Le sexe des anges, du Net et des enfants, rencontre Internet mon amour, le 14/12, avec Wendy Chun, professeure de « Modern Culture and Media » à la Brown University aux Etats-Unis, au Centre Pompidou, de 18h à 20h, petite salle, entrée libre, place Georges Pompidou, Paris 4e.
Le portail des familles mis en place par Nadine Morano pour "aider les parents à être vigilants". © DR
< 13'12'08 >
Protéger les enfants, qu’ils disent...

On savait le gouvernement enclin à sévir sous couvert de protection. On a déjà dénoncé les dérives sécuritaires de la loi Hadopi qui donnent de la France une vision passablement archaïque en matière de libertés publiques. En cette veille de Noël, c’est de l’inénarrable Nadine Morano que vient le coup de grâce (enfin, on se doute qu’il y en aura d’autres...), avec la campagne la plus ridicule qu’il ait été donné de voir sur les petits écrans. La secrétaire d’Etat à la famille brandit régulièrement le drapeau noir du Net, avec une virulence que lui renvoient bien les médias (de « Marianne » à Rue89 et même « VSD ») et les internautes (elle sait danser, la preuve ici et faire des gaffes).

Voici donc la campagne vidéo, diffusée du 10 au 25 décembre sur les chaînes hertziennes et au cinéma :

Et parce qu’il y a « urgence », nous dit Morano, à prévenir les parents inconscients des dangers majeurs de ce média diabolique qu’est le Net, la secrétaire d’Etat à la Famille enjoint à activer le contrôle parental (d’une efficacité toute relative) et lance un portail Internet, le site des familles en quelque sorte, qui y trouveront les mêmes recommandations pratiques distribuée à 4,5 millions d’exemplaires dans les écoles primaires cet automne. Du type : on ne laisse pas un enfant seul sur le Net, on limite le nombre d’écrans dans la maison (puisque derrière chaque écran se cache un pédophile), on vérifie que les jeux sont adaptés à l’âge des enfants, etc. Soit.

Alors alors, ne croyez pas que poptronics aime les pédophiles et déteste les enfants. Il se trouve que la question de la pédophilie sur Internet n’en est pas une, et qu’il est temps qu’on arrête de faire porter le chapeau au « Net nouarrr » comme le dit joliment le Parti pirate (l’un des premiers à avoir alerté sur l’opération de manipulation politico-moraliste gouvernementale). Qu’on cesse avec cet écran de fumée paranoïaque qui parvient de fait à masquer la mise en place d’une surveillance de nos faits et gestes sur le Net.

Ainsi, la loi qui filtrera les sites « pédopornographiques » sera présentée début 2009 au Parlement. La pédophilie et la pornographie sont pourtant deux choses totalement différentes (et l’on pense ici à l’amalgame plus que douteux qui a longtemps eu cours en France et ailleurs entre pédophiles et pédérastes...). En filigrane, c’est au tout autre débat qui pointe son nez : voulons-nous d’une société toujours plus liberticide ?

Poptronics félicite donc Nadine Morano de fournir aux rencontres Internet mon amour ce dimanche au centre Pompidou, une actualité brûlante... Ce rendez-vous initié par des « artisans » du réseau (chercheurs, artistes, critiques, activistes, dont poptronics) aime précisément mettre les pieds dans le plat numérique, celui des fantasmes sécuritaires et identitaires qui entourent l’Internet. Après avoir posé la question « Faut-il avoir peur du Web 2.0 ? » en février, et proposé un « Kit de survie dans un monde P2P », en mai, Internet mon amour a lancé en septembre la pétition « Téléchargez-moi ». Ce dimanche, « Le sexe des anges, du Net et des enfants » invite à détricoter ce marronnier du Net-repaire de hors-la-loi, pédophiles, nazis et pirates. Quoi de mieux que d’aller chercher un point de vue théorique extérieur aux débats passionnés que produit la question en Europe, avec Wendy Chun, professeure associée du département « Modern Culture and Media » à la Brown University aux Etats-Unis ?

Cette ingénieur-réseau spécialiste de la littérature anglaise de formation a écrit « Control and Freedom, Power and Paranoia in the Age of Fiber Optics », paru aux éditions du prestigieux MIT, en 2006. En tant qu’universitaire, elle s’attache à déconstruire au fil de ses recherches la paranoïa induite par les machines en réseau et à démontrer les liens entre machines et pouvoir, contrôle et liberté. C’est une première française à laquelle Internet mon amour invite ce dimanche -Wendy Chun est notamment intervenue à l’Ars Electronica cette année, à écouter ici.

annick rivoire 

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< 1 > commentaire
écrit le < 15'12'08 > par < elebovici wba club-internet.fr >
C’était très intéressant. Le travail de Wendy Chun, sur les questions de ce qu’on attribue au personnel ("mon" ordinateur), du contrôle et de la liberté imaginaires qu’on croit posséder, l’ inversion qu’elle formule de la relation pornographie/cadre sécuritaire (où c’est la régulation qui fabrique) et surtout, la notion qui intervient chez elle de "vulnérabilité" me paraissent dignes d’une urgente traduction française. Est-ce que Poptronics pourrait assurer cela ?