« 1000 », une exposition d’Invader à la Générale, du 7/06 au 2/07, 14 avenue Parmentier, Paris 11e, du lundi au dimanche de 12h à 20h30, entrée libre, et à la galerie Lefeuvre (où sont exposés les alias des Invaders parisiens), 164 rue du faubourg Saint-Honoré, Paris 8e, du lundi au vendredi de 10h30 à 19h, samedi de 13h30 à 19h.
Les facettes projettent de petits Invaders dansant au plafond du container, sas d’entrée dans l’exposition « 1000 », la première depuis six ans d’Invader à Paris. © DR
< 14'06'11 >
Invader : « 1000, mon expo compil’ pour Paris »
« Il viendra pas, de toute façon, il la joue à la Banksy », croit savoir quelqu’un dans la foule qui attend l’ouverture au compte-gouttes de l’exposition d’Invader, mardi 7 juin à Paris. « Il va faire une perf », annonce un autre. « Il a toute une brigade à son service », avance un troisième. Les fans de l’artiste aux carreaux de mosaïques se pressent et s’inventent des fables en attendant de pénétrer dans la Générale, magnifique bâtiment industriel reconverti en espace arty, totalement dévolu jusqu’au 2 juillet aux facéties de l’artiste urbain parisien le plus connu hors de nos frontières. Des fables en forme de mythologie autoconstruite autour de la figure de l’artiste masqué. L’auteur de l’invasion la plus ludique et la moins dangereuse au monde, Invader, donc, qui pose ses carrelages d’envahisseurs sur les murs des villes du monde entier (tous les continents sont envahis, sauf l’Amérique latine), le reconnaît : « C’est un luxe d’être resté anonyme ». La contrepartie ? Lui-même n’a pas réussi à entrer le soir du vernissage (ouvert à tous) de sa propre exposition… Alors, pour déjouer les mythes et vous donner un aperçu de l’atmosphère généreuse qui enveloppe le visiteur de « 1000 » (gaufres, juke-box et boule à facettes), rien de mieux que de laisser parler l’artiste, rencontré à la fin mai, en pleine préparation de l’exposition (pour notamment lui écrire un texte sur le catalogue édité pour l’occasion), pile poil sous un de ses derniers Invaders. Six ans qu’il n’y avait pas eu d’exposition Invader à Paris. Pourquoi une si longue absence ? Je n’ai pas été invité par le Palais de Tokyo ni par le Musée d’art moderne. Certains lieux plus institutionnels voulaient m’accueillir mais qui étaient loin de l’authenticité de la Générale, de son architecture industrielle début XXe superbement patinée. Je n’ai pas calculé ni programmé mon absence des galeries parisiennes. Malgré mon hyperactivité planétaire, je n’ai jamais trouvé de galerie en France qui m’ait proposé un projet excitant. J’ai repoussé le rendez-vous parisien parce que je savais qu’il aurait lieu. La Générale est pour moi un lieu à la dynamique assez street-art. L’art contemporain et le street-art ne sont pas antinomiques mais c’est bien de trouver un endroit inhabituel, loin des cimaises blanches. L’énergie du street-art ne se fait pas dans le système de l’art contemporain, qui est souvent pris dans la paperasserie et la bureaucratie. Dans « 1000 », il n’est pas question que de street-art cependant… Dans l’exposition tout est mille : (six) mille balles, mille stickers, mille Invaders posés dans les rues de Paris… Cette exposition est la compil’ de tout ce que les Parisiens ne connaissent pas beaucoup. Beaucoup d’entre eux ont croisé un Invader sur les murs mais ne connaissent pas le reste de mon travail. Il faut dire que j’ai eu cette année mon premier article dans « Beaux-Arts magazine », soit quinze ans après le début de mon activité artistique… Quel lien est-il possible de faire entre la boule à facettes du sas d’entrée (un container au verre pilé), les tableaux pixellisés qui reprennent les pochettes de disque de jeunesse (composés de Rubik’s Cube, autre de vos matériaux de prédilection) et le scooter recouvert de stickers à l’entrée de la Générale ? J’avais envie d’ouvrir quelques portes, d’aller loin de ce que je fais habituellement… Puisqu’on me décrit comme l’artiste « le plus carré du street-art », ça m’amusait d’aller à rebours avec la Speed Ball Machine. J’avais envie de travailler avec des balles rebondissantes. Le prototype a été réalisé l’an passé en Italie, puis réalisé à Bâle et réarrangé pour Paris. C’est un aquarium d’air où sont propulsées des balles rebondissantes de 2 x 1,50 x 1,50 m. C’est un objet entre machine et sculpture que les enfants adorent mais qui les effraie un peu aussi. J’aime partir de l’objet enfantin, pop, ludique, et le détourner pour en faire un système non identifié. Il y a aussi dans la balle rebondissante un côté Madeleine de Proust. Ces balles arc-en-ciel qu’on avait enfants, je les ai cherchées et j’ai fini par trouver un modèle au Japon de balles monocouleur CMJN. J’en ai commandé 40 kilos en pensant au « spot painting » de Damien Hirst (peinture de trame de points, ndlr). J’ai également travaillé sur un prototype de gaufrier en forme de Space Invaders. Deux ingénieurs ont travaillé pendant six mois sur le premier prototype, comme pour les baskets (dont les semelles en caoutchouc forment des empreintes en forme d’envahisseurs, ndlr) ou la Speed Ball Machine, pour aboutir aux huit moules présentés dans l’exposition (que les collectionneurs pourront acheter), avec les gauffres vendues 2€. L’anonymat et la popularité, comment ça se gère ? Je n’imaginais pas que le fait d’avoir été aussi actif à l’extérieur m’amènerait cette popularité. Je serai bientôt dans le top des sorties en famille à Paris… Mais j’aime le rapport intime qui se crée pour certains avec mes carrelages : quand ils en ont un sur leur immeuble ou dans leur rue, ils disent « c’est le mien ». Aujourd’hui, c’est un luxe d’être resté anonyme. Je le vois avec mon cousin Thierry Guetta (alias Mister Brainwash, devenu célèbre grâce au vrai-faux docu de Banksy « Faites le mur », ndlr), devenu une idole et qui ne peut plus faire un pas sans signer des autographes… Il vend en une pièce ce que j’ai gagné dans toute ma vie… Et ça ne vous exaspère pas ? J’ai parfois envie de rééquilibrer les choses, entre l’art et le marché de l’art… Ce qui m’énerve, c’est quand je suis accusé de faire du merchandising. Alors que j’ai toujours pensé à faire des objets accessibles, des kits d’invasion, des stickers, des livres. Si j’ai fait ces objets, ce n’est pas pour « faire de l’argent ». Je n’ai jamais pensé ma carrière comme une carrière d’artiste. Dès le début, j’ai voulu vendre à des gens comme moi, pas à des collectionneurs. Aujourd’hui, le kit d’invasion (un carrelage Invader à coller… dans sa salle de bains ou la rue, ndlr) coûte 150€. La pièce la plus chère que j’ai vendue, c’est une série de six portraits de la bande à Baader (de la série des « Rubikcubismes », ndlr), à un collectionneur américain pour 30.000€. Les alias en galerie coûtent entre 4.000 et quelques dizaines de milliers d’euros (à voir galerie Lefeuvre, ndlr). Je considère que je fais de l’art avant tout, que je construis mon œuvre step by step, tous les ans un peu mieux que l’année précédente. Il y a quinze ans, j’avais du mal à payer mon loyer, maintenant je vis de mon travail. La bande-annonce de l’exposition 1000 :
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