OHM (Observe, Hack, Make), le plus gros rassemblement de hackers en Europe, a réuni du 31 juillet au 4 août derniers 3000 personnes dans un champ transformé en village geek, à une trentaine de kilomètres au nord d’Amsterdam. Récit de l’un des campeurs français.
OHM 2013, vue du camping la nuit, où se sont rassemblés cinq jours durant 3000 hackers près d’Amsterdam. © Gblum
< 07'08'13 >
OHM 2013, camping chez les hackers

(Geestmerambacht, correspondance)
OHM (Observe, Hack, Make), le plus gros rassemblement de hackers en Europe, a réuni du 31 juillet au 4 août 3000 personnes dans un champ transformé en village geek, à une trentaine de kilomètres au nord d’Amsterdam.

En déchiffrant le programme, je me doutais qu’il serait difficile de suivre les conférences. Je ne savais pas encore à quel point. C’est seulement le lendemain qu’on comprend à quoi servent les hackercamps : se retrouver, mettre des visages derrières des pseudos et discuter toute la nuit. Certains sont carrément venus sans ordinateur, comme Jérémie Zimmermann, le porte-parole de la Quadrature du Net (QDN), qui nous accueille en chaussettes sur un parterre de coussins. La teahouse de la QDN est facile à repérer, c’est la seule structure DiY du camp : une grande bâche bleue plantée entre le “Noisy Square” (le tipi où ont lieu les talks mouvementés), le village de C-Base qui envoie de la techno à 10 km, et le chapiteau des Italiens qui carburent à la grappa.



Les bénévoles de la QDN se sont relayés toute la nuit pour servir le thé. J’enjambe les dormeurs enroulés dans des couvertures polaires, une dizaine de personnes discutent encore, assises autour des tables. Jérémie remplit nos tasses de thé chaud et nous invite à la conf qu’il donne à 17h au Orwell Hall. Au cas où vous ne les connaîtriez pas, la Quadrature est une association qui milite pour la neutralité du Net, le respect de la vie privée et l’amour des données. C’est eux qui ont distribué des clefs USB pleines de musique et de vidéos en Creative Commons aux députés pendant la bataille d’ACTA au Parlement européen.



Le jour se lève. La conversation fait des ronds entre le verdict du procès Manning, les problèmes de diction de Julien Assange, intervenu la veille via Skype, et les vertus conjointes de la liqueur de poire et de la théine. Pour beaucoup ici, les révélations de Snowden ne font que confirmer ce que les activistes dénoncent depuis des décennies, mais la donne médiatique a changé, et elle n’a jamais été aussi propice à la diffusion de leurs idées. Il s’agit maintenant de convaincre le grand public que les systèmes de surveillance mis en place au nom de sa sécurité sont calamiteux, que l’accès anonyme aux réseaux est un droit fondamental et que des solutions existent pour protéger le secret des communications.



Une version imprimée du programme circule entre les tables, je parcours le détail de la journée pour la n+3 fois : une conférence sur les fairphones et la téléphonie libre sous IPV6, une introduction aux ordinateurs quantiques, une lecture sur la prévention des suicides en milieu hacker, une autre sur les activités d’un hackerspace au Ghana, une enquête sur le futur des interfaces neuronales homme-machine, plusieurs talks sur des systèmes de paiements électroniques dont un via Twitter, une cryptoparty, un workshop sur Tor, le réseau décentralisé de routeurs qui anonymise les connexions... jusque-là, l’affaire PRISM n’a pas fondamentalement chamboulé la programmation de OHM, toujours orientée sur l’organisation des réseaux anonymes, l’Open Data et le hack du capitalisme. Je note aussi une présentation de Globaleaks, plate-forme de soumissions d’alertes open source, une conférence sur le whistleblowing digital, et un débat entre hackers et repentis de la CIA, sobrement intitulé the “Great Spook Panel”.



Des crocodiles en plastique flottent sur le canal qui longe l’allée principale. Sur les transformateurs, des pancartes informent les campeurs que le terrain est sujet aux inondations et conseille d’abandonner matos et ordis en cas de montée des eaux. J’arrive avec 20 minutes de retard. “Why money will end and how to prepare” rassemble une cinquantaine de sympathisants sous la Lamarr Tent. Je trouve une place entre deux gars absorbés par la contemplation de leur terminal. Ils portent tous les deux un modèle de chaussettes-chaussures, parfait compromis entre l’idéal sportif et la pantoufle tout confort. Je note qu’ils relèvent la tête à chaque fois qu’on prononce le mot bitcoin.



A 14h, j’ai rendez-vous avec B. pour essayer sa machine à numériser des bouquins. De loin on dirait une presse à l’ancienne, toute la structure est en bois sauf les plaques de verre qui maintiennent les feuilles en position et la poignée de vélo qui sert à déclencher les appareils photos à distance. En 15 minutes, les 150 pages du “Recours aux forêts” sont photographiées et envoyées à l’équipe d’Internet Archive qui s’occupe de la reconnaissance de texte. Le livre d’Ernst Jünger est épuisé en France depuis dix ans. On passe chercher des rations de pastèque et de “meatloaf” sur un stand qui distribue des denrées contre un peu de pub et on file au Noisy Square pour un débat qui s’annonce légèrement tendu.

La veille, le stand de Fox IT a été taggué avec des logos de la NSA. Cette société de sécurité informatique hollandaise, connue pour collaborer avec le gouvernement néerlandais, fait partie des nouveaux sponsors d’OHM. Son entrée a déjà entraîné la démission d’un des organisateurs au début 2013 et des menaces de boycott de la part de plusieurs participants historiques, dont le Chaos Computer Club. Pendant une heure, l’autonomie économique du camp est sévèrement débattue. La question du débauchage des hackers par les services de renseignements plane, sans vraiment être abordée. Les contre sont clairement en force et proposent de se retrouver à 23h pour une bataille de coussins à l’ancienne.



J’arrive juste à temps pour la cryptoparty. La tente est surchauffée, notre hôte distribue des boissons au Maté aux courageux qui ont répondu à l’appel du PGP (les clés de chiffrement à la base de la cryptographie) au lieu de se la couler douce au bord du lac. Je comprends rapidement que je ne comprendrai pas tout à ce workshop. Je tiens jusqu’aux clefs asymétriques, après c’est le black out. Je finis par avouer à mon voisin que mon portable est encore sous Windows. Il me donne rendez-vous après l’atelier pour une installation Linux prioritaire. Il m’expliquera plus tard qu’il gère un exit node en Allemagne (un serveur qui gère un point de sortie du réseau anonyme Tor), avant de me gratifier de la collection complète des stickers Tor.

Les nains de jardin belges clignent des yeux
On retrouve P. au village belge. Elle a passé l’après-midi à assembler un TV B-gone, une télécommande universelle qui éteint toutes les télés dans un rayon de 15 mètres. Elle projette déjà de l’utiliser sur ses voisins en sirotant la bière des vainqueurs.


Les Belges sont très équipés. On comptabilise une dizaine de fers à souder sur la table de travail, deux imprimantes 3D, deux canapés, un bar à bières, un DJ, et un parterre de nains de jardin avec des yeux qui clignotent.

On passe devant le “Great Spook Panel” qui vient de se terminer. Tout le monde a faim. Pour les végétariens, c’est l’heure de la migration quotidienne vers le Food Hackerspace. Une odeur merveilleuse de curry s’échappe de la grosse marmite en fer et vient narguer les militaires qui font le pied de grue devant leurs blindés. Un vent frais secoue doucement les antennes relais qu’ils ont plantées à l’entrée du camp, les sound systems commencent à s’échauffer. J’ai pris mon tour pour la teahouse à 3 heures du matin. La nuit va être longue.

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Crédits photo : Gblum

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