Anri Sala, exposition jusqu’au 19/04, galerie Chantal Crousel, 10, rue Charlot, Paris 3e.
« Title Suspended » (2008), sculpture mobile où deux mains gantées pivotent lentement jusqu’à se frôler. © Florian Kleinefenn/courtesy of the artist and Galerie Chantal Crousel
< 18'04'08 >
Anri Sala n’a plus que les yeux pour écouter
Plus que deux jours pour découvrir, à la galerie Chantal Crousel, après l’espace Hauser & Wirth à Londres, les nouvelles créations, vidéos et photos, d’Anri Sala (né en 1974 en Albanie) qui a littéralement explosé sur la scène contemporaine avec sa vidéo « Intervista » (1997) réalisée durant ses études à l’Ecole nationale supérieure des arts décoratifs de Paris puis au Fresnoy. Sa dernière pièce, « Title Suspended » (2008), où deux mains se frôlent, le résume parfaitement. Il faut attendre que la rotation soit complètement effectuée pour apprécier pleinement la métaphore. Toujours dans un entre-deux, pas réellement fixé sur une forme, un sujet et un temps, Anri Sala ne fait rien simplement ou de façon équivoque. L’ellipse caractérise le mieux son style, entre documentaire et conceptuel. Ses nouvelles pièces s’éloignent de la figure animalière zébrée de lumière, qu’il avait mise en place depuis les poissons de « Nocturnes » (1999), le zoo désaffecté d’« Arena » (2001), puis les chiens errants de « Dogs That Runs After No Formula No Cars » (2007), les crabes de « Ghostgame »(2002), les papillons de « Làkkat » (2004), ou le cheval de « Time after Time »(2003). Le bestiaire disparaît, soit, mais Anri Sala démontre surtout qu’il se place là ou personne ne l’attend. Depuis 2002 avec « Naturalmystic » (Tomahawk), « Blindfold » (2002) puis « Mixed Behaviour » (2003), où il filmait le set d’un DJ face aux feux d’artifices, et avec « Long Sorrow » (2005), film superbe mettant en scène le saxophoniste Jemeel Moondoc, il développe une attirance pour une certaine musicalité. Abandonnant partiellement sa réflexion sur l’histoire, les enjeux et les contextes sociaux culturels, il réinvestit ses expériences de voyages. Loin de l’univers du clip, ce sont les bruits sourds, blancs, bref les évènements sonores qui l’intéressent… Le son devient un langage à décrypter, une syntaxe à déchiffrer et le moteur de la création. Les sonorités fonctionnent comme une grammaire bien réglée avec des cycles de projections d’images (six minutes précisément), ses propres mesures temporelles qui imposent une visibilité des pièces. La partition est posée sur un pupitre, au spectateur de comprendre. La première vidéo, « Air Cushioned Ride » (2006) montre le trajet en rond de camions dans l’Arizona sur une aire de stationnement, vu de l’intérieur d’une voiture dans laquelle passe de la musique de chambre. La trajectoire circulaire de la voiture est secondaire, presque anecdotique, l’essentiel réside dans le parasitage sonore. Durant quelques courts instants, la musique baroque est perturbée par la country d’une station de radio locale. Anri Sala compose à partir de cette incongruité auditive. Plus exactement il déconstruit ce dérèglement de fréquences, pour élaborer deux états temporels. Ici, pas d’écoute flottante, le temps est musical, rythmé… Cette étape donne naissance à une autre vidéo : « A Spurious Emission » (2007) où il demande à un compositeur de retranscrire formellement sur une partition ce dérèglement entendu et filmé en Arizona. Puis il filme un orchestre improbable où se côtoient musiciens baroques et trio country. Les bandes sons sont identiques pour les deux vidéos, le décalage provient du traitement fantomatique du percussionniste. Comme dans « Mixed Behaviour », ce musicien semble se débattre en vain… Alors la rythmique s’endort et le silence prend le relais avec la troisième projection, « After Three Minutes » (2007), où l’artiste filme une cymbale éclairée par un jeu de lumière stroboscopique. Jouant avec les limites techniques, ce film est en réalité construit en deux temps. L’artiste filme une première fois la cymbale à l’aide d’une caméra traditionnelle tandis que la seconde projection représente la même œuvre filmée par une caméra de surveillance de l’Irish Museum of Modern Art. Le temps lumineux s’étire, la cymbale disparaît petit à petit au profit d’un motif plus abstrait. Anri Sala serait-il sur la voie des expériences de John Cage ?
Poptronics, 10 ans de cultures hacktives du Web au papier
Cybernétique en papillotes Clermont 2019, le court du jour 3 : « Mais Triste que Chuva… » Ah ça IA, ça IA, ça IA L’art d’éditer l’esprit libre avec do.doc Rhys Chatham, des guitares plein les manches |