Making of de « pop’confiné », notre contribution énervée, hacktive et partagée à la crise du coronavirus.
Pierre Giner et sa petite pierre à l’édifice pour faire quelque chose bordel face à la situation. © CC
< 31'03'20 >
Le virus tuera-t-il la culture ? (pop’confiné)

Après la sidération, la (dés)organisation, l’étourdissement généralisé face à la pandémie, la communication gouvernementale qui ressemble de plus en plus à un mauvais film catastrophe, et déjà quinze jours de confinement des corps et des esprits, que faire ?

« Comment essayer de ne pas se taire et de continuer à penser, et à penser “out of the box” », demande la chercheure Perola Milman (on l’avait invitée au festival « Je veux savoir » et sa vidéo vous sera prochainement proposée en ligne). C’est à peu de choses près ce qui a germiné de notre pop’côté. Poptronics, c’est une équipe éclatée depuis toujours, qui réunit artistes, chercheur-e-s, activistes, journalistes, tou-te-s très occupé-e-s dans la vie d’avant.

La semaine dernière, j’ai envoyé un message façon bouteille à la mer, pour proposer l’une de ces fabuleuses visioconfs qui habitent désormais nos vies confinées (les écolier-e-s, les collégien-ne-s, les étudiant-e-s, les télétravailleu-r-se-s, les familles… tout le monde découvre les joies de la réunion à distance). Je leur faisais un « petit mail comme ça dans la tourmente, parce qu’il me semble qu’il faudrait faire quelque chose, autre chose que se confiner dans le flux des réseaux sociaux et parfois ouvrir une fenêtre, voir le flip mondial grandir et attendre que "ça" passe ».

Alors que dans la vie d’avant, se réunir même à distance était toujours très compliqué, la faute aux agendas surchargés, la réponse a été collective et positive. La discussion via Framatalk n’était pas au top, niveau qualité de l’échange. Pour s’entendre, on a renoncé à se voir, chacun-e prenant la parole tout en reconnectant le micro à son tour. N’empêche, c’était bon de retrouver Elisabeth Lebovici, Agnès de Cayeux, Sarah Taurinya (confinée à Die, Drôme), Cyril Thomas (à la Rochelle par téléphone), Matthieu Recarte, Christophe Jacquet dit Toffe, David Guez, Jean-Philippe Renoult, Pierre Giner, Nicolas Frespech (en direct de Montélimar) et Benoît Hické, de parler du trop-plein d’injonctions sanitaires, des (fausses) joies de la famille retrouvée et des journaux de confinement indécents ou tout simplement répétitifs.

Ce premier billet pop’confiné est un peu à l’aune de nos états d’esprit partagés du moment : chagrin, énervé, chafouin et pourtant combatif. En gros, pas question de laisser la voie libre à la surveillance généralisée et la déferlante d’initiatives qui font soi-disant du bien (au secours les cours de yoga en ligne !), sans faire entendre la petite musique hacktiviste qui nous réunit.

Au-delà des effets les plus évidents de la crise sanitaire (sur les corps blessés des souffrants et des soignants, des livreurs et des caissières, sur le corps politique en plein déconfiture), on voudrait faire la lumière sur la culture qui souffre énormément. Ses acteurs en premier lieu, les plus précaires d’entre eux, auteur-e-s, artistes, intermittent-e-s, musicien-ne-s, malgré les maigres aides mises en place par le ministère de la Culture. Au-delà, et bien que les réseaux numériques soient aujourd’hui plus que jamais le fil d’Ariane de nos vies confinées, ce sont les citoyen-ne-s act-eur-ices de la culture qui peinent à trouver de nouvelles voies. Poptronics, à sa façon, s’efforce de les défricher.

Les initiatives ne manquent pas. Poptronics les relaie depuis le début de l’épidémie via son fil Twitter.

En vrac, et sans prétendre à l’exhaustivité, on adore (et certain-e-s d’entre nous y contribuent en direct) πnode et son programme radio streamé « Antivirus », qui propose des sessions à distance émanant de bidouillleurs sonores et radio-artistes, field-recorders et sono-activistes. Un « programme radio ouvert de déconfinement » pour « transformer ce moment contre le virus en lutte collective translocale ».

On adore aussi les 🍬Papillotes🍬 de Nicolas Frespech, qu’on archive depuis quasi l’apparition en ligne de cette tinyletter et qui, depuis le début de la crise, arpentent les liens, les pratiques et les archives du web en mode partagé. L’outil de curation et d’apprentissage de la net-culture pour étudiant-e-s en écoles des beaux-arts devient ainsi un outil à la portée de tou-te-s.

On aime toutes les mises à disposition généreuses de contenus culturels (concerts, opéras, happenings en ligne, livres, films, info…)

On aime certains journaux confinés, dont l’excellent « Jours et nuits de confinement » d’Elisabeth sur son blog Lebeauvice, qui met en regard de l’actualité covid-19 des œuvres d’art, le « Carnet d’un confiné », plus militant, de David Dufresne, ou celui, plus poétique, de Wajdi Mouawad, directeur de la Colline.

Journal de confinement, jour 1, Wajdi Mouawad :

On aime aussi que certains s’essaient aux vernissages en ligne, aux visites d’exposition « ghost », et que des « Tsugi », des « Inrocks », des Magnum, et même Facebook et Instagram (#ensemblealamaison) lancent des concerts depuis la chambre/la cuisine/le salon de tel ou telle.

Alors on fait quoi ?

Pierre Giner, avec son espace 3D en Sisyphe à l’envers, reflète parfaitement la première ébauche, façon making of, de la façon dont Poptronics apporte sa petite pierre à l’édifice d’une contre-culture du confinement.

Demain, Poptronics se réunit virtuellement une deuxième fois (dilemme : devrons-nous en passer par Zoom pour gagner en fluidité des échanges ? à l’heure où ces lignes sont écrites, ça n’a pas encore été tranché). Les idées ne manquent pas, elles sont en train de s’organiser en autant de « fenêtres sur confinement ».

Sûr qu’on se propose de relayer les initiatives des écoles d’art comme on l’avait fait après l’attentat contre Charlie Hebdo. Comme celle lancée par Pierre Ponant et Camille de Singly, des beaux-arts de Bordeaux, CO20, « média trans-école, chaîne graphique et écrite solidaire » sur Instagram, où déjà plusieurs écoles d’art (Bordeaux, Paris, Lausanne, Milan…) échangent leurs créations en rapport avec la pandémie.

Sûr qu’on veillera à relayer la parole et les actions des acteurs-actrices de la culture ensablée. Sûr aussi que certains des artistes de l’équipe sauront rebondir en images et autres propositions.

En résumé, on fera à l’image de la formidable résilience affichée par cette circassienne poursuivant son entraînement acrobatique dans son intérieur confiné.

via GIPHY

annick rivoire 

votre email :

email du destinataire :

message :