Calmin Borel, sélectionneur du Labo de Clermont, explique les choix de la rétrospective Dix ans de Labo, 40 films d’anniversaire, à voir dans le cadre du Festival international du court métrage de Clermont-Ferrand 2011, du 4 au 12 février, à Clermont.
Après son Grand prix au Labo de Clermont en 2008, le collectif japonais Tochka qui avait réalisé "PikaPika" n’a pas cessé ses light-graffitis, au contraire, comme ci-dessus à l’exposition universelle de Shangaï en 2010… © tochka.jp
< 09'02'11 >
Clermont 2011, retour vers le futur en 40 courts (1/4)

Quarante films pour fêter les dix ans du Labo de Clermont. La section des films qui ne rentrent pas dans les cases du festival international du court métrage, chez Poptronics, on la suit et on l’attend chaque année. D’abord, très prosaïquement, pour en prendre plein les yeux. Mais aussi pour son effet panoptique sur les images dites nouvelles. Ce télescopage de formes et d’univers en dit parfois beaucoup plus long sur le monde tel qu’il va (mal depuis quelques années) que bien des longs (discours et films). La sélection 2011 ne déroge pas à la règle et on y revient très vite.

Mais pour une fois que le Labo joue la rétro, on n’allait pas se priver du plaisir d’interroger le programmateur responsable de cette palette de découvertes annuelles : Calmin Borel, habituellement tenu à la discrétion pendant la compétition, pour ne pas influencer le jury et laisser toutes ses chances à tous les films.

Et puisqu’aujourd’hui la plupart des courts sont en ligne, c’est en 4 parties, comme autant de programmes à Clermont, que Calmin donne son avis sur chacun des 40 films de cette rétrospective. Dix d’entre eux ont été regroupés sur un DVD des éditions Potemkine de sortie pour l’occasion. L’ordre des films est celui des quatre programmes du festival international du court métrage, qui se tient jusqu’à dimanche à Clermont (courez-y si vous pouvez !). Premier programme, premiers commentaires :

« Pikapika, Lightning Doodle Project », Takeshi Nagata, Kazue Monno, Japon, 2007 :

« Parmi les Grands prix du Labo (en 2008, ndlr, on en sait quelque chose chez Poptronics…), « PikaPika » a un certain charme, celui des débuts d’une technique (le light graffiti). Avec son côté brut, atelier, cet esprit “on a fait un truc, on le met en ligne sans prétention de faire œuvre”, il illustre l’immédiateté que le numérique a permis. Mais aussi le fait que l’Internet est devenu un lieu de prospection pour le Labo.

« Je lui conserve une affection toute particulière parce que le Labo a fait sortir ce film de son habitat naturel, le Net, pour le confronter à d’autres films sur grand écran, à de la pellicule, à du cinéma. C’est un des rôles du Labo que d’être un passeur, tout comme de témoigner d’une époque. »

« The Marina Experiment », Marina Luz, Etats-Unis, 2009 :

« C’est le côté documentaire du Labo, qui a prouvé qu’il pouvait toucher et aborder tous les genres. Ce film en est un bel exemple, pas forcément expérimental, mais avec une approche très personnelle. Il fait partie de ceux dont on continue à beaucoup nous parler. C’est chouette qu’un docu ait autant de résonance, que la forme et cette façon de mettre en images très originale permette de faire passer le fond (l’expérience traumatique du père voyeur). »

« Délices », de Gérard Cairaschi, 2002, prix Canal+ 2004, extrait :

« Ce sont les tous débuts du Labo, et sa poésie folle m’embarque à chaque fois. Gérard Cairaschi, vidéaste, photographe et professeur à l’Ecole des beaux-arts de Reims, tricote la même partition depuis ses débuts. Son dernier film en compétition au Labo 2011, “Magia”, reprend le principe de la superposition d’images, du flickering comme une peinture. Il a trouvé sa technique et s’éclate avec, c’est du 100% plaisir. Une des petites mains du Labo, au sens de ce montage photo artisanal (qu’on retrouve sur le DVD) qui dès le début m’a scotché. »

« Duck Children », Sam Walker, 2001 :

« Ryusei-Kacho », Hideaki Anno, Japon, 2001, prix Canal+ 2003 :

« Ces deux films sont emblématiques du côté barré du Labo. Ces courts font exploser la narration classique, l’un en triturant un conte de petits canards jusqu’à la perversion, l’autre avec ce super héros androgyne glam’rock, qui, sur fond d’influences comics, délire sur le métro.

« Le Royaume-Uni est un gros fournisseur de films pour le Labo, du documentaire en passant par la fiction et l’animation, tous les styles s’y retrouvent. Les films du Japon sont eux dans le registre du “bien barré”. »

« City Paradise », Gaelle Denis (GB), 2004 :

Gaëlle Denis était étudiante française au Royal College of Art. Quelques années plus tard, un autre de ses films a été sélectionné en compétition internationale. Le côté poétique, la bidouille entre prises réelles et petites animes l’a catégorisé comme un “film de filles” (sur l’exposition de dessins au festival pour les 10 ans du Labo, « Anatomie du Labo », toutes les filles l’ont choisi pour l’illustrer…), mais il est aussi emblématique des problèmes d’intégration dans un pays étranger. Le sujet pourrait être un documentaire mais il a cette touche libre, débridée même, qui l’emmène vers un univers foisonnant. On peut dire qu’en dix ans, les techniques de l’animation ont contaminé le documentaire et permis des ressentis inédits.

« Hezurbeltzak, una fosa commun », Izibene Oñederra, Espagne, 2007 :

Avec son dessin à l’encre trash, Izibene Oñederra pervertit les codes, colle une bite à Mickey… Elle fait partie des artistes du Labo qui en ont fait une section expérimentale qui ose.

« We Have Decided Not To Die », Daniel Askill, Australie, 2003, Prix du Public 2004 :

« Le blockbuster avec une esthétique pub totalement assumée qu’il parvient à transformer avec des images fortes, choc, marquantes comme celle de ce type qui se balance par l’immeuble. C’est loin d’être mon préféré mais, même si on l’a beaucoup beaucoup vu, il fallait qu’on le montre. Cette patte, ce coup d’œil, cette tension qui monte, ont sans doute un peu vieilli mais c’est la dimension esthétique du Labo, qu’on assume, même si ce n’est pas l’essentiel du Labo. »

« Raymond », Bif, François Roisin, Fabrice Le Nezet, Jules Janaud, Royaume-Uni, Angleterre, France, 2006, Prix SCAM 2007 :

« La vraie French touch puisqu’ils ne travaillent plus du tout en France mais en Grande-Bretagne. C’est le type même de film passerelle, avec son côté bidouille drôle qui fonctionne, qui permet d’équilibrer un programme. »

« Next Floor », Denis Villeneuve, Canada, 2008 (bande-annonce) :

« Denis Villeneuve vient de sortir un long formidable, “Incendie”, qui n’a absolument rien à voir avec l’expérimentation visuelle de “Next Floor”. C’est le type de film du Labo où la narration n’a pas d’importance. Il a un côté baroque, visuellement très fort, magnifiquement mis en images. Une expérience marquante qui aurait très bien pu être en compétition internationale. »

Recueilli par annick rivoire 

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