Erwin Wurm - Rétrospective, jusqu’au 16/03 au Lieu unique et au Hangar à Bananes, du mardi au samedi de 13h à 20h, le dimanche de 15h à 19h, entrée libre, quai Ferdinand-Favre, Nantes.
"Mind Bubbles", une des dernières pièces d’Erwin Wurm, à Nantes. © Stéphane Bellanger
< 07'03'08 >
Erwin Wurm, l’artiste en incorrecte posture

Ici, un homme prêt à tomber, cornichon en bouche, là une femme menacée par deux fourchettes qu’elle tient en main... Dans les « One minute sculptures » d’Erwin Wurm, on n’est jamais très loin du « beau comme la rencontre fortuite sur une table de dissection d’une machine à coudre et d’un parapluie » de Lautréamont. Depuis 1988, Wurm imagine des actions, situations éphémères penchant du côté de l’absurde et de l’humour, petits désastres d’une minute dont le scénario, écrit ou dessiné, est joué par des personnes prises au hasard. La rétrospective que Nantes propose de l’artiste autrichien né en 1954, d’abord montrée au MUMOK à Vienne (Autriche), occupe jusqu’au 16 mars Le Lieu Unique et le Hangar à Bananes, avec plus de 200 œuvres, dont ses dernières réalisations, pas encore vues en France (« Mind Bubbles », « Hamlet », « Anger Bumps » et « Fountain »). A l’été 2007, à Nantes déjà, dans le cadre de L’Estuaire, il avait installé « Misconceivable » en haut d’une écluse, soit un voilier plié en deux par-dessus bord.

« Actuellement, je me sens sculpteur et c’est tout naturellement que je me pose la question de savoir ce qu’est une sculpture », dit-il, en la regardant à travers le prisme de la performance, elle-même relayée par la vidéo ou la photo. En lui associant processus et action, Wurm se réclame du mouvement Fluxus, travaillant la question du passage, les situations de déséquilibre, le presque rien, même si ses installations font penser à Gilbert and George. Et lorsque les spectateurs ne jouent plus ? Il reste des oranges sur un socle, ou même un socle. Les formes n’existent qu’à l’état d’instructions écrites ou dessinées. Chacun peut les suivre et recréer une pièce de Wurm... un travail ready-to-be-made.

Au Lieu unique, les photographies et les vidéos des « One minute sculptures », au Hangar à Bananes, les sculptures monumentales, plus anciennes. Comment se fait le passage de l’un à l’autre, des œuvres immatérielles aux sculptures qui débordent ? Dans chaque œuvre, il y a une histoire, un élément qui renvoie à la question de l’humain. Wurm pense la limite entre le corps humain et l’objet. Chez lui, la posture devient sculpture. Tantôt ce sont des formes qu’il habille (libres, comme ces grosses patates recouvertes de laine), et qu’il humanise (ses « Fat house » ou « Fat car » sont des sculptures qui parlent). Tantôt les figures deviennent sculptures. « The artist who swallowed the world », c’est le titre de son livre d’artiste publié en 2006. « To swallow », c’est avaler, ce que fait Wurm avec une sorte de voracité : Wittgenstein, Deleuze ou Heidegger ne sont pas épargnés, eux aussi transformés en « gros bonshommes ».
Tous les clichés sont détournés : une série s’intitule « Instructions of how to be politically incorrect » (2003). Dans la série « Curators Imperators », les curateurs glissent des coussins sous leurs vêtements, arborant un air ridicule et pédant. La gêne et la honte font partie de ses sujets favoris : passage mémorable, ce mur de l’expo sur lequel les gens sont invités à raconter un souvenir honteux... Dans cet univers de l’ambiguïté, du franchement comique et du bizarre, le politiquement correct est joyeusement bravé.

Aperçu vidéo de « Fat House » d’Erwin Wurm :

marion daniel 

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