Projection de « La Jetée » de Chris Marker dans Second Life, vendredi 5 novembre 2010, en simultané avec le Centre Pompidou. © DR
< 08'11'10 >
Ce repos par Chris Marker, Indira Solovieva et nos doubles
Vendredi soir, un pont était jeté entre l’Ouvroir, l’espace 3D conçu par Chris Marker et une bande d’artistes numériques autrichiens dans Second Life, et le monde du cinéma réuni au Centre Pompidou pour y voir successivement « La Jetée », l’extraordinaire et mythique photociné de Chris Marker de 1962 (en copie neuve) et « L’Amnésie infantile » (2009, 15 mn), d’Indira Solovieva, inspiré d’une rencontre dans Second Life avec le cinéaste documentariste.
Cette semaine, c’est à Estoril, au Portugal, que le cinéaste français est fêté et qu’une opération similaire est organisée, à laquelle poptronics est convié. Annick Rivoire y présentera l’espace virtuel dédié à Chris Marker conçu à l’occasion d’une exposition au Museum für Gestaltung à Zurich en 2008. Et y diffusera le Pop’lab exceptionnel réalisé au Brésil en novembre 2009, journal-affiche consacré à Guillaume-en-Egypte. Depuis cette opération prestige, Guillaume, le chat pigiste de poptronics, a décidé d’abandonner la scène du dessin politique pour s’émanciper en 3D dans Second Life.
Dans l’entre-deux, l’artiste Agnès de Cayeux rend compte, depuis son poste d’observation dans Second Life, de ce qui s’est produit vendredi soir. A commencer par quelques images…
Appeler le passé et l’avenir au secours du présent est une expérience possible. Ceci est l’histoire d’une femme marquée par l’image d’un homme marqué par une image d’enfance. La scène est inversée. Nous en comprendrons beaucoup plus tard la signification.
Ce vendredi 5 novembre 2010, pendant que certains, et sur cette vieille terre d’Avignon, s’égosillaient à « Monétiser les médias numériques » et à en « Créer de la valeur que les consommateurs sont prêts à payer », et pendant qu’ils construisaient la carte du « Baromètre sur l’attractivité culturelle des territoires - culture et performance économique : quelles stratégies pour l’emploi et le développement des territoires », d’autres, et sur cette jeune île virtuelle bien réelle de l’Ouvroir se réfugiaient dans la succession d’images sans qualités.
Imaginons un article non censuré par notre encyclopédie libre (Wikipédia), un article que nous pourrions chacun améliorer, et relatif à cette journée du vendredi 5 novembre 2010 passée ensemble en cette jeune île de l’Ouvroir sur ce monde virtuel Second Life ou bien ailleurs en Région Paca. Le titre de l’article de notre encyclopédie pourrait être « Repos »… repos de l’esprit, se reposer sur... Ce serait parfait ce choix de titre, car pour l’instant et depuis quelques années, l’article « Repos » n’existe pas sur wikiki, il pointe vers l’article « Loisir ». Alors donc, nous pourrions décomposer la journée du vendredi 5 novembre en deux parties (loisir et repos) : « La culture pour chacun » et « La culture pour demain ». Pour la première partie, nous pourrions nous reposer sur cet article du « Monde »... puis l’argumenter d’un discours de renom et enfin pointer intrinsèquement vers l’article « Loisir » de notre encyclopédie. Pour la seconde partie, nous pourrions mener le flâneur vers le film de Chris Marker, « La Jetée », film séquencé en trois parties sur DM (Dailymotion) ici ou bien là sur YT (youtube). Nous pourrions également le mener vers le film d’Indira Solovieva, « L’Amnésie infantile », lorsqu’il sera en ligne après son passage le 28 novembre 2010 sur France 2, chaîne de télévision.
Dans cette seconde partie de l’article « Repos », nous devrons témoigner de cette scène inversée, celle du temps. Ecrire que nous étions des milliers sur ce monde virtuel, en cette terre de l’Ouvroir, ce vendredi 5 novembre 2010, très sagement assis sur les fauteuils de ce cinéma improbable et modélisé par Max. Que nous étions donc ici ou ailleurs, connectés, inversés et vivants. Nous nous y sommes téléportés, nous et nos propres doubles, avatars étrangers, nous y avons regardé « La Jetée » et « L’Amnésie infantile », ensemble, assis et reposés. D’autres étaient au Centre Georges Pompidou, à Paris, une séance simultanée et programmée par les films du Jeudi, le producteur, inventeur de cette soirée cinématographique et de son inversion sur nos mondes.
La scène est celle de ceux qui sont marqués par l’image d’un homme marqué par une image d’enfance. La scène est celle d’une jeune femme, Indira Solovieva, écrivant en toute fin de son film qu’un amour intense l’envahit et qu’elle comprit que l’image qui l’avait hantée jusque-là n’était pas celle de sa mort mais celle de sa naissance.
Nous ne dirons pas grand-chose, dans notre article encyclopédique, de cet after passé dans le bar de la Jetée sur l’Ouvroir, ni de nos doubles persistants et désirants. C’est un souvenir comme un autre. Une image comme une autre. Ce que nous pouvons affirmer, c’est que Chris Marker est un génie, un génie de l’art et de la perception. Et qu’Indira Solovieva nous ressemble, dans cette manière féline et reposée de réfléchir à notre futur. Miaou. Cette manière de copier-coller les sensations et les dérives de l’autre, de les retranscrire et de les réécrire à tout jamais. D’une salle de cinéma à une autre.