« Le dilemme du prisonnier », exposition Julien Prévieux au château des Adhémar, Centre d’art contemporain, du 6/11/10 au 2/01/11, tous les jours sauf mardi 9h30-12h, 14h-18h, 24 rue montant au Château, 26200 Montélimar, entrée : 2,50 €-3,50 €.

Nicolas Frespech, artiste et chroniqueur multi-occasionnel de poptronics, a rencontré Julien et visité l’expo. Tél : 04 75 91 83 64

« Le Lotissement » (2008) de Julien Prévieux reproduit la cabane de Bell ou le garage où Google a été inventé, comme une ville fantôme de lieux entrés dans l’histoire par ce qui y a été inventé. © Jacques Prévieux
< 09'12'10 >
Avec Julien Prévieux, l’art vit au château

(Montélimar, correspondance)

Julien Prévieux a été invité à investir un lieu historique, le Château des Adhémar à Montélimar et comme l’artiste est malin, il se pose ouvertement la question des idées et de l’inspiration face à une nouvelle exposition. La sienne s’intitule « Le dilemme du prisonnier », en référence au classique de la théorie des jeux (qui veut que deux joueurs ne parviennent jamais à coopérer même si la situation y est favorable).

Un château n’est pas l’espace blanc d’une galerie, et Julien Prévieux propose dès le début de la visite un parcours historique axé sur les idées et les conditions favorables pour qu’elles éclosent. « Le Lotissement » (2008) est une série de reproductions en volume de cabanes et d’un garage alignées dans la première salle. L’artiste donne du volume à ces lieux fragiles, isolés et souvent éphémères où se fabriquent des idées et des mythes. Des lieux à part, de liberté et de concentration, comme si l’invention ne pouvait se faire dans un lieu de vie commun et quotidien… Ça pourrait ressembler à un parc de loisirs où les plus grands monuments sont miniature, mais la scénographie s’apparente ici davantage à une rangée de tombes au cimetière qu’à un parc à thème fun !

De la cabane d’Alexandre Graham Bell, l’inventeur du téléphone, jusqu’au garage où Google aurait été inventé... ces structures recomposées, fragiles, sont installées dans un château sauvé des ruines grâce à sa transformation, en prison d’abord, et jusqu’à l’actuel centre d’art.

Dans le même esprit de mausolée des idées, la chapelle du château accueille « Have a rest », reconstitution d’un superordinateur fabriqué dans les années 70 pour l’Agence de sécurité nationale américaine, la NSA, par l’équipe du mythique Seymour Cray. Une reconstitution comme une relique, le symbole de la puissance américaine et d’une société « sauvée » par les avancées technologiques, une société d’analyse et du contrôle.

Plus loin, une bibliothèque des savoirs périmés intitulée La totalité des propositions vraies (avant). Une impressionnante structure en bois circulaire où sont disposés des livres que le visiteur peut consulter. Tous sauvés du pilon. Certains ont pour sujet le parler jeune dans les années 80, d’autres sont des guides pratiques pour Windows 98, les manuels de géographie côtoient les livres de prospective...

« La totalité des propositions vraies (avant) », Julien Prévieux, 2008-2009 :


Cette bibliothèque de contenus obsolètes, on la feuillette avec un certain plaisir. Les savoirs évoluent, les idées changent et à l’heure de Wikipédia et des contenus sans cesse actualisés, sans oublier les livres électroniques à la demande, ce petit retour dans le passé ne se fait pas sans se poser quelques questions sur nos croyances passées et souvent naïves... Et ça fait un peu mal !

Plus loin, des portants présentent des pulls qu’on aurait presque envie de porter... Julien se lancerait-il dans la mode et les produits dérivés ? Pas vraiment… Il présente ces pulls colorés à la maille tressée lâche ou serrée, commandes de l’artiste à des « mamies » recrutées sur le Net pour leur coup d’aiguille ! Le jacquard, c’est tout un savoir-faire (c’est aussi très tendance hiver 2010-2011 !). Mais les pulls de Julien Prévieux sont à double langage : les motifs représentent des modèles de comportements sociaux face à l’oppression, la contestation...

Et comme Julien est plutôt très sympathique et branché DIY, il nous offre ses patrons pour se confectionner notre pull de l’hiver 2010-2011 ! Merci Julien... ! Pour réaliser le modèle Rébellion de la série « D’octobre à février », téléchargez le patron ci-dessous pour tricoter l’un des cinq modèles de la série, dont les simulations (ci-contre) ont été faites grâce à Netlogo.

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Un petit tour dans la loggia, un espace à la vue incroyable ? Julien Prévieux sait que ce n’est pas une pièce simple à aménager, le paysage « kidnappant » le regard et l’attention du visiteur. Il a imaginé un dispositif sonore, « Connusconnus » (oui tout collé) qui accompagne le visiteur lors de sa contemplation de la ville et des montagnes environnantes. Un son planant ? Pas vraiment… Julien Prévieux a rencontré des professionnels des assurances qui travaillent sur les risques potentiels, les accidents ou les angoisses collectives émergentes, afin d’imaginer de nouveaux produits d’assurances ! Une vraie culture des risques, toujours en éveil pour éviter de faire sombrer l’industrie des assurances. Et comme Julien Prévieux est cool, il nous offre un montage de 30 minutes de cette pièce fascinante et inquiétante... et même plutôt rigolote !

« Les connus connus, les inconnus connus et les inconnus inconnus », Julien Prévieux, 2010 :

(Extrait de 30 mn tiré de la pièce éponyme au Château des Adhémar à Montélimar)

D’autres créations sont à découvrir dans cette exposition intelligente et passionnante. Ceux qui ne connaissaient pas encore Julien Prévieux découvriront enfin ses fameuses « Lettres de non-motivation » (dont on peut entendre une lecture, par François Morel et la chanteuse Juliette pour « Télérama »).

nicolas frespech 

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< 1 > commentaire
écrit le < 09'12'10 > par < annick.rivoire Yam poptronics.fr >
Et justement, quand on parle du loup… Julien Prévieux est invité ce soir-même à Paris (19h30), pour une discussion organisée à l’occasion de la parution de la revue "Critique, A quoi pense l’art contemporain ?", aux côtés d’Elie During, de Jean-Baptiste Farkas, d’Elisabeth Lebovici (qu’on ne présente plus chez poptronics...) et de David Zerbib. Tous les détails sur le site du Palais de Tokyo.