EMA en date unique au Batofar le 30/09 à 19h30, à l’occasion de la sortie de son troisième album « Exile in the Outer Ring » (City Slang/Differ-Ant).
Erika M. Anderson alias EMA, documente l’envers des Etats-Unis dans des nuages de drones et des brumes électroniques. © DR
< 28'09'17 >
L’émoi EMA
Ça fait des lustres qu’on n’a pas parlé musique pop sur poptronics. Un comble ! Sans doute la faute à une époque revivaliste et cynique en diable. Et à des musiciens rattrapés par le système ultramarketé des majors du disque, sommées de répondre à l’injonction de la mise en scène perpétuelle de soi à l’heure où quelques SMS publiés en ligne (voir le récent « saunagate » de Jeremy Underground). Mais EMA va nous sortir de là. Depuis que cette figure libre a déboulé en 2011, Erika M. Anderson secoue le rock américain, à cent lieues des pratiques de ses congénères. Sur son fil Twitter, truffé de liens politiques, elle relaie les actions d’activistes et dialogue (réellement) avec ses followers. Elle multiplie également les travaux multimédias, avec toujours une voix qui tranche. Loin des chanteuses folk en vogue (et en cheveux), EMA a choisi de s’environner d’un halo de noise électronique furieux pour ausculter une Amérique malade d’elle-même. Bien avant que les médias du monde entier ne découvrent avec horreur que les oubliés de l’économie américaine et les rednecks de tout poil pouvaient prendre le pouvoir, cette native du Dakota (relocalisée à Portland) s’est faite l’entomologiste des vies fracassées de la jeunesse perdue de l’« Amérique profonde » comme on dit pudiquement, celle qui, pour oublier qu’elle est sans avenir, se nourrit de porno online, de suicides en direct sur Snap, et s’envoie H24 dans les veines et les narines des drogues de synthèse bricolées au fond d’un backyard. « Breathalyzer », EMA, réal. Alicia Gordon (2017) : Ce franc-parler et l’acuité de son regard font d’EMA l’une des pièces maîtresses de l’underground rock américain. En une poignée d’albums, elle a imposé un ton et un son, avec des guitares qui surgissent comme des éclairs d’une saisissante brume électronique, des percussions aussi dures que la vie qu’elle décrit, une voix qui réconcilie Kim Gordon et PJ Harvey, Karen O. et Courtney Love. On s’est emballé dès l’origine pour le désormais inusable « Past Life Martyred Saints », premier album sensationnel de charisme, quand le suivant, « The Future’s Void » (2014), hanté par la société de surveillance, dépeignait un futur digne de la SF la plus sombre en plongeant dans la violence des réseaux sociaux. Une violence qu’on retrouve plus explicite encore dans ce montage d’images de la police de Mount Pleasant, Texas, qui ne saurait mieux dire l’intransigeance à l’œuvre chez EMA. « Active Shooter », EMA et Alexandra Atnif (2016) : Sorti à la fin de l’été, « Exile in the Outer Ring » installe un peu plus encore cette songwriter de 35 ans au cœur de notre Panthéon contemporain. Onze titres d’une chevauchée implacable dans l’Amérique larguée de Trump (mais écrits bien avant qu’il ne vire en tête des primaires républicaines). Un pays misogyne, raciste, camé jusqu’à l’os, en rupture avec un monde qui ne se reconnaît plus que par le prisme déformé du réseau. Dans un halo de fuzz, de drones et de boucles vrillés, EMA documente avec des mots crus et cruels la défonce quotidienne à l’arrière des bagnoles, la foi en le white power, le nihilisme rance, le sexe malsain. Avec cran, avec classe, et avec même des dégagements folk assez réussis. Autant dire qu’on a hâte de voir ce disque prendre corps sur scène, grand choc d’une rentrée musicale qui en compte peu. Attention : son passage en France est fugace (une seule date, ce samedi 30 septembre, au Batofar à Paris). Mais elle sera de retour en janvier à Bordeaux, en première partie de… Depeche Mode ! « Aryan Nation », EMA, réal. Aaron Anderson et Eric Timothy Carlson (2017) :
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