L’amateur de musiques déviantes a concocté sa pop’lettre au Barbu, de quoi donner quelques idées de cadeaux à certains...
En dix CD, tous les numéros 1 de la Motown réunis dans un seul coffret, dans tes souliers... © DR
< 19'12'08 >
La pop’lettre au père Noël de l’amateur de musiques déviantes
Poptronics croit encore au père Noël. Celui à qui envoyer sa lettre de cadeaux idéaux, pas forcément marchands, pas forcément trébuchants. Il y en a pour tous les goûts, la preuve avec cette deuxième pop’lettre au barbu, celle de l’amateur de musiques déviantes (et + si aff.). J’aurais pu te faire la liste des albums indispensables sortis en 2008 (rapide la liste, ce n’est pas un très bon cru) mais vu que plus personne n’achète de CD (-13% encore sur les neuf premiers mois de 2008), ça ne t’aurait pas servi à grand-chose. On te demande quand même d’aller piocher dans ces quelques très beaux coffrets. Par exemple, celui tout chaud qui compile en dix CD, pour le cinquantième anniversaire du label, tous les numéros 1 de la Motown, « The Complete Motown #1s Box », dans un packaging bien kitsch reproduisant le fameux QG du label à Detroit (Hitsville, USA). Ou alors, « The Gonzo Tapes, The Life and Work Of Dr Hunter S. Thompson », cinq CD de musique, de réflexions et de reportages du plus barré des journalistes américains, qui refait le monde dans sa bagnole la radio à fond, la tête explosée par des substances pas vraiment licites. Un magnifique objet dû à Shout Factory, parfait complément des indispensables livres du Dr Gonzo (tous disponibles chez 10/18) que tu peux d’ailleurs ajouter sans sourciller dans ta hotte. Non, si je voulais enfin briller auprès de mon neveu de 14 ans, qui a récupéré mon vieux synthé la dernière fois qu’il est venu parler musique, je te demanderais un effort pour que je puisse lui offrir un véritable instrument du XXIe siècle : le Tenori On. Ça lui permettrait de ne pas céder au trip nostalgique ambiant. Développé par l’artiste japonais Toshio Iwai avec Yamaha, le Tenori-On est un écran qui tient dans les mains, composé d’une grille de 16 leds par 16. Lancé à Londres fin 2007, il est aujourd’hui l’instrument électronique favori de Björk ou Jim O’Rourke. Bien sûr, il est très cher (autour de 850€) mais grâce à toi, je gagnerai ainsi l’éternelle reconnaissance de mon neveu… Improvisation au Tenori-On par Toshio Iwai : Si ça te paraissait un peu trop, tu pourrais toujours regarder du côté des synthétiseurs, mais cette fois dans des prix plus raisonnables (60 € environ), et mettre dans ta hotte le jeu « Korg DS-10 Synthesizer », sur Nintendo DS, qui recrée l’interface d’un des instruments cultes de la marque japonaise, le synthé analogique MS-10 de 1978. On crée ses propres sons dans une veine 8-bit très tendance. Et évidemment, on peut même bidouiller comme ce joueur japonais. Pour en finir avec les synthés, dont le retour en grâce a vraiment marqué 2008, je me laisserais bien tenter aussi par les coussins geek en diable créés par une boîte allemande. Au choix, pour 100€ tout de même, la reproduction du Roland TR 808 ou, plus rock, de la Rolls des pédales fuzz, la mythique Big Muff… Sinon, histoire de quitter l’écran, pourquoi ne pas lire un peu ? Au choix, la toujours excellente collection musique des éditions Allia (dernière parution : « Turn the beat around : L’histoire secrète de la disco », de Peter Shapiro) ou ce brûlot d’autonomes d’ultra-gauche comme dit notre ministre de l’Intérieur, « L’Insurrection qui vient » du Comité invisible, qui vaut tant de problèmes à quelques activistes du vivre autrement, jusqu’ici tranquillement planqués à Tarnac, Corrèze. Tu le trouveras aux éditions La Fabrique ou tu peux me le télécharger en PDF ici. Enfin, pour terminer, deux DVD à mettre dans ta hotte. Un documentaire d’abord, signé Resistance Films : « Antifa, chasseurs de skins ». Au mitan des années 80, les skinheads d’extrême droite font la loi dans le quartier parisien des Halles, multipliant agressions et provocations. Venus du punk-rock, des banlieues, du hip-hop, des « groupes » se forment (les Red Warriors, les Ducky Boys, les Ruddy Fox) et vont se lancer dans la lutte antifasciste active, faisant la chasse aux skins en plein Paris. Résultat : en quelques mois, ce mouvement de rue antiraciste (parfois très violent) parvient à virer l’extrême-droite du centre de la capitale. Bande-annonce d’« Antifa, chasseurs de skins », Resistance Films : L’excellent éditeur Re:voir (Mekas, Brakhage, Tscherkassky, Dwoskin…) vient de sortir un incunable, un vrai. « Traité de bave et d’éternité » d’Isidore Isou (1951) est le film fondateur de la geste lettriste. A l’époque, le scandale est énorme. Isou a obtenu on ne sait trop comment de présenter son film à Cannes. Sauf qu’il n’a évidemment rien de classique : Isou expérimente ce qu’il appelle le « montage discrépant » (son et image sont totalement disjoints), multiplie les écrans noirs et les zébrures sur pellicule, annonçant tout un pan du cinéma expérimental des années 60. Et ne mâche pas ses mots contre tous (existentialistes, surréalistes, communistes…), comme dans ce formidable poème lettriste dit par François Dufrene et dédié à la mémoire d’Antonin Artaud : « J’interroge et j’invective ». Une ligne de conduite tellement parfaite pour l’année qui vient que je t’en voudrais de l’oublier. Extrait du « Traité de bave et d’éternité » d’Isidore Isou :
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