“TOUT ART CONTRE LA GUERRE”, cinquante artistes s’engagent contre la guerre en Ukraine, une publication de 52 pages, réalisée en urgence, tirée à 8000 exemplaires, diffusée gratuitement en librairies à Paris et Bordeaux.

Vingt images sont exposées place Gambetta, à Bordeaux, du 4 au 28 avril.

Un lancement sera organisé au palais de Tokyo à la fin du mois (la date exacte est en cours de définition).

Hippolyte Hentgen (Gaëlle Hippolyte et Lina Hentgen) face au collage ”I love Malevitch” de Thomas Hirschhorn, une double page de TOUT ART CONTRE LA GUERRE. © Les artistes 2022
< 10'04'22 >
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Il faut faire vite. La sidération des premiers jours qui ont suivi l’invasion de l’Ukraine est passée. L’Europe, les Etats-Unis s’indignent. Des sanctions sont prises. Des circuits d’aide sont mis en place par la diaspora ukrainienne. La solidarité internationale se déploie. L’Ukraine résiste. Du côté de la culture, rien ne bouge. Ou si peu. En Irak, en Yougoslavie, en Syrie, après Charlie et au lendemain du 11 Septembre pourtant, quand l’histoire vacillait, l’art faisait entendre sa voix. Mobilisait les troupes à sa façon. On en était à ce niveau de réflexion quand Pierre Ponant a appelé, début mars, battant le rappel des troupes d’artistes, graphistes, photographes, architectes, dessinateurs, designers, auteurs autrices, de celles et ceux pour qui l’image imprimée, le collage et l’art font sens. Sont un moyen de résister, de réagir, de manifester, de dire “TOUT ART CONTRE LA GUERRE”.

Pierre Ponant est enseignant à l’école des beaux-arts de Bordeaux. Il est aussi un incroyable collectionneur de formes graphiques underground. Il réactive pour l’occasion ce titre d’un fanzine réalisé lors de la première guerre du Golfe, TOUT ART CONTRE LA GUERRE. Avec la complicité de Christophe Jacquet dit Toffe à la direction artistique, une revue de 52 pages est fabriquée dans l’urgence, à chaud. Elle est distribuée depuis quelques jours en librairies à Paris, à Bordeaux aussi.

TOUT ART CONTRE LA GUERRE réunit quelques textes et beaucoup d’images, signés d’une cinquantaine d’artistes engagés à leur façon. Certains très connus, d’autres en voie de l’être. Solos, duos ou collectifs. En noir et blanc parce que le motif l’exige, la gravité du moment aussi. Sans légende ni introduction, le journal affiche la couleur en quelque sorte : pas de fioritures ici, rien que de l’extrêmement nécessaire. La sobriété de l’ensemble – deux images en vis-à-vis plein cadre la plupart du temps, à l’exception de trois textes courts – autorise le télescopage des genres et la colère qui transperce.

Kiki Picasso est à son habitude grinçant (un dessin faussement malhabile d’un enfant et sa mère ukrainiens souriant devant un champ de ruines), tout comme Claude Closky est cryptique face au tournesol fané emblématique du travail au scan de Christophe Jacquet dit Toffe – le DA de Poptronics. OfficeABC propose un point blanc dans un océan de noir. Thomas Hirschhorn est démonstratif : « I love Malevitch » juxtapose son écriture « l love art, I trust in art ! Stop killing ! Stop Putin ! » et deux images, celle d’« Abschlag », son installation pour la biennale d’art contemporain de Saint Petersbourg en 2014 au musée de l’Ermitage, un fac-similé grandeur nature d’un immeuble détruit, qui fait face à l’image d’actualité d’une barre d’habitations bombardées en Ukraine en 2022.


Florence Balducci et Juliette Bensimon-Marchina. © Les artistes 2022


Norm et Kiki Picasso. © Les artistes 2022


David B et Katia Vincent-Bokatova, étudiante ukrainienne aux beaux-arts de Bordeaux. © Les artistes 2022

Pas d’unité de style ni d’école graphique dans ces images rassemblées en urgence – et c’est tant mieux. Pas d’unité d’âge non plus parmi les artistes contributeurs. Kiki Picasso, Olivia Clavel, Etienne Robial, Alain Séchas, Jean-Luc Moulène, Françoise Petrovitch, Marc Desgrandchamps, Vincent Labaume, David B ou Ramuntcho Matta ont connu d’autres conflits. Ils étaient jeunes au XXe siècle. Des étudiants des beaux-arts de Bordeaux, jeunes Ukrainiens coupés de leur pays en guerre, enchaînent la pandémie et la guerre. Pierre Vanni, Clément Faydit ou les anonymes des collages féministes ne sont ni jeunes ni vieux. Et Pierre Giner (qu’on connaît bien par ici…) fait passerelle avec cette image signée Pierre et Anna Giner, où sa fille elle aussi artiste, porte une pancarte où est écrit « on en a marre d’avoir peur ». Lumineuse, vertigineuse aussi…

Tou-te-s ont répondu à la demande de Pierre Ponant sans conditions. Gracieusement. TOUT ART CONTRE LA GUERRE est tiré à 8000 exemplaires, dont 3000 diffusés à Bordeaux. Il est gratuit. En quatrième de couv, seule concession au numérique, un QR code permet de faire un don à Ukraine amitié, une association bordelaise d’aide humanitaire à l’Ukraine. Le Centre national des arts plastiques a soutenu l’impression et la diffusion. La ville de Bordeaux a prêté ses sucettes Decaux pour exposer vingt images dans la ville, jusqu’à la fin du mois, place Gambetta. L’école des beaux-arts de Bordeaux a elle aussi été étroitement associée à la fabrication, la diffusion, au montage du projet.

Petite vidéo in situ, place Gambetta à Bordeaux :

La revue a été lancée à Paris le 2 avril, lors d’une vente de livres, affiches, dessins, t-shirts et autres organisée par des maisons d’éditions et graphistes pour l’Ukraine, 28 rue de la Fontaine-au-roi. Et le Palais de Tokyo, où on pourra trouver la revue à partir de la mi-avril, proposera un événement à la fin du mois. Poptronics soutient TOUT ART CONTRE LA GUERRE. Il se pourrait même que l’archive en ligne de la revue, une fois sa vie de papier écoulée, soit disponible par ici.

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Post-scriptum

En ligne en ce moment même, une autre initiative à saluer, la mise en vente solidaire de la Collection capsule Polka pour l’Ukraine (dont Marc Riboud, Elliott Erwitt, William Klein, Sebastião Salgado, Nick Brandt, Janine Niépce, Mélanie Challe, Stéphanie Davilma, Rafael Yaghobzadeh), du 8 au 10 avril 2022. Les bénéfices iront à la Fondation de France pour l’aide aux réfugiés ukrainiens.

On recommande aussi la lecture de « The Daily Beast » qui consacre un article à ces artistes russes qui bravent la censure et font de la rue le dernier espace possible de résistance.

annick rivoire 

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