« The Apology Line », de James Lees (2007), documentaire au programme de la 7e compétition Labo, la sélection nouvelles images du 30e festival international du court métrage de Clermont-Ferrand, du 1er/02 au 9/02, sur 13 lieux (dont cinq sur le boulevard François-Mitterrand) à Clermont-Ferrand (63).
Poptronics en direct du festival.
« The Apology Line » de James Lees, une ligne téléphonique réservée aux particuliers qui souhaitent s’excuser, où l’on peut tout avouer au téléphone, dans l’anonymat. © DR
< 08'02'08 >
Clermont 5/6 : « Ces secrets qui suintent la culpabilité »

(Clermont-Ferrand, envoyée spéciale)

James Lees, 27 ans, un bras dans le plâtre, poursuit son marathon international, promenant de festivals en festivals son premier film « montrable » (c’est lui qui le dit). Raindance, Sundance, Sidney, Clermont-Ferrand et sa section Labo (jusqu’à demain), avant Seattle et Austin. « The Apology Line », documentaire au sujet totalement original et à la facture visuelle plutôt classique (vues nocturnes d’une ville anglaise générique, de chambres en intérieurs, cadrages anonymes, tranches de vies ordinaires), met au premier plan le son, série d’appels reçus sur une ligne créée par James Lees et William Bridges (co-auteur du scénario). Un centre d’appels d’excuses mis en place par les deux acolytes pour donner la matière première du film. Rencontre matinale avec James Lees.

Pouvez-vous nous raconter l’histoire du film avant le film ?

Fin 2006, nous avons mis en place une ligne d’appel gratuite et anonyme, The Apology Line, imprimé 20 000 flyers distribués et collés dans les cabines téléphoniques, les cafés, un peu partout en Grande-Bretagne, via un réseau d’amis et de volontaires. La presse a embrayé et parlé du projet artistique (le tract stipulait : « Vous vous sentez coupable ? Dites ce que vous avez sur le cœur, appelez le 08009709394 », ndlr). William Bridges a découvert par hasard l’artiste new-yorkais Allan Bridge, disparu dans un accident en 1995, et « The Apology Project », qu’il avait créé en 1980. On a trouvé l’idée fantastique et eu envie d’ouvrir une ligne pour voir de quoi les Britanniques se sentiraient coupables. Les messages parlant d’eux-mêmes, nous avons imaginé un film qui les laisserait au premier plan, comme une matière première puissante.

La matière première du film, justement, ce ne sont pas les images, mais le son ?

Nous avons construit le film à partir du son, en essayant de jouer avec les 500 messages reçus en quelques mois, en proposant quelque chose d’assez proche de la réalité d’une boîte vocale. Pour ne pas être trop clean au niveau sonore, le sound design est très travaillé pour donner une texture émotionnelle. Nous avons voulu montrer les différents types d’excuses reçues : celles qui font rigoler, celles qui au contraire attristent, sont violentes ou qui disent « fuck off, je n’ai pas à m’excuser connard ».

Après le son, il fallait choisir une représentation visuelle. Comment avez-vous procédé ?

Nous ne voulions pas interpréter les excuses et la culpabilité qui en ressortait, plutôt refléter l’anonymat, d’où tous les cadrages avec les têtes coupées. Comme tous ces secrets suintaient la culpabilité rentrée, le côté sombre et solitaire de chacun de nous, il fallait représenter une forme de voyeurisme, d’où ces images d’extérieurs, ces vues sur des fenêtres, sur des chambres. Et filmer le moment le plus privé, intime de la journée, celui où on s’attend le moins à être vu : quand on se déshabille pour aller au lit et où on se retrouve seul avec ses pensées. Je voulais qu’on sente le sentiment d’isolement de ces personnes. Et même si certains appels étaient inventés, il semble que la plupart aient trouvé le moyen d’exprimer leur culpabilité et que ça leur ait fait du bien !

Le film est-il l’aboutissement du projet ou une étape ?

On veut en faire un livre et une exposition. Certains curateurs sont intéressés par l’idée de mixer la ligne d’appels et la possibilité pour les visiteurs de faire leurs excuses de façon anonyme sur place. On réfléchit aussi à faire de nouveaux films à partir d’Apology Line, avec un traitement visuel différent, en version 3 minutes, et surtout en lançant le projet dans d’autres pays, pour voir si la culpabilité est partout la même. Je prépare aussi un film explorant les six degrés de séparation (six degrees of separation, l’idée que le monde est tellement petit qu’une personne est reliée à n’importe quelle autre par une chaîne relationnelle d’au maximum cinq autres), notamment pour questionner notre sens de la communauté aujourd’hui.

Ici, une version abrégée et là, la version complète, de « The Apology Line », à 1,99$.

annick rivoire 

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