Une image d’Emma Dusong en cadeau pour Poptronics. © Emma Dusong
< 29'08'09 >
Emma Dusong, qu’est-ce que tu fais pour les vacances ?
Emma Dusong est de ces jeunes artistes (26 ans) qui explorent l’auto-filmage aussi bien que la chanson, la performance ou le dessin, la vidéo comme l’installation. A 16 ans, lors d’un séjour aux Etats-Unis, elle enregistre des lettres vidéo qu’elle n’enverra pas comme prévu à ses parents mais dont elle composera un autoportrait filmé. Résidente du Pavillon du Palais de Tokyo, le laboratoire de création artistique, elle participe à l’exposition collective « Ange Leccia et le pavillon », cet été à Paris au musée Bourdelle (jusqu’au 30/08).
Qu’est-ce que tu fais pour les vacances ?
Je vis pleinement ma liberté retrouvée. C’est la fin du pavillon.
J’observe les étoiles grand sourire en faisant de la balançoire jusqu’en avoir le cœur renversé. Je tourne des vidéos absurdes dans ma chambre ou dans les arbres que je ne montrerai jamais à personne. Je fictionnalise mes souvenirs, je les relis en me demandant quelle est la part de vrai et de faux. J’appelle les visiteurs du Palais de Tokyo pour leur chanter une chanson et leur proposer un jeu. Je pose des questions à Dimitry qui revient d’Antarctique. Je me dis que dans une autre vie, c’est ce que j’aurais fait. Monter des montagnes et les redescendre. Descendre dans des crevasses et les remonter. Repousser les limites humaines. Dans ma vie actuelle, j’attends que la météo change pour aller grimper. (Il pleut.) Pendant ce temps-là, je regarde mes vloggers préférés. Je clique, clique, clique, je commente, je virevolte... Je m’improvise DJ avec pour seul public mes nièces qui dansent dans tous les sens. J’observe la fonte des glaciers avec Amélie. Je tente de rattraper l’année avec mon frère et tous ceux que je ne vois pas assez. Je vais dire bonjour à la femme aux lunettes de soleil sur le banc. Je lui raconte tous mes secrets et écoute ses conseils. Je rêve d’Annette et de sa dernière pièce.
Je m’interdis de trop travailler mais je travaille toute la nuit.
Je me demande ce que veut dire « se reposer ». Je me dis qu’il faudrait que je dessine plus.
J’observe les nuages grand sourire en faisant de la balançoire jusqu’en avoir le cœur renversé.
J’ai une idée pour une nouvelle pièce.
Demain, je m’y mets.
Il ne pleut plus.
Je cours escalader une falaise.
Quels plaisirs culturels te mitonnes-tu pour l’été ?
Dans ma valise, il y a :
« Soleil du soir » de Dick Annegarn, « Cahiers de jeunesse » de Simone de Beauvoir, « La Vie possible de Christian Boltanski » de Christian Boltanski et Catherine Grenier, « La douleur » de Marguerite Duras, « Les mots et les choses » de Michel Foucault, « La métamorphose » de Franz Kafka, « …Until we felt red » de Kaki King, « Please attention Please : Bruce Nauman’s words » édité par Janet Kraynak, « La haine de la musique » et « Le nom sur le bout de la langue » de Pascal Quignard, « Enfin on fera silence » et « Is this love » de Béatrice Rilos, « The Soft and the Hardcore » de Tender Forever, « Les Plages d’Agnès » d’Agnès Varda, « L’Opoponax » de Monique Wittig et « Theatre Royal Drury Lane Robert Wyatt and friends in concert » de Robert Wyatt et ses amis.
Et bientôt dans ma boîte aux lettres : « Gender Trouble : Feminism and the Subversion of Identity », « Giving an Account of Oneself » et « Undoing Gender » de Judith Butler que je viens d’acheter sur Internet.
Et comme d’habitude je fais un petit tour estival en Suisse avec mes parents : Fondation Gianadda à Martigny bien sûr puis Mamco, Centre d’art contemporain de Genève, galeries genevoises, Centre Paul Klee, Kunsthalle Bern, Museum für Gegenwartskunst, exposition Giacometti à la Fondation Beyeler, Musée Tinguely, Schaulager…
Quelle sera ton attitude par rapport au Net pendant les vacances ?
Pas tellement de changement pendant les vacances. C’est un outil comme un autre. J’emporte mon papier et ma plume comme je prends mon ordi avec moi partout où je vais. Si j’ai une connexion, c’est bien. Je me souviens de Calvacom et de la magie des courriels quand j’étais toute petite, puis de mes premières recherches sur la Toile en 1993. Je postais des critiques de films sur une page québécoise. Depuis, j’utilise l’Internet en hiver comme en été. Par contre, je suis difficilement joignable par téléphone mobile. Dès que je peux, je le coupe !
A quel gros chantier tu t’attaques après les vacances ?
Passer mes journées à la bibliothèque pour avancer ma thèse, enregistrer un disque vinyle, exposer au Watarase Art Project l’installation vidéo qu’ils avaient censurée l’année dernière. Elle faisait trop peur paraît-il. Finir d’écrire mon livre commencé à Kokubunji, réaménager mon atelier, préparer mes cours, aller au concert de Laurie Anderson et de Lou Reed salle Pleyel le 4 septembre, performer à distance une chanson dans un ascenseur à São Paulo, intervenir dans le Guia da Folha et dans Le Quai, faire un tour à la Biennale de Venise, rencontrer quelqu’un de formidable (si possible dans le métro ou bien dans une expo), reprendre le piano, continuer le chant, voir mes proches plus souvent, encourager Vincent pour son concours de notaire.
Faire des listes ! M’organiser !
Cela va être à nouveau une année bien remplie.
J’ai déjà hâte.
recueilli par cyril thomas
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