Après-coup sur la première édition d’« Il faut qu’on parle », soirée « par et pour les auteurs », de lectures, créations textuelles et micro ouvert, le 31/12/12, à La Cantine, à Paris.

Et comme Poptronics est partenaire de ces soirées d’un nouveau genre (littéraire), on vous offre en prime trois textes inédits d’auteurs invités à participer à cette première, Peggy Sastre, Thomas Hairmont et Isabelle Sorente.
Première édition d’Il faut qu’on parle à la Cantine, le 31 octobre, une autre façon de célébrer les mots et les textes d’auteur. © DR
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« Il faut qu’on parle » : rencontre en mode textes

On a entendu les classiques « il faut qu’on se voit » et « et toi, t’es sur Facebook ? », mais le thème (et le nom) de la soirée qui a rempli la Cantine ce 31 octobre était bien « Il faut qu’on parle ». Pour sa première édition, cette manifestation littéraire initiée notamment par les auteurs Wendy Delorme et Isabelle Sorente a polarisé ce soir-là les bonnes ondes. Des ondes qui n’avaient pourtant pas grand-chose à voir avec celles du wifi, plus généralement au centre des débats dans ce lieu dédié aux acteurs du numérique.

Non, cette fois, il s’agissait d’écouter des gens lire des mots sur des feuilles de papier. Très rares seront ceux à sortir un smartphone ou un ordinateur portable. Étrange ?

L’inv(c)itation faite à « tous ceux qui parlent en images ou qui pensent en rythme » était ainsi libellée : « Quelque chose vous secoue, vous trouble, vous enivre ? Alors il faut qu’on parle. » La première heure, une dizaine d’invités, écrivains, romanciers, essayistes, artistes, slammeurs, blogueurs (de l’auteur du « Coprophile » à celle d’« Une fièvre impossible à négocier »… voir la liste complète ici), se sont succédé au micro. Pour lire des textes, extraits de travaux en cours, avant-premières, écrits pour l’occasion ou déjà publiés… Puis, après une pause bière-pizzas, un peu plus d’une quinzaine d’inscrits du côté des « amateurs » ont pris la relève. Mais pour tous, la consigne était la même : cinq minutes, pas plus.

Cela donnera, en vrac et pêle-mêle : histoire avec chute, analyse, dialogue de sourds, SF, poèmes, rêves glacés du Quatrième Empire, sujets politiques, féministes, mort ferroviaire, écrit du côté de l’intime, histoires de bisons, de valises, de fantôme et d’horloge, de poisson rouge ou d’amour, texte « à lire entre deux stations de métro », scansion sur fond musical (« J’ai toujours aimé l’hiver / Car c’est là que je t’attendais »).

Phrases qui s’étirent, ou direct au plexus parce qu’il faut que ça sorte… Lues en suivant les lignes du doigt sur la feuille, ou encore accroché au micro, debout tendu ou du fond du fauteuil. Intonations, accélérations, silences. Il y a des statiques et des plus énervés, des tragiques et des rigolards. Des qui-jouent-comme-des-acteurs-pros (qu’ils sont parfois), d’autres moins à l’aise, de bons lecteurs et de bons timides, des crispés, des mous et des détendus. Les mots, ça se joue aussi au physique.

L’écoute ? Attentive, mais pas figée, ça bouge dans la salle sans que cela suscite de mauvais regards, et l’intérêt qu’on ne portera pas à une intervention a toutes les chances de se réveiller à la suivante. C’est la règle d’un jeu au final plutôt sage.

A l’issue des lectures, un homme parle au téléphone : « J’ai des images dans ma tête et j’essaie de traduire au micro des sons. » Sur les boulevards, derrière la vitre d’un restaurant, un couple se fond dans le silence de ses assiettes, plus haut rue de Maubeuge, un type en costume chante à tue-tête un air d’opéra. Pour ceux-là et pour tous les autres, la prochaine édition d’« Il faut qu’on parle » aura lieu au mois de janvier, avec pour thème les « Chasses à l’homme ». Premier invité annoncé : le philosophe Grégoire Chamayou.

Poptronics y sera. Et puisqu’on est partenaire, voici trois textes inédits tirés de cette première édition. A lire ci-dessous et/ou à télécharger au format PDF.

« Politesse », par Peggy Sastre

Auteur, essayiste (« Ex Utero », « No Sex »), traductrice, travaille sur le féminisme et les questions sexuelles avec Darwin comme grille de lecture. On peut retrouver ses textes littéraires sur Nihil ex nihilo. Ce texte, inédit, n’est pas celui qu’elle a lu à la Cantine (mais il a été écrit pour « Il faut qu’on parle »).

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Ils travaillent le matin sortent le soir dorment la nuit. Et le lendemain ils recommencent. Bouger c’est exister, arrêter c’est mourir. On ne garde pas son chapeau à table, on ne retourne pas le pain, on la fait passer devant, excusez-moi je vous remercie je n’en ferais rien non c’est moi. On ne dit pas de gros mots, ni ne mâche de chewing-gum devant la reine d’Angleterre, on surveille sa posture, on ne coupe pas la parole, on y met les formes, on évite de blesser, du moins intentionnellement.

Ils disent : ça ne te flatte pas quand on t’aborde dans la rue ?
Ils disent : lui avec ses airs je suis maqué j’allume et je ne touche pas ça va bien (hein)
Ils disent : tu peux y aller elles sont tellement bourrées qu’elles ne sentiront rien

On ne parle pas la bouche pleine, ni même pour ne rien dire. Enfin, en théorie, car on pourrait en remplacer des champs d’éoliennes avec leurs discours force 8. Des dizaines, des milliers, empilés de petits bras qui tournent, des yeux qui se plissent et des grandes dents blanches qui pointent sous leurs lèvres.

Ils disent : la solitude c’est une maladie
Ils disent : on va te sortir de là
Ils disent : il faut faire quelque chose

Ils parlent aussi du froid et se posent des questions. Pour eux qui s’y frotte s’y pique, et on ne peut pas vraiment dire qu’elle ne l’avait pas cherché. Ne pas faire d’omelette sans casser les œufs, ne pas mettre l’âne devant. Apporter un petit quelque chose. On espère, et on ment.

Jamais je n’ai compris ce qui vous tient à cœur : votre honneur, votre réputation, vos salissures morales, vos blessures psychologiques. Autour du cœur, moi, j’ai un petit cimetière : entretenu, vert, humide, des tombes en cascade, quelques moisissures qui prennent à la pierre son brillant et lui collent sa grisaille. Vous y marchez, piétinez, pressez-vous à défaut d’archivage dans des classeurs en plomb.

Il y a deux millions de héros ordinaires.
Il y a trois cent mille employés invisibles qui gèrent l’eau, l’énergie, les transports et la propreté.
Il y a dix millions de personnes qui croient en la solidarité.
Il y a plus de trente-deux mille conseillers à votre écoute.
Il faut être attentifs, ensemble.

Et voir le ciel s’embraser, sous le lierre, à l’écart des soirées.



« Etat Sauvage », par Isabelle Sorente

Auteur de romans et d’essais, dont « L » (2001), « Panique » (2006), « Transformations d’une femme » (2009) et « Addiction Générale » (2011), elle a également cofondé la revue « Ravages ».
Extrait de l’essai « Etat Sauvage », à paraître le 15 novembre aux éditions Indigène.


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« Que l’homme cherche le Graal, Jésus ou Dionysos, la Vérité ou le Progrès, que signifie partir en quête, de connaissances ou de budgets, que signifie chercher, depuis plus de deux mille ans ? Obéir au Père, imiter le Fils. Variante psychologique : tuer le Père. Matérialiste : dépouiller le Frère. Toutes les variantes sont possibles, pourvu qu’elles respectent la loi salique. À la femme, il reste l’extase romantique. Tomber amoureuse du Fils, se sacrifier au Père. Devenir la muse, la mère ou l’égérie (1). C’est une chose d’être fidèle au Dieu qui vous conçoit à son image, c’en est une autre d’adorer un Dieu de sexe opposé. Bien sûr, Dieu est au-dessus de ça. Au-delà de la différence des sexes, au-delà du bien et du mal, au-delà de toutes les formes danse la divine réalité. C’est une chose de le dire, mais le savoir vraiment suppose une expérience directe, une connaissance mystique intraduisible en mots. Pour celles et ceux qui n’auraient pas encore fait vœu de silence, il reste le langage, héritier malicieux de deux mille ans de monothéisme, pas forcément un traducteur fidèle de l’expérience sacrée, mais c’est le seul, alors on ne va pas chipoter : Dieu le Père n’aime que les filles masochistes. La Sainte, qu’un ardent brasier d’émotions finira par consumer. […]

L’élan spirituel ne doit mener la femme qu’à l’extase amoureuse : tel est le principe fondateur de la domestication de l’être humain. Pas question que l’histoire dérape, que l’héroïne s’éloigne de la douce bien-aimée, autant dire, qu’elle change de genre. L’androgynie se tolère mais dans un seul sens, si le religieux considère son âme comme une fiancée attendant frémissante son divin époux, il ne manquerait plus que l’inverse soit possible, imaginez que Dieu change de sexe, une androgynie perpétuelle, une danse en spirale, une tarentelle, de quoi donner le tournis et les pères fondateurs n’aiment pas le tournis. Jeanne d’Arc l’a appris à ses dépens, les voies du seigneur ne sont pas réversibles. Les plus fameux contemporains de Simone Weil ne parlaient-ils pas d’abord de sa laideur (2) ? La femme est priée de résister à l’appel de la vie sauvage. Les yeux révulsés, la tête froide : la vie intérieure ne signifie rien d’autre. Voilà qui ne correspond pas à la féminité idéale, l’infini donne une sale gueule, d’où l’intérêt du maquillage. (Que les hommes ne se maquillent plus en dit long sur ce qu’ils ont perdu et sur l’écrasement de l’individu, soit dit entre parenthèses.) Pour faire oublier ces vérités gênantes, reste le produit de substitution : l’hypertrophie romantique. La Sainte se doit d’être une grande amoureuse, ah, cette folie mystique, cette prostitution passionnelle, l’amour pour les plaies qui laisse supposer un pardon inconditionnel du sale gosse, et le triste sourire empreint d’une sagesse supérieure. Dans sa version hypermoderne, la Sainte est devenue codépendante : quand elle reçoit une gifle, elle ne tend pas l’autre joue, elle lâche prise. […]

Ne pas céder aux lamentations de la Sainte, c’est attaquer le fondement même de la domestication. C’est refuser le rétrécissement de la vie intérieure : dans la mesure où ce refus élargit l’espace psychique, on court le risque d’y rencontrer, mettons, une chienne enragée. […]La sauvagerie est le démon de la femme, l’ombre qui l’accompagne à la croisée des chemins, comme Méphistophélès accompagne l’homme, avec ses contrats aux clauses minuscules et cancérigènes. Le démon de l’homme coupe les cheveux en quatre, il argumente, démonte avec méthode : c’est un malin. Face à ce démon caustique, l’élan spirituel de l’homme se disperse, se perd en justifications jusqu’à l’épuisement, à moins qu’il ne se laisse détourner à toutes fins utiles. Comme dirait George Bush avant de bombarder Bagdad : God Bless America. Homme, femme ou hermaphrodite, personne n’échappe à l’attaque massive de la positivité. Comment en temps de crise ne pas se laisser tenter ? Mais l’élan qui précède la pensée, la passion qui précède le sentiment – l’élan radical de la femme, s’il peut se retourner contre elle, ne peut en revanche jamais être détourné par un tiers, il ne figure dans aucun contrat à durée indéterminée : la puissance des femmes passe sous le manteau depuis deux milliers d’années.

Entendons-nous, nul constat ici de supériorité naturelle, nul fantasme essentialiste. Juste une évidence grammaticale, Dieu, le Dieu unique, est du genre masculin. L’histoire des religions aussi est écrite par les vainqueurs. Mais cette fois, tant pis pour eux. Tout ce qui n’est pas écrit se fomente pour les autres, le marché noir se trame pour les passagers clandestins. En déniant aux femmes l’amour du soleil, en les condamnant à la prison poussiéreuse du romantisme ou à braconner sans permis de chasse sur les terres de la grande réalité, le patriarcat n’était peut-être destiné qu’à rendre possible la transformation qu’il s’efforçait de renier. L’égalité spirituelle, au sens le plus laïc et réfractaire au masochisme, voilà le grand tabou, passé sous le manteau depuis des siècles, entre les pages sacrées des livres tant de fois tournées par celles qui, pour entendre les mots, s’identifient à un homme. Un homme ne conçoit pas une souplesse pareille, s’imaginer autre, changer de sexe sans y penser, jusqu’à cent fois par heure, lire lui = moi, je suis un homme comme les autres, jusqu’au moment où une phrase, une image, une digression ferme brutalement la porte du fumoir universel. Et c’est ici qu’est l’erreur : au moment où la porte claque, il n’est pas question de geindre mais de se réjouir. Et de recommencer, en comptant bien qu’elle claquera encore. [..]

Le féminin naît de deux mouvements opposés, l’un ouvre l’espace des possibles (je suis un homme comme les autres), l’autre ramène à soi avec cruauté (tu ne l’es pas tout à fait). Le féminin se place d’emblée au-delà de l’opposition entre une nature sauvage et un monde maîtrisé, au-delà de la membrane fantasmatique qui maintient l’homme et son environnement séparés. Le féminin est un entraînement radical à la liberté. […]

Nous ne saurions nous satisfaire de la meilleure place, en l’occurrence celle du voisin, dans un monde qui renie l’élan créateur de l’esprit humain. Parité ? Égalité ? Ersatz, sucrettes, douceurs pour midinettes. Le jour où les femmes oseront le potlatch, où elles prendront le chemin, non des saintes masochistes mais des saints vagabonds, alors elles régneront. »

(1) La spécialiste des sciences de la communication Marie-José Bertini a montré que le rôle des femmes dans les médias se réduisait à cinq figures : l’égérie, la muse, la mère, la madone et la passionaria. (Sources : Ravages, numéro 6, « Mauvais genre », éditions JBZ, 2011.)

(2) « Son incontestable laideur effrayait », écrira Georges Bataille en 1949, tout en reconnaissant sa fascination pour la philosophe.



« Rêve glacé », par Thomas Hairmont

A la suite de ses études de mathématiques et de physique, Thomas Hairmont a séjourné à Stanford, puis à Mexico et Milan. Il vit aujourd’hui à Varsovie, où il est ingénieur dans un groupe international. Il a obtenu le prix de Sade en 2011 pour son premier roman, « Le Coprophile » (éditions P.O.L.).

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Les plus beaux soleils sont ceux qui travaillent à dégivrer, qui œuvrent à dégeler, qui président aux grandes fontes et déclenchent les cataractes. Aujourd’hui, la ville frigorifiée est sous l’emprise d’un bloc phosphorescent en fusion, à la peine pour ranimer les anges et les atlantes sculptés, en suspension sur les immeubles.

Pourtant, il semble que déjà des lieux se libèrent du carcan de glace : arcades, passages, magasins momifiés, centres commerciaux désaffectés au sein desquels se jettent les escaliers mécaniques, mandibules susurrantes et dentelées. C’est un réchauffement partiel de l’espace : des zones où le verre fragile des vitrines est encore de mise, comme l’annonce timide de glorieux phalanstères aux toits transparents. L’objectif est d’obtenir un résultat similaire pour le temps. L’époque est filandreuse : agglutinations de béton, omniprésence des ondes encryptées, mollesse des espérances, délitement des visions. Plus personne ne rêve, ou alors ce sont des rêves dépourvus de susceptibilité, au sens physico-chimique du terme. Il n’y a plus de cauchemars ou de songes capables d’entrer en combustion soudaine, comme un gaz inodore qui d’un chuintement fait une fournaise. Ce sont pourtant des rêves de ce type dont nous allons avoir besoin pour respecter notre engagement, achever notre mission, remplir notre objectif (le vocabulaire corporate s’est infiltré jusque dans notre langue, il y a décidément urgence). Des rêves destinés à être rêvés une deuxième fois. Ils méritent une deuxième cuisson pour faire lever les monstres et les héros qui y ont fermenté

Dégeler le temps, le remettre en selle, réactiver les germes, irradier les promesses d’une nouvelle lumière. Précisons un point : il ne s’agit pas nécessairement de les réaliser. Les maintenir à l’état de viscères rouges et palpitants peut être suffisant, et même préférable. Il n’est pas dans notre intention de coudre des robots ou de manufacturer des poupées gonflables. Un corps comateux, un zombie en transe, un enfant en proie à une agitation nocturne, telles sont les images qui nous accompagnent dans notre tentative de résurrection.

Précisons encore les choses. Nous allons rêver un rêve une deuxième fois. Mais nous allons le rêver mieux, car nous sommes dans le présent, et ce rêve est passé, même s’il était tourné vers les éblouissements du futur. Et pour rêver mieux, il sera peut-être nécessaire de fendre, de couper. Marcher le long d’un ruban de Moebius vous amène à connaître les deux faces d’une surface sans passer de frontière, et cette déambulation peut être infiniment répétée. Marcher le long d’un ruban de Moebius en y plantant un couteau le long du chemin, en l’éventrant tout du long, et soudainement le ruban double de longueur tout en restant unique : en réalité, vous avez dupliqué l’espace sans avoir rien séparé ou tranché.
Ce ruban était utilisé dans les ateliers de textile, pour économiser le cuir des courroies employés par les machines à tisser : la torsion du ruban permettait de faire travailler les deux côtés de la courroie simultanément. Alors tissons. Depuis notre Quatrième Empire, nous n’allons pas nous tourner vers le Troisième, de sinistre mémoire. Le Second Empire aura notre préférence : révolution industrielle, vapeur, usine, train, passages de verre parisiens, utopies sexuelles et ouvrières, architectures de métal et de verre, rationalité brutale, désillusions, culte des parfums, atlantes sculptés poudrés par la neige en proie, peut-être, à une fonte prochaine. Déroulons la pelote de fil, entre deux révolutions politiques avortées (la révolution économique a quant à elle pleinement réussi), et tissons ce fil dans la trame de notre présent, en quête de superposition salvatrice.

Deuxième soutirage : la vapeur de la Commune, brûlante, n’a pas pour unique vocation à se perdre dans les recoins entropiques de l’univers. Turbinons-la, une deuxième fois. Nous avons des outils oniriques à notre service.
Quels sont ces outils ? Premièrement, un Versaillais, Victor, qui a massacré du mauvais côté, avant d’errer dans les forêts tropicales d’Afrique et d’Amazonie. Il y a observé le cannibalisme, qui lui a peut-être rappelé la zoophagie de l’hiver 1870 (notez que la nuance entre zoophagie et consommation de viande n’est pas toujours facile à saisir). Deuxièmement, une actrice de notre temps. Oubliez les écrivains, ils s’oublient dans la poudre blanche et noire de leurs litanies. Nous avons besoin d’une comédienne. Elle s’appelle Célia, et elle saura susciter une deuxième fois les vieux rêves avec une intensité nouvelle. Elle rejoindra Victor dans ses songes érotiques (Célia est en effet une actrice pornographique, et titulaire d’une thèse sur le saint-simonisme : la combinaison parfaite).

Nous ne souhaitons pas en dire plus pour l’instant. Ceux qui sont intéressés pour nous rejoindre ont probablement déjà compris le plan. Paris peut crever l’abcès, de nouveau. Rejoué sur la scène hausmanienne, le Second Empire peut nous sauver du Quatrième, à condition de ne pas rater le dénouement (les acteurs ont commis des fautes impardonnables lors de la première).

Notre siège social (décidément, ce lexique corporate...) est situé dans une des rares arcades parisiennes qui subsistent encore, entre les HLM délabrés et les bureaux barricadés. Nous ne sommes pas cotés en Bourse, et notre capital n’est pas ouvert à tous. Nous aimerions bien permettre la souscription des parts à tout un chacun, mais les temps sont dangereux et justifient une certaine paranoïa. Nous avons déniché une ancienne devise grecque, d’un penseur qui pensait de manière opposée, mais en fait identique, à notre démarche, puisqu’il disait qu’on ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve. Nous allons verser une deuxième fois les eaux versatiles des mêmes rêves. Et voici la phrase inscrite à la craie sur les murs de pierre de notre refuge :

Chacun part dans un monde incommunicable et rêve à l’entrée dans le sommeil et les songes. Et ce n’est qu’au réveil que le monde redevient commun à tous.

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