Retour sur les micro-paysages urbains de Direct Out, composé des musiciens Yann Leguay et Arnaud Rivière et du vidéaste Jérôme Fino, présentés à la 12ème édition du festival Gamerz, Galerie de l’école supérieure d’art d’Aix-en-Provence, du 4 au 13 novembre 2016.
« Pierre qui roule » (trouvée par Direct Out à Aix, équipée d’un micro contact et d’un mini ampli), déposée devant leur pièce vidéo à l’école d’art d’Aix-en-Provence pour le festival Gamerz. © Direct Out
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La petite musique de ville de Direct Out à Gamerz
Aix-en-Provence, correspondance C’est quasi une signature du festival Gamerz, dont la 12ème édition s’est achevée le 13 novembre à Aix-en-Provence : les artistes bidouilleurs technocritiques qu’il expose et programme arpentent la ville en repérage créatif. C’était le cas cette année des musiciens Yann Leguay et Arnaud Rivière et du vidéaste Jérôme Fino rassemblés dans Direct Out, qu’on a croisés en pleine auscultation acoustique du bâtiment de l’architecte Kengo Kuma : deux musiciens bruitistes qui « écoutent » un conservatoire de musique…
Au festival Gamerz, Direct Out présentait une vidéo de ses actions sonores urbaines (qu’ils enrichiront des captations aixoises). Direct Out est né d’une envie de sortir des salles de concert et d’exposition pour trouver de nouvelles possibilités acoustiques, de nouveaux matériaux. Armés de leur savoir-faire bruitiste, les compères explorent la ville comme un terrain de jeu en quête d’un contexte qui résonne avec leurs dispositifs. Arnaud Rivière compare la démarche à celle des skateurs qui cherchent les endroits à « ripper ».
Le film présenté à l’école d’art d’Aix pour Gamerz montre une série de micro-paysages urbains en interaction avec des dispositifs sonores faits main (et ça se voit). Le micro électromagnétique révèle le beat d’un feu de signalisation ou le chant buzzé d’un distributeur automatique, le petit moteur à hélice se cogne aux grilles, rebondit sur la surface granuleuse d’une boîte aux lettres, plane jusqu’à rencontrer un fil de fer… Quelquefois, une main intervient pour dévier le cours de la séquence. Les plans, toujours fixes, se succèdent, depuis le très rapproché de la matière jusqu’au plus large qui révèle le contexte. Le son fait lien. On reconnaît la patte de Jérôme Fino. Dans sa série Eyes for ears, il isolait les gestes de musiciens expérimentaux pour révéler la source du son. C’est de là que date sa première collaboration avec Arnaud Rivière, en 2008. « Eyes For Ears », vidéo Jérôme Fino, « cuT_19 » (platine préparée avec éléments métalliques par Arnaud Rivière : Les trois se connaissent bien. Jérôme Fino travaille régulièrement avec Yann Leguay depuis leur rencontre début 2000 aux beaux-arts de Bourges. En 2013, à Sonic Protest (dont on vous parlait ici), leur CCrash TV, un dispositif mobile de diffusion d’actions de démantèlement de caméras de surveillance, alliait récup et activisme. Le festival Sonic Protest, dont Arnaud Rivière est l’un des programmateurs)… Rien que de très naturel que ces trois-là décident d’unir leurs forces dans un projet qui mêle DiY, espace public et expérimental joyeux, dont le film est la partie visible. Les premières séances de Direct Out ont lieu à l’ODC de Bourges puis au festival Météo à Mulhouse en 2015. Direct Out, premières étapes de travail, 2015 : On décèle dans les longs plans calmes cette attention au temps de l’expérience et de l’écoute qui fait le ferment de leur pratique commune. Faire, regarder, prendre du recul, y revenir, modifier, rebondir sur les idées des uns et des autres, se faire surprendre, adapter… Yann Leguay : « La recherche de résultat pollue la manière de faire. » Arnaud Rivière nuance en définissant leur travail comme « un corpus d’expériences où le process est important, avec une attention au résultat ». Que se passe-t-il hors-champ ? On voit dans une séquence une passante s’approcher et poser des questions muettes (on n’entend que le grésillement du feu rouge). Souvent, le tournage attire les gens. La curiosité et l’accès direct du quotidien créent l’audience, plus diversifiée que les publics spécialisés, sans les moyens habituels de communication.
Cette même simplicité, on la retrouve lorsqu’ils évoquent le DiY. Loin d’être une revendication (qui serait antinomique avec la pratique), le Do it Yourself est pour eux une évidence. Le batteur Arnaud Rivière y a tout de suite vu la possibilité de créer des instruments adaptés à ses gestes et à l’envie qu’il avait de faire sonner ses instruments, avec une esthétique qui lui correspond. Jérôme Fino tente une métaphore savoureuse : « Est-ce que tu vas acheter un sandwich ou te faire un petit plat ? Le petit plat est meilleur, plus économique et, en plus, tu peux le partager. » « Faire nos instruments ou objets nous-même nous permet d’accéder à une position plus large que seulement la musique. » Yann LeguayLeurs graffitis sonores partagent avec le street art leur côté éphémère. Comme pour cet autre artiste sonore, Jean-Philippe Renoult, et ses Tag Audio Loops, où le site internet est l’archive de l’action, pour Direct Out, seule la vidéo rend compte de l’instant. Yann Leguay résume : « Il n’y a pas vraiment d’objet final, c’est une sorte de cadavre exquis ouvert. »
Chez les Direct Out, l’art dans la vie n’est pas un slogan mais une réalité tangible qui se pratique avec légèreté et attention, nourrie du background de chacun, dans un dialogue permanent et un plaisir de faire très communicatif. Les séquences réalisées à Aix-en-Provence viendront enrichir la collection, à découvrir prochainement en ligne.
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