Le site est en berne depuis ce matin. Preuve absolue de l’assaut de visiteurs venus vérifier que l’info est bien réelle : RedvsBlue propose ce mercredi son centième et dernier épisode. Pour toute une communauté, c’est un peu la fin du monde. D’où le titre de l’avant-dernier épisode : « Repentez-vous, la fin est proche ». Un titre en forme de clin d’œil au jeu dont sont tirées toutes les animations, Halo, best-seller sur X-Box, un jeu de baston qui oppose les soldats du Commandement spatial des Nations unies aux Covenants (des sortes de fous d’Allah sous casque), tous ces gentils soldats étant génétiquement modifiés pour résister sur le champ de bataille. Clin d’œil qui a fait le succès de ce machinima comique.

RedvsBlue est en effet l’un des plus anciens machinimas, en ligne depuis avril 2003. Dans ces fictions bricolées, tournées à partir des moteurs de jeux vidéo (économie de moyens pour réaliser des films en 3D), des joueurs scénarisent et jouent leur partie tandis qu’un complice les filme (dans le jeu, en caméra subjective). Reste à rajouter une bande-son et le court métrage est réalisé.

L’histoire de la saga RedvsBlue a commencé comme une boutade, un jeu dans/sur le jeu dont les gamers raffolent. Dans Wired, Michael Burns, l’un des créateurs de la série, raconte : "Nous ne savions même pas ce qu’étaient les machinimas à l’époque. On jouait des plombes à Halo au cours de Lan partys (les jeux en réseau local, ndlr) puisque la XBox live n’existait pas alors. Notre façon humoristique de nous hurler dessus d’un bout à l’autre de la pièce a été à l’origine de Red vs Blue".

Aujourd’hui encore, les partenaires de jeu qui ont monté leur boîte sont passés à d’autres histoires (1-800-Magic, un machinima tiré de Shadowrun, FPS sorti début juin en France sur XBox), ont continué à fonctionner de la même manière : deux consoles, deux joueurs et une vidéo tirée de leur affrontement le plus souvent verbal.

« Dans les machinimas, en dehors de l’univers graphique virtuel, c’est avec la voix et la performance d’êtres humains que se trouvent la modification, le détournement du jeu », explique Isabelle Arvers, spécialiste de la question (elle organise des projections, écrit sur le sujet…). Certes, d’épisode en épisode, les mêmes soldats dodelinent de la tête tout en discutant la vie-la mort-les vaches. Côté scénarisation ou qualité filmique, « on peut trouver ça pauvre, moi je pense que c’est un formidable moyen d’expression », ajoute-t-elle. « Red vs Blue c’est du Beckett, l’absurdus delirium et la possibilité de transposer dans un univers de jeu de combat futuriste, des dialogues sur la vie et la mort, notre place dans l’univers, le pourquoi et le comment du dérisoire de nos vies... et tout ça "dit" par des personnages de jeu dénués de toute humanité ! ».

L’humour très présent dans RedvsBlue pourrait passer au-dessus des oreilles non anglophones. La barrière de la langue n’a pas empêché des milliers de fans de visionner chaque épisode et de le commenter abondamment (600 000 membres inscrits sur le forum). La communauté a même débordé hors du réseau, avec ses conventions et conférences, comme celle du RvBTO, du 13 au 15 juillet prochains, au cours desquelles les heureux créateurs de la série viennent rencontrer leurs fans. Il y a Rebecca Frasier, qui est la voix de Sister dans Red vs Blue et modératrice du forum, William Burns, voix de Church et réalisateur, ou encore Trocadero, le groupe chanceux qui compose la bande son des épisodes.

Aujourd’hui l’équipe de Rooster Teeth Productions, la première boîte de production du machinima, travaille entre autres pour l’éditeur Electronic Arts (campagne de pub pour les Sims 2, the Strangerhood). Sur leur site, les créateurs annoncent une mise en ligne du centième ce mercredi soir. Un épisode historique, puisqu’il durera 15 minutes (quand tous les autres tournent autour de 5 minutes). En guise de mise en bouche, le 99ème épisode ci-dessous….

annick rivoire