« Four Eyed Monsters » annonce peut-être un futur du cinéma. Ce long-métrage new-yorkais, signé de deux jeunes réalisateurs, Arin Crumley, 26 ans, et Susan Buice, 28 ans, est en effet le premier à être diffusé gratuitement et en intégralité sur YouTube. Seule contrepartie, ses auteurs demandent aux internautes d’adhérer (gratuitement) à Spout.com, un site communautaire consacré au cinéma qui leur reverse un dollar par inscription (explication ici).
Adeptes des nouvelles technologies, les deux New-Yorkais se sont rencontrés au début des années 2000 et ont décidé d’en faire un scénario. Réalisé en 2005, « Four Eyed Monsters » a déjà une longue histoire online derrière lui et une vie de festival en festival. En octobre dernier, Crumley et Buice ont lancé un podcast à succès (plus d’un million de vues) sur le making-of du film, très fauché, comme il se doit, et sa tournée des festivals (prix à Sundance, South by Southwest…). Ce qui leur a permis de distribuer le film dans quelques salles aux Etats-Unis, grâce notamment à des séances organisées par certains de leurs fans internautes.
L’étape de la diffusion en ligne est d’autant plus logique qu’en janvier « Four Eyed Monsters » était déjà l’un des premiers long métrages à être diffusé dans « Second Life ».
Malgré tout le buzz qui l’entoure, cet honnête film de fin d’études ne bouleversera pas l’histoire du cinéma, hormis les innovations en terme de production et distribution qu’il introduit. Aux frontières de l’auto-fiction donc, on suit Crumley et Buice en totale misère sexuelle. Ils se rencontrent via Internet et débutent une relation à coup de textos, vidéoblogs et chats sur MSN. A chacune de leurs rencontres physiques toutefois, ils restent silencieux, leurs échanges passent alors par l’écriture sur un bloc-notes. Un rêve de geek, en somme. Une bonne dose de clichés (elle sert dans un resto branché mais se rêve artiste ; lui, étudiant en cinéma, vit reclus dans sa piaule) et une naïveté certaine (les séances de baise sont illustrées… d’oiseaux qui s’envolent) n’empêchent pas quelques bonnes idées : le jeu sur les textures, les animations en insert ou la parodie d’une vidéo promotionnelle pour un centre d’art.
YouTube diffuse en intégralité et gratuitement le film jusqu’au 16 juin. On peut aussi le télécharger pour 8 dollars (sans DRM, ces verrous technos qui empêchent toute copie) ou l’acheter en DVD à 15 dollars sur le site des auteurs, qui espèrent ainsi rembourser leurs dettes. A trois jours de la fin de la diffusion en ligne, on comptait plus de 350 000 vues sur YouTube, pour 17200 dollars récoltés. C’est pas gagné...