m/m (paris) expose : « Vision tenace », au centre Pompidou, place Georges Pompidou, Paris 4e, du 23/01 au 18/02, et « L’île au trésor », à la galerie Air de Paris, 32, rue Louise-Weiss, Paris 13e, du 26/01 au 8/03, entrée libre.
« French Farce » (2008), d’après l’affiche du film « French Farce » de François Curlet, un Art poster exposé dans « Vision tenace », à Beaubourg. © mmparis.com et Galerie Air de Paris
< 14'02'08 >
Les m/m poseurs d’affiches à Paris

Les m/m (paris) sont très malins. C’est le sentiment ambivalent qui domine au vu des deux expositions du moment à Paris, l’une, « Vision tenace », bouclant (provisoirement ?) la rétrospective d’affiches produites pendant et après l’exposition « Airs de Paris », au centre Pompidou l’an passé, l’autre à la galerie Air de Paris. « L’île au trésor » emprunte son titre à Stevenson, et convie la figure du pirate (romantique et numérique) en posant de façon provocatrice la question du droit d’auteur mis à mal par le numérique.

Très malins parce qu’ils croisent et remixent avec brio des propositions d’artistes (leurs « Art posters » sont le fruit de collaborations passées avec la crème des créateurs contemporains, les Liam Gillick, Carsten Höller, François Roche et R&Sie(n), Rirkrit Tiravanija ou encore Pierre Huyghe et Dominique Gonzalez-Foerster), tout en titillant les institutions phares, type le Consortium de Dijon ou encore la Biennale de Venise. En moins de dix ans, leurs interventions ont permis de redonner au design graphique (que la France avait tendance à sous-estimer) sa place au rayon des beaux-arts : « m/m contribuent à redéfinir les modalités du design contemporain, entre autonomie et dispersion », dit autrement Christine Macel, conservatrice au centre Pompidou.

Les propositions du studio fondé en 1992 par Michaël Amzalag et Mathias Augustiyniak sont très malignes aussi parce qu’elles s’inscrivent dans l’air du temps, régurgitant cette fameuse atmosphère culturelle propice au transgenre (ou transversalité). Leur credo : « un graphiste est un spécialiste des signes : au contact des autres et du monde réel, il usine et façonne des icônes, des indices et des symboles pour encapsuler des idées et des sentiments, puis il les fait circuler dans tous les médias qui sont à sa disposition, du plus rudimentaire, le tract, au plus technologique, Internet. » (dans leur « autoportrait » du catalogue « Airs de Paris » paru en 2007).

Proclamant la mort de l’affiche (celle qu’on colle sur les murs du dehors), ils la revisitent (en sérigraphie et digigraphie) en la faisant entrer au-dedans. La « sucette », mobilier urbain qu’ils créent en 2003 pour le festival international de l’affiche de Chaumont, a été recyclée dans « Airs de Paris » en 2007, puis a migré dans le patio du centre Pompidou, jusqu’à l’ouverture de « Vision tenace », où une version réduite en taille est présentée, comme une statue d’intérieur pour expos dans l’expo…

Réfléchissant avec les artistes qu’ils côtoient depuis 1999 au devenir de l’exposition (Art Poster « Pour la construction d’un nouveau parc d’attraction », 2008, d’après l’affiche pour la Biennale de Dakar de Carsten Höller et Philippe Parreno en 2004) ou même de l’art (Art Poster « No ghost just a shell », 2008, d’après le personnage de manga racheté pour autant de variations artistiques par Pierre Huyghe et Philippe Parreno en 2000), ils proposent une vision architecturale double face : au niveau -1 du forum, des cloisons, un sens de circulation, des cimaises, la sucette miniature et les affiches s’enquillant par ordre chronologique, reproduisent à l’échelle une salle de musée. Vu du dessus, une forme labyrinthique qui « encapsule », pour reprendre leur vocabulaire, les visiteurs dans leur forêt de signes et d’objets designés (dont les cadres en bois découpés montés sous coque en plexiglas transparent thermoformé). Brillants, on vous dit.

D’où vient alors cette impression d’être manipulés par leur « grammaire graphique » ? Remix et re-définitions ne sont pas en cause, ils réinterprètent à l’infini la culture contemporaine du sample, et c’est tant mieux. Plus problématique, plus inquiétant, c’est cette vision du monde qui n’est pas tant critique qu’illustrative. Leurs systèmes hyper sophistiqués fonctionnent de facto comme un nouveau vocabulaire articulant des formes décoratives chargées (les papiers peints et sols aux motifs baroques) et des emprunts aux signes de la culture populaire (leur petit personnage du pirate pixellisé, reproduit à l’infini sur les murs, dans le motif du tapis au sol et dans les caissons lumineux de la galerie Air de Paris, rappelle évidemment les Space Invaders et autres R2D2). Au centre de la pièce, justement, un meuble en bois, « cabinet » de lecture miniature, intégrant un exemplaire d’un livre quasi incunable, « un luxueux ouvrage pour bibliophile à la reliure soignée », réalisé à partir de lettres et rebuts de manuscrits trouvés dans la poubelle d’un éditeur.

Au sol, cette inscription scotchée par la galerie : « Merci de ne pas marcher sur le tapis, ni de vous asseoir sur le meuble. Le livre n’est pas consultable. » Il l’est quand même, mais en en faisant la demande : la galeriste sort une paire de gants blancs et feuillette à votre place l’ouvrage, empêchant la libre appropriation de l’objet. Malin ? Ainsi cérébralisée et digérée, la révolution Gutenberg, elle-même débordée par l’ère de la reproduction mécanisée (que théorisait Walter Benjamin en 1936), se réduit à une fable simplette : le mini-pirate pixellisé a le droit de lire tous les rebuts qu’il veut, l’humain organique, lui, n’a qu’un droit de regard médié.

annick rivoire 

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< 1 > commentaire
écrit le < 15'02'08 > par < didier oZ9 lechenne.fr >

Pas sur d’avoir vu la même chose.

Le dispositif que j’ai vu au centre Pompidou, ressemble à une boutique de luxe, un stand ultra-sophistiqué, pour des graphistes qui visiblement semblent épuisés.
Nous rejouer une nouvelle fois, le coup du remix, des re-définitions, et des ré-interprétations me semble beaucoup moins pertinent aujourd’hui qu’il y a 10 ans. D’autant plus que désormais, tout est "emballé", super bien imprimé et à vendre, cher bien évidement.

Les affiches des M/M, un fond de commerce ? Objets pour collectionneurs ? Le graphisme comme activitée spéculative ?

Les pays ou justement, le graphisme est "fort" (reconnu, de qualité et partout), a plutôt à faire avec cette notion "d’utilitée publique", des objets imprimé dans l’espace publique.

M/M, sont de très bons graphistes, c’est déjà ça. Peut être même que cela.