du soleil en ripaillant et en buvant du saké de dix ans d’âge, mis à vieillir dans une statue au festival précédent. Une fois les danses terminées, une poignée d’entre eux a continué la fête au son des chants accompagnés au shamisen, le luth traditionnel à trois cordes. Cet article a été publié la première fois le 21 novembre 2008. Chants et shamisen, le luth japonais : (durée : 4 mn)
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