Pascal Comelade et le Bel Canto Orquestra en concert à la Cigale dans le cadre du festival Factory, le 8/10, 20h, 22€.
La belle occasion pour Poptronics de publier l’interview-fleuve (réalisée en novembre 2009) dans la rubrique pop’etc (pour qu’elle reste !).
Pascal Comelade en concert à Paris samedi, avec son Bel Canto Orquestra, un moment rare… qui méritait un traitement exceptionnel, avec un entretien fleuve à découvrir sur Poptronics. © Claude Gassian
< 05'10'11 >
Comelade à la Cigale, Poptronics joue les fourmis

Trente ans et plus qu’il mène sa barque autonome dans le paysage musical français. Quelques mois après un concert d’anthologie à la Cité de la musique, Pascal Comelade se pose à la Cigale ce samedi 8 octobre, dans le cadre du festival Factory. L’occasion était trop belle… Poptronics a sorti de ses cartons une interview inédite réalisée il y a presque deux ans, alors que le Catalan s’était infiltré au cœur de l’institution : un concert au centre Pompidou et une exposition de ses instruments jouets au musée des Arts décoratifs accompagnaient la sortie de « A Freak Serenade ».

Et comme Poptronics ne fait jamais rien comme tout le monde… Plutôt que de participer au flux des interviews-minutes, on a gardé au chaud cette petite heure et quart d’entretien débridé. Bien plus que ce que la promo avait prévu : Pascal Comelade, intrigué par ce média a priori éloigné de sa musique, s’est vite avoué séduit par les questions qu’on lui posait (on en a rougi) et a laissé filer l’horloge devant des attachés de presse incrédules.

La conversation fleuve, vous la lirez en rubrique pop’etc (là où sont entreposées les pépites de Poptronics…). Mais auparavant, de qui parle-t-on ? D’un musicien hors norme, autodidacte, qui mène carrière loin de Paris, basé au pied du mont Canigou dans sa Catalogne natale, et qui bâtit depuis le milieu des années 70 une œuvre aux allures minuscules et à l’influence planétaire. Où forme et fond font front contre l’uniformité de la production, contre les modes, dans l’excentricité et l’humour, la provocation décalée et l’érudition subversive. Et où s’inventent des connivences inédites entre musiques réputées savantes et folklore populaire. Commencée électronique dans l’effervescence punk, nourrie de Do it yourself avant même que les Américains n’aient popularisé le home studio, l’œuvre de Pascal Comelade est en alerte, comme à cheval sur deux mondes.

D’une main, elle ouvre grand les vannes de la nostalgie en utilisant des instruments jouets, comme si Comelade parlait depuis un grenier où le merveilleux serait enfermé à jamais. De l’autre, elle est plus que jamais moderne, contrecarrant la première proposition en réinterprétant la culture populaire, du rock au folklore catalan, des musiques métisses au minimalisme américain, en jouant du pastiche, en l’interrogeant, en la déshabillant jusqu’à en découvrir le fil intime, incarnant le concept deleuzien de la ritournelle comme personne.

Pascal Comelade - « Egyptian Reggae », concert à emporter (2007) :

Avec son ami Pierre Bastien, il a créé en 1982 une structure à géométrie variable qui l’accompagne sur scène et sur disque, le Bel Canto Orquestra, par laquelle sont passés une trentaine de musiciens. Plus tard, bien avant que la mode l’ait rattrapé, il sera l’un des premiers en France à se réintéresser au krautrock, enregistrant notamment avec les musiciens de Faust, avant de collaborer avec des artistes de la trempe de Robert Wyatt ou PJ Harvey, n’oubliant jamais les monstres sacrés (vivants) de son pays, de Luis Llach à Victor Noubla. Son album de reprises, « Danses et chants de Syldavie », dessine assez bien son univers, entre chants révolutionnaires (« Bella Ciao », « Le Temps des cerises ») et classiques du rock (Honky Tonk Woman, « Brand New Cadillac »...), convoquant Suicide et Jonathan Richman comme Nino Rota, Stravinski et les sardanes catalanes.

Contre vents et marées, Comelade revendique son amour du rock : « J’ai écouté beaucoup de musique répétitive, de free jazz, de musique arabe classique. Aujourd’hui, je crois que j’aurais beaucoup de mal à écouter un album de Philip Glass en entier. Je n’écoute que du rock classique, c’est-à-dire du blues à Suicide. Ce qui n’est pas rien ! Dans l’histoire des musiques populaires, le rock et tous ses avatars, c’est essentiel ! Il y aura toujours des gens pour te dire “c’est de la petite musique infantile par rapport à l’opéra ou au jazz”, mais non ! Je persiste à trouver mon bonheur dans ces productions. »

Pascal Comelade, qui ne sait écrire ni lire la musique, se définit comme un travailleur, un artisan, avant de se qualifier de musicien. Et il faut entendre ce qu’il nous dit, avec des mots bien sentis, de la déliquescence du modèle culturel français, de la pauvreté des propositions musicales, de l’étroitesse d’esprit valorisée partout. « Ça commence à faire des années que je n’ai pas entendu un musicien de ce pays dire que c’est un travailleur. Il faudrait croire que dans le monde de la musique, on est tous sur un nuage, que ce n’est pas du travail. Moi je suis un travailleur. Avant même de parler de crise, de piratage, je suis un travailleur. J’ai les mêmes problèmes que toi. Ce qui ne m’a jamais convenu dans le monde de la musique, c’est la relation du musicien avec le pouvoir, quel qu’il soit. Ce qui me gêne aujourd’hui, c’est soit tu fais animateur de noces et banquets soit tu es musicien de la cour. Le futur de la culture, c’est larbin culturel ? Larbin du pouvoir ? Aux ordres ? »

C’est aussi un érudit à l’ancienne, on n’ose pas écrire un intellectuel (le mot le ferait bondir), un homme de livres et de musiques qui changent la vision du monde, qui préfère se tenir loin de l’Internet, où il trouve les egos surdimensionnés, les paroles futiles et trop fortes. « Avant on lançait des tomates, maintenant on commente sur Internet pour dire c’est de la merde… » Dense, touffue, et on l’espère passionnante, cette longue conversation avec Pascal Comelade est à lire ici. De quoi tenir en attendant de le retrouver l’année prochaine avec un projet qui fait déjà saliver : une adaptation du « Mr Vertigo » de Paul Auster en opéra. Mais oui… baptisé « Gap of Innocence », en voici la présentation.

Pascal Comelade présente le projet Gap of Innocence (2012) :

matthieu recarte 

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