Double actualité autour d’Arthur Russell, compositeur, chanteur, violoncelliste et producteur avec la sortie DVD du documentaire « Wild Combination : A Portrait Of Arthur Russell » de Matt Wolf (Plexifilm) et la compilation : « Love Is Overtaking Me » (Rough Trade/Beggars).
Un documentaire et une compilation de morceaux rares restituent les différentes facettes d’Arthur Russell, légende méconnue du disco. © DR
< 25'11'08 >
Arthur Russell, le blues du disco

On croyait la boule à facettes définitivement remisée au placard, mais non, le disco renaît : dès 2005, Madonna se fend d’un album qui plagie Abba (« Confessions on a Dance Floor »), James Murphy envoie Hercules et ses Love Affair sur le front tandis que les Chairlift, Glass Candy et autres Chromatics tentent de rallumer la flamme. Il est donc plus que temps d’examiner à la loupe l’histoire de cette musique, sous l’angle du terrain d’expérimentations un peu oublié. Avec les sorties en DVD du documentaire « Wild combination : a portrait of Arthur Russell » et de la compilation « Love Is Overtaking Me », Arthur Russell fait partie de ces laborantins du disco à redécouvrir impérativement. A la fin des années 70, dans un New York effervescent et déjà secoué par les rythmes disco et ses déclinaisons « extended », le compositeur, chanteur, violoncelliste et producteur a greffé des bouts de musique savante dans une musique dédiée au corps.

Un soir de 1979, David Mancuso, le DJ qui fait et défait les modes d’un coup de saphir, joue un morceau d’Arthur Russell (sous pseudo Dinosaur L), « Kiss Me Again ». Le Loft chavire et tombe illico sous le charme de cette mélodie infernale lardée de guitare et de violoncelle, cent coudées au-dessus du disco à la chaîne qui commence déjà à faire mourir le genre. Arthur Russell enfonce le clou ensuite avec « Go Bang ≠ 5 », meilleur titre disco jamais édité… Maelstrom vertigineux de funk, jazz, dub et rap, cet ovni met du temps à s’imposer hors d’un cercle de danseurs gays ultra-initiés du Paradise Garage new-yorkais. Enregistré en 1979, « Go Bang » paraît en 1981, mais l’histoire retient surtout le mix réalisé par François Kevorkian en 1982. Longtemps introuvable, ce gemme - qui n’est pas édité en CD avant 1996 - est un objet de convoitise pour les DJs du monde entier. Il se promène cependant de labels en labels plus ou moins officiels, surtout lors de la première décennie house music, qui y voit naturellement un de ses hymnes fondateurs.

Dinosaur L - « Go Bang ≠ 5 » (1982) :



L’histoire paradoxale d’Arthur Russell est racontée dans le documentaire « Wild Combination ». Violoncelliste de formation, il débarque un jour de l’Iowa dans une communauté hippie de San Francisco et rencontre le poète beat Allen Ginsberg. Sous son influence, il croise à partir de 1973 à New York la fine fleur de l’avant-garde : Philip Glass, David Byrne, Rhys Chatham ou Bob Wilson. Il se frotte à la musique « sérieuse » et anime la Kitchen, haut lieu de l’expérimentation situé à Greenwich Village, tout en découvrant l’énergie du disco et en s’associant avec ses DJs rois, Larry Levan, Nicky Siano et Walter Gibbons. « Wild Combination » montre un jeune homme timide mais déterminé, au visage grêlé par l’acné, littéralement envahi par sa musique.

Il envisageait la disco comme une musique mentale, une ascèse, ce qui ne l’empêchait pas d’emmagasiner des centaines de cassettes. Au fil du temps, ses compositions ressemblent à des mantras effilochés par la mélancolie. Mélancolie qu’on retrouve aujourd’hui concentrée sur la magnifique compilation de raretés « Love Is Overtaking Me ». Arthur Russell, c’était aussi une voix, dont le grain fait songer à Robert Wyatt ou Nick Drake, voire Mark Hollis (Talk Talk), qui lui doit beaucoup. Dernière preuve, émouvante, avec le disque testament de Russell, « World of Echo » enregistré en 1986, seul dans une galerie, avec pour seuls partenaires son violoncelle et une chambre d’échos. Véritable « Rock Bottom » d’un disco épuré de tout, Russell tutoie ici les anges, avant de s’éteindre, emporté par le sida, en 1992. Il avait juste quarante ans.

Arthur Russel - « Terrace of Unintelligibility », filmé par Phill Niblock (1985) :


benoît hické et jean-philippe renoult 

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< 2 > commentaires
écrit le < 27'11'08 > par < elebovici EjQ club-internet.fr >
Vous êtes un peu imprécis sur Wild Combination, le film sur Arthur Russell qui est déjà culte (de l’avis d’amis vidéastes et cinéphiles newyorkais,), vous ne dites pas que le documentaire est de Matt Wolf, qu’il passe à l’ICA de Londres et qu’il a été sélectionné pour la prochaine Berlinale (festival de cinéma de Berlin). Cf http://www.arthurrussellmovie.com/i
écrit le < 04'12'08 >
Le film est certainement culte à New-York et Berlin mais il est assez convenu, d’où l’option de parler davantage de Russell lui-même. Et surtout de donner envie d’écouter sa musique. BH