« Empty Worlds », exposition de Franck Scurti jusqu’au 10/05 à la galerie Anne de Villepoix, 43, rue de Montmorency, Paris 3e.
« Relativité générale » (2008), acier chromé, polystyrène et papier journal. © galerie Anne de Villepoix
< 09'05'08 >
Franck Scurti, avec l’art et la matière

« Empty Worlds » de Franck Scurti à la galerie Anne de Villepoix n’expose pas du vide, mais des jarres en terre cuite, peintes à la feuille d’or et harnachées par une ceinture en cuir. L’artiste né en 1965 compose pour chaque exposition des univers différents, s’appropriant les médiums (sculpture, vidéo, texte) et associant une réflexion formelle sur l’histoire de l’art et du design à une vision politique. A l’origine d’« Empty Worlds », deux articles du « Monde » publiés côte à côte : « Relier les architectes au monde qui les entoure », où il est question de la relation entre grande et petite ceintures, et « L’or flambe et affirme sa valeur refuge ». En traquant les liens de sens, Scurti les traduit en matière, formalisant l’expression « se serrer la ceinture ».

Deux autres séries travaillent cette même idée, associant deux formes ou deux principes opposés, jouant du frottement entre artisanat (terre) et industrie (fauteuils en acier chromé). Avec « Constellations » et « Relativité générale », Scurti démonte, déplace et transforme « Diamond Chair », la chaise du designer Harry Bertoïa. Déjà en 1994, ses « Chairs », couvercles de boîtes de conserve modifiés et agrandis en chaises, faisaient bouger les frontières art/design. Ici, les élastiques tendus entre les pieds des chaises Bertoïa des « Constellations » les déforment, dessinant une théorie de lignes. L’ensemble très sculptural de « Relativité générale », en suspension dans l’espace, associe des sphères recouvertes de morceaux de journaux aux assises des chaises en filetage d’acier, certaines au mur, d’autres au plafond, transformant ces éléments fonctionnels et organiques en sculptures légères.

Scurti déjoue les formes, pour mieux les faire monter en signification, imaginant des passages entre image et texte, traduisant des jeux de mots en images, citant volontiers Francis Ponge (« Le cageot »). « Parti pris des choses égale compte tenu des mots », écrit Ponge. Scurti, comme Ponge, cherche à aller « dans les choses », travaillant ses formes « compte tenu de la matière ». Leur qualité poétique n’a d’autre source qu’un regard aigu sur les matériaux. Le corps y est toujours présent : dans « Empty Worlds », les stries dorées chaotiques des jarres font penser à des trachées ou des gorges. Pas étonnant que Vanessa Le Mat ait proposé une performance chorégraphique, le 2 mai, au sein de l’exposition. Entre mime et marche, ses « Walking series » associent corps désarticulé et sens de l’humour. Exactement comme chez Scurti.

marion daniel 

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