Tout là-haut, tout au bout de la rue de Tocqueville à Paris, Gigacircus a posé son cercle d’écrans boussole, « Tsagaan Yavaraï ». Au centre se dresse un cairn de bois, Ovoo en mongol, petit tas symbolique autour duquel le visiteur tournicote trois fois, s’il entend suivre les coutumes mongoles.

Dans les steppes là-bas, le voyageur qui croise un de ces tumulus doit y déposer une offrande puis en faire trois fois le tour dans le sens du mouvement du soleil. De ce rite découle le dispositif de l’installation interactive imaginée par le collectif d’artistes Gigacircus (vidéo, son, performance…), née de ses voyages en Mongolie. Chaque spectateur, lorsqu’il dépose un objet au pied de l’Ovoo et fait ses trois petits tours, déclenche une ronde d’images et de sons, comme s’il activait son propre cinéma à partir de films d’animation, vidéogrammes, photos numériques retouchées, vidéo DV et sons en quadriphonie, en suivant une thématique (les animaux, les saisons, la ville…) que les machines choisissent aléatoirement. Quatre écrans, qui forment un anneau d’images, symbolisent les points cardinaux et la thématique qui leur est associée : le sud pour l’hospitalité, l’est et l’ouest pour les représentations des actions féminines et masculines, et le nord pour les ancêtres et la spiritualité. Sur les quatre autres écrans défile un diaporama de paysages austères et majestueux.

Les créations de ces vidéastes, performers, infographistes, programmeurs, auteurs de Cd-Rom et de partitions sonores ont toujours pour point de départ un voyage. Récemment, leurs dernières pérégrinations les ont amenés à travailler sur la notion de frontière, en collaboration avec des artistes américains et mexicains. Cette nouvelle œuvre, intitulée AmeXica sKin, sera présentée en novembre à la Bellevilloise dans le cadre de l’exposition d’art contemporain Jeune Création.

Pour l’heure, à l’Avant Rue, « Tsagaan Yavaraï : Que la route soit blanche, comme le lait… », conçue pour être présentée à ciel ouvert, trouve dans les hautes verrières de ce bâtiment industriel un espace d’exposition idoine. Ces murs aujourd’hui récupérés par la compagnie Friche Théâtre Urbain comme lieu de résidence des arts de la rue et du cirque, s’ouvrent depuis peu aux installations multimédias et nouvelles technologies. Après avoir bien tournicoté, une buvette est ouverte à l’étage. En cas de fatigue (notamment pendant la Nuit blanche), l’installation, au pouvoir hypnotique certain, se prête également au petit roupillon sur les tapis jonchant le sol.

stéphanie cléau