On n’expulse plus tranquille à l’heure de l’Internet et de la civilisation de l’image. A 5 heures ce matin, rue de la Banque, à Paris, derrière la Bourse, le campement sommaire d’une cinquantaine de tentes rouges, installé dans la nuit de mercredi à jeudi, a été démonté par des compagnies de CRS (qui encadraient sévèrement l’occupation hier). Sous les tentes, 170 personnes, toutes mal-logées, femmes avec enfants, familles vivant dans des conditions insupportables, rackettées par les marchands de sommeil de la capitale (une mère et ses quatre enfants en chambre de bonne pour 800 € par mois…).

Le cinéaste Chris Marker est venu les voir, les a filmées et photographiées la veille. Parce que les images ont un pouvoir que n’ont pas les mots, ces photos témoignent de l’indécence d’une situation que dénonce depuis quelques années déjà le DAL (Droit au logement), qui réclame le relogement de 500 ménages en Ile-de-France (d’après Libération, l’Ile-de-France compte 374 000 demandeurs de logements sociaux).

A 5 h 01, au balcon du 24 rue de la Banque, où siège le « ministère de la crise du logement », quelqu’un prend sa caméra, et filme. En 40 minutes, l’affaire est bouclée, les tentes pliées et rangées dans un camion. Cinq vidéos plus tard, elles sont postées sur le Net, et contredisent à l’évidence la version du préfet, qui annonce dans un communiqué : « L’opération a débuté vers 4 h 55 et s’est déroulée sans incidents ». Droit au logement, l’association à l’origine de l’action, dénonce la violence d’une opération menée par quelque 120 policiers.