Dernière du Théâtre permanent, le projet insensé de pièces du répertoire classique mises en scène tous les jours de l’année 2009 par Gwénaël Morin. Discussion publique le 31 décembre 2009 à 18h, aux Laboratoires d’Aubervilliers, 41 rue Lécuyer, Aubervilliers (Ligne 7 Aubervilliers-Pantin Quatre-Chemins).
Lorenzaccio, d’après Musset, la première mise en scène en 2009 du Théâtre permanent de Gwénaël Morin aux Laboratoires d’Aubervilliers. © Julie Pagnier
< 31'12'09 >
Théâtre permanent, rideau, chapeau

Du côté d’Aubervilliers, ce soir, la compagnie réunie par Gwénaël Morin boucle une année marathon de théâtre populaire, utopiste et résolument ancré dans un territoire qu’on décrit pudiquement comme difficile pour la culture. Ça se passe aux Laboratoires d’Aubervilliers, ce « lieu de recherche et d’expérimentation artistiques » déjà responsable d’un autre projet fou, celui du Musée précaire Albinet de Thomas Hirschhorn. Pour achever en beauté cette expérience forte, l’équipe donne rendez-vous pour une discussion publique à 18h.

2009 aura donc été une année sans relâche pour le Théâtre permanent, l’un des projets les plus fous et partant, les plus excitants d’un spectacle vivant qui cherche à sortir des cadres : hors plateau (la salle est rectangulaire et le public entoure les acteurs, quand il n’est pas installé devant les Labos, contre le mur du gymnase mitoyen, en été). Hors champ en quelque sorte, sans pour autant s’opposer à la tradition théâtrale : les textes mis en scène, six au compteur, sont ceux du répertoire le plus classique, des portraits tragiques, des figures incontestables de la « grande culture ». Lorenzaccio entamait l’an neuf, quand il fallait rôder le dispositif (la pièce était une reprise), puis Tartuffe et ses doutes (la troupe permanente se disloque alors), Hamlet cet été, Bérénice encore en extérieur, quand l’automne vient, puis Antigone d’après Sophocle et enfin, donc, pour achever cette année folle, Woyzeck d’après Büchner. Six pièces qui portent le nom de leur héros, pour une série que Gwénaël Morin dénomme « théâtre de la responsabilité ».

L’aventure est démente aussi pour ce qu’elle suppose d’utopie sociale : « Je veux faire œuvre de courage, et avec le temps, par ténacité, insistance, résistance, créer de l’espace et du temps publics », posait en préambule le metteur en scène lyonnais. Accessible gratuitement (« La gratuité établit un principe d’égalité universelle. La gratuité crée le sentiment commun », ajoutait-il), le Théâtre permanent s’est de fait constitué comme une micro-société, avec ses hauts et ses bas, ses modalités ludiques qui en ont fait une scène ouverte : le matin, des « ateliers de transmission » pour revenir avec des amateurs (le public des jours précédents qui a bien voulu s’inscrire) sur le spectacle et sa façon de le construire, et, l’après-midi, les répétitions pour la mise en scène suivante.

Le projet a-t-il vraiment changé le rapport au théâtre des habitants d’Aubervilliers ? Difficile d’en tirer un bilan « à chaud » mais on a pu voir certain slameur local venir se confronter au jeu de la représentation. Les amateurs de théâtre ont sans doute constitué le public le plus assidu (créant même une forme d’accoutumance, où le spectacle est suivi comme un feuilleton télé) sans que pour autant les gens du cru boudent l’événement. Les ateliers matinaux n’ont pas désempli (3 à 8 participants au début 2009, des programmes remplis en fin d’année). « Certains viennent depuis début janvier et un des participants de l’atelier de Julian Eggericks est même monté sur scène pour interpréter le monologue du Cardinal », raconte la responsable des publics.

Au-delà de l’aspect performatif, le Théâtre permanent, c’est aussi un souffle frondeur et aérien que Morin distille dans ses mises en scène à l’esthétique résolument low-tech. Papier, carton et chaises dépareillées constituent l’essentiel du décor. Mais cette épure laisse toute la place aux mots et aux comédiens, formidables Julian Eggerickx, Barbara Jung et Grégoire Monsaingeon (avec en alternance Guillaume Bailliart, Stéphanie Béghain, Fanny de Chaillé, Virginie Colemyn, Renaud Béchet, Ulysse Pujo, William Darlin et Yvane Chapuis). « Symboliquement, dit Gwenaël Morin, finir le Théâtre Permanent avec un texte inachevé (Woyzeck, ndlr) est une manière de ne pas fermer l’expérience. » Chapeau bas.

annick rivoire 

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