GEE céline
< 17'11'09 >
Avec Marie NDiaye, des écrivains de moins en moins sur la réserve

Une semaine que ça dure... En demandant un devoir de réserve à Marie NDiaye, qui avait violemment attaqué la France de Sarkozy dans une interview aux « Inrockuptibles », le député Eric Raoult s’est une fois de plus pris les pieds dans le tapis. Et la polémique enfle encore avec, hier, la parution dans « le Monde » d’une pétition de soutien à Marie NDiaye, déjà signée par 80 écrivains. Décidément, dès que les sarkozystes se mêlent de liberté d’expression des artistes, ils se brûlent les doigts (voir les poursuites contre les rappeurs de La Rumeur pour « diffamation publique envers la police nationale » et, plus près de nous, l’« affaire Orelsan » ou le feuilleton Hadopi).

Le bon soldat Eric Raoult s’est donc piqué de faire la leçon à Marie NDiaye, tout récemment goncourisée pour « Trois Femmes puissantes » après ses déclarations fin août aux « Inrocks » sur la France de Sarkozy : « Je trouve cette France-là monstrueuse. Le fait que nous (son compagnon, l’écrivain Jean-Yves Cendrey, et leurs trois enfants) ayons choisi de vivre à Berlin depuis deux ans est loin d’être étranger à ça. Nous sommes partis juste après les élections, en grande partie à cause de Sarkozy, même si j’ai bien conscience que dire ça peut paraître snob. Je trouve détestable cette atmosphère de flicage, de vulgarité... Besson, Hortefeux, tous ces gens-là, je les trouve monstrueux. »

Réaction outrée du député-maire du Raincy mardi dernier qui, dans une question écrite, « attire l’attention du ministre de la Culture sur le devoir de réserve, dû aux lauréats du prix Goncourt ». Et propose carrément d’encadrer la liberté d’expression et d’opinion : « Ces propos d’une rare violence, sont peu respectueux voire insultants, écrit-il, ajoutant « le droit d’expression, ne peut pas devenir un droit à l’insulte ou au règlement de compte personnel. Une personnalité qui défend les couleurs littéraires de la France se doit de faire preuve d’un certain respect à l’égard de nos institutions. » Avec le doigt sur la couture du pantalon.

Evidemment, ces propos ont provoqué une bronca chez les politiques et fait s’étrangler la Société des gens de lettres, qui dénonce l’« l’absurdité de cette exigence et de l’ignorance dont elle témoigne » et remarque surtout que « c’est, à notre connaissance, la première fois depuis des décennies, qu’un homme politique élu réclame publiquement la restriction de la liberté d’expression des créateurs ». Les temps changent : nous vivons désormais dans la France de la rupture… Cette sortie n’a en tout cas pas défrisé Frédéric Mitterrand, qui s’en lave courageusement les mains dans « Libération » et a fait passer la question du député à la trappe pour éviter d’y répondre.

Sûr que s’il avait eu le prix Goncourt, comme le remarque un brin facétieux Guillaume-en Egypte, le chat pigiste de poptronics, Céline se serait appliqué ce « devoir de réserve » et aurait modéré l’antisémitisme de ses pamphlets (interdits mais en circulation sur la toile et chez certains bouquinistes). Et Eric Raoult dans tout ça ? Connu pour ses prises de positions droitières sinon extrême droitières (il fut un adepte de la main tendue au Front national à la fin des années 80, comme le rappelle Rue 89, et compte parmi le groupe de députés qui réclament le rétablissement de la peine de mort), il ne désarme pas. Il en rajoutait encore une couche ce week-end dans « le Monde » : « Même Yannick Noah et Lilian Thuram n’en ont pas fait autant qu’elle. » Les sportifs sont décidément plus contrôlables que les écrivains. Pas besoin de sortir son revolver.

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