Loi Hadopi : pendant que le gouvernement persiste et signe, ça ferraille sur le Net.
Pour ne pas attendre la loi Hadopi et se fabriquer son propre Big Brother, un censeur Dédé à découper en origami sur le site çavacouper. © DR
< 06'11'08 >
Jaimelesartistes.fr, moi non plus

Plus de bruit contre le projet de loi Hadopi ! C’est à désespérer de la politique : vent debout contre les internautes et les associations de consommateurs, contre certains artistes soutenus par poptronics, contre la Cnil (Commission nationale informatique et libertés), et même contre le Parlement européen, le gouvernement poursuit l’adoption de son projet qui met en place la « riposte graduée » contre les téléchargeurs « pirates ».

La semaine dernière, deux petits jours de débat auront suffi au Sénat pour adopter le projet Albanel - et que font les sénateurs PS ? Ils votent pour, et que font les sénateurs PC ? Ils s’abstiennent ! Pourtant, l’avis négatif de la Cnil était opportunément sorti de la confidentialité, de nombreuses pétitions avaient stigmatisé le côté liberticide du projet et même le Parlement européen avait voté à la quasi-unanimité l’amendement 138 en septembre, qui rappelait qu’« aucune restriction aux droits et libertés fondamentales des utilisateurs finaux ne doit être prise sans décision préalable de l’autorité judiciaire ».

On l’avait prédit, mais c’est encore pire que prévu : Nicolas Sarkozy, après avoir vainement tenté de faire annuler ledit amendement en écrivant à José Manuel Barroso, agiterait ses sherpas pour obtenir du Conseil des ministres européens du 27 novembre un rejet unanime, comme le révélait le quotidien « la Tribune » dans son édition papier de mercredi. Info ou intox ? Selon nos sources, rien n’est fait même si les manœuvres sont bien réelles. Sur le front de la communication, ces manœuvres sont pour le moins grossières.

Vendredi dernier était mis en place le site « jaimelesartistes.fr », un monument de propagande institutionnelle. Ces artistes qui défendent leurs droits, nous annonce le site, « au nom du public et du droit à la diversité culturelle, appellent à la mobilisation pour une meilleure protection de leurs œuvres et la survie de leurs professions ». Mais pour expliquer « ici le sens de leur engagement », des vidéos de... Christine Albanel, son conseiller Olivier Henrard, du rapporteur du projet Michel Thiollière ou encore de Jacques Toubon… De purs artistes, on l’aura compris. Depuis hier, deux autres vidéos mettent en scène façon « djeunes » un pirate 3D qui balance à un téléchargeur très benêt : « Hey craignos, la musique c’est pas gratos. »

Il n’en fallait pas plus pour faire réagir le Net et déclencher une série de ripostes. Premier à dégainer, l’association de consommateurs UFC-Que choisir, qui met en ligne « ca-va-couper.fr », « une parodie du projet de loi Création et Internet, de l’Hadopi et de la Riposte graduée (que nous pourrions appeler Répression graduée, tant la réponse envisagée pour punir le téléchargement illégal en Peer-to-Peer (P2P) est disproportionnée ! » La risposte graduée serait une alternative à la répression à tout crin ? Dédé, le personnage en faux Super8 noir et blanc, est parti pour couper l’accès au Net au vilain pirate qui sommeille en chacun de nous. Mais Dédé vire de bord…

Premier épisode ci-dessous :



La deuxième salve est venue ce week-end du magazine « Numerama », qui a mitonné un site miroir du « jaimelesartistes.fr » simplement renommé « jaimelesinternautes.com », avec le même cœur en favicone, la même interface facile-accrocheuse et les mêmes fenêtres qui renvoient à des contenus fort différents. « Pourquoi le gouvernement est-il si attaché au projet de loi ? » « 10 bonnes raisons de dire non à la loi Création et Internet », « Le projet est-il adapté aux nouvelles pratiques du piratage ? » Les vidéos, elles, sont un peu plus rigolotes, faites à l’arrache et durent chacune 60 secondes…

Un exemple au hasard :



Un autre, parce que franchement, c’est pas drôle de rire comme ça des initiatives gouvernementales :



D’autres, internautes « lambda », sont plus énervés. L’un d’eux a acheté le nom de domaine « jaimepaslesartistes.com » pour expliquer : « Vous nous prenez pour des cons. Vous n’en avez rien à foutre des artistes. La seule chose qui vous préoccupe, c’est la survie d’industries fossiles qui ne savent pas ou ne veulent pas s’adapter au changement. » Un autre s’est emparé de jaimelesartistes.info (et oui, car le gouvernement n’a pas eu l’idée d’acheter tous les noms de domaine de sa propagande, encore une preuve de sa parfaite maîtrise du réseau…), pour enfoncer le clou : « J’aime les artistes, pas les majors ».

Sur les forums, ça discute des parades technologiques qui rendront l’application de la loi totalement impossible. Comme les Suédois de « The Pirate Bay » qui proposent de placer des adresses IP (l’adresse de la machine) aléatoires pour rendre la traque totalement impossible ou en tout cas sujette à caution. Certains sont déjà passés à des méthodes plus sophistiquées, cryptant et anonymisant leurs connexions. Ou passent par des réseaux privés hors P2P. « De toute façon on voit d’ici comment ça va se passer, résume Ontologia sur le forum Linux.fr. Quelques internautes se feront avoir, on en parlera, et la plupart des autres passeront sur des systèmes totalement cryptés. »

Enfin, la Quadrature du Net, association de défense des libertés publiques très en pointe sur la question, « appellera dès la semaine prochaine les citoyens européens à interpeller leur gouvernement, sinon à peser sur la décision du Conseil européen, du moins à faire un peu de bruit », explique son responsable Jérémie Zimmermann. Pour une nouvelle bagarre politico-judiciaire. Le texte est loin d’être adopté, il doit encore passer devant l’Assemblée nationale en janvier. Et même adopté, il est encore loin d’être appliqué.

annick rivoire 

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< 2 > commentaires
écrit le < 06'11'08 > par < a bjL bram.org >
bravo Annick et merci
écrit le < 15'11'08 >
Il y a un site intéressant jaimelesartistes.info