« Eve Online » (2003), l’un des quatorze jeux entrés dans la collection du MoMA, le Musée d’art moderne de New York. © Cherise Fong
< 04'03'13 >
Les jeux vidéo mettent un pied au MoMA
New York, de notre correspondante
Longtemps mis au ban des institutions culturelles, les jeux vidéo n’en finissent plus d’investir les musées ! Alors que Poptronics, déjà à l’œuvre pour l’exposition « MuseoGames » au Musée des Arts et Métiers en 2010, met la dernière main à « Play again - Musée pop du jeu vidéo », espace entièrement interactif qui ouvrira ses portes le 6 mars à l’Imaginarium de Tourcoing, le musée d’art moderne de New York, le fameux MoMA, leur fait l’honneur de ses murs prestigieux.
Nul doute pour l’illustre institution new-yorkaise que les jeux vidéo sont de l’art. Mais les « digital natives », eux, s’en fichent. Tout ce qui se passe dans un écran fait partie de leur quotidien ludique, pratique, esthétique. Ce que la nouvelle exposition du MoMA intitulée « Applied Design » propose de contempler, sinon de jouer, ce sont 14 jeux classiques (entre autres objets d’art physiques) distingués pour leur exceptionnel « design d’interaction ».
Le design donc, et pas seulement graphique. Il s’agit du code utilisé comme matière première pour sculpter une expérience, peindre des comportements, définir l’interaction entre le joueur et l’univers du jeu. On parlerait de la qualité de cette interaction numérique comme on parlerait de la synthèse entre le fond et la forme d’une œuvre physique. C’est « l’espace entre les deux » comme le disait vendredi 1er mars dernier la commissaire de l’expo, Paola Antonelli, en présentant la collection à la presse.
Paola Antonelli, senior curatrice au MoMa, explique pour Poptronics l’entrée du jeu vidéo dans les collections design et architecture du MoMA, une réflexion entamée depuis… 2006. Cela permettra, espère-t-elle, d’expliquer au monde entier que les jeux vidéo sont une forme de design et d’art :
(interview en anglais, 1mn38’)
Ces quatorze jeux à l’honneur au vernissage font désormais partie de la collection permanente du département d’architecture et design, une sélection qui devrait s’élargir à une quarantaine de jeux dans les années à venir. Pour établir cette liste initiale de quatorze titres, Paola et son équipe se sont entourés de nombreux experts, notamment pour assurer les conditions d’acquisition, d’exposition et de conservation.
Histoire de mettre en valeur la pertinence historique et culturelle de ces jeux, il est intéressant de les (re)découvrir parmi d’autres artefacts de « design appliqué », qu’il s’agisse d’une carte dynamique de vols aériens, de chaises imprimées en 3D ou d’un détonateur éolien biodégradable muni de GPS.
Incrustés dans les murs noirs, les jeux sont exposés de manière relativement sobre, soit accompagnés d’un contrôleur/casque, soit en version démo (en fonction de leur complexité et de leur durée) et parfois encadrés par une image aggrandie tirée du jeu en question (« SimCity 2000 » et « EVE Online »). Ainsi, on peut s’amuser à jouer à « Passage » pendant cinq minutes colorées, musicales et émouvantes, puis se plonger dans la vidéo démonstrative muette de « Dwarf Fortress » tout en Ascii RVB. Explorer avec manette et casque l’un des premiers jeux japonais propulsés par la musique, « Vib-Ribbon » se révèle une pure merveille ; revisiter un jeu d’exploration contemplative comme « Myst » à travers une démo tristement limitée est au contraire une pure déception. Mais il y a toujours les incontournables « Pac-Man » et « Tetris » (version originale en Ascii !), tout à fait jouables, pour nous remonter le moral et recadrer notre appréciation.
« Applied Design » est sans doute moins dense, moins variée et moins bordélique que « Talk to Me : Design and the Communication between People and Objects », dont Paola Antonelli était également commissaire en 2011. On se réjouit cependant de voir les jeux vidéo enfin représentés dans la collection permanente d’une institution d’art généraliste parmi les plus respectées au monde. Mais si le MoMA ouvre effectivement la porte à « cette avalanche d’art des jeux vidéo » (encore Paola), elle pose aussi la problématique très sérieuse de la conservation muséale d’œuvres numériques interactives… Entre-temps, saluons le choix sans nostalgie des 14 privilégiés, et jouons ceux qui sont jouables, avant qu’il ne soit trop tard :
• « Pac-Man » (1980)
• « Tetris » (1984)
• « Another World » (1991)
• « Myst » (1993)
• « SimCity 2000 » (1994)
• « Vib-Ribbon » (1999)
• « The Sims » (2000)
• « Katamari Damacy » (2004)
• « EVE Online » (2003)
• « Dwarf Fortress » (2006)
• « Portal » (2007)
• « flOw » (2006)
• « Passage » (2008)
• « Canabalt » (2009)
Video Games : 14 in the Collection, for Starters (Paola Antonelli)
Applied Design, la présentation officielle du MoMA :
cherise fong
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