Bricolage, Arduino et jardinage partagé, les enjeux en débat festif à partir de 16h cet après-midi à la Gaîté, La graine et le compost, un atelier-résidence de Re:Farm the city. © Hernani Dias
< 26'05'12 >
Re:Farm, l’Internationale des petits jardins
Des balcons où poussent des tomates, des outils collaboratifs pour mutualiser l’arrosage ou surveiller à distance la pousse, des ateliers pour échanger des graines bio... Greenrush et
Re:Farm The City, deux collectifs d’artistes et designers, achèvent ce samedi leur résidence à la Gaîté par une performance. « La graine et le compost » (le nom de ces trois semaines de jardinage hacktif urbain) a proposé de découvrir techniques de pousse et fermes en ville, ateliers de fabrication de compost et troc de graines. Si jamais vous aviez envie de découvrir la musique des lombrics, c’est Martin Howse de Berlin qui traduira à 16h ce 26/05 en son « le processus électrochimique de fermentation enregistré par les composteurs ».
Du jardinage électronique, késako ? Grâce à son fonctionnement open source imaginé par le collectif d’artistes qui s’en revendique (une soixantaine de membres), Re:farm The City est présent un peu partout dans le monde par intermittence, à l’occasion de workshops en Espagne, Argentine, France, aux États-Unis, en Chine et au Brésil. En s’inspirant de l’esprit des fablabs, les laboratoires du prototypage numérique, Re:farm The City participe au développement de microfermes urbaines, conçues à partir de matériels recyclés et fonctionnant en réseau, sur le principe de l’échange et du partage. Interview croisée des deux artistes derrière Re:Farm et Greenrush, Hernani Dias, designer espagnol qui a fondé Re:Farm à Barcelone en 2008, et la Taïwanaise et « cybernomade » Shu Lea Cheang, pour Greenrush.
Le jardinage urbain est-il un enjeu politique ?
Hernani Dias : Comme toute question qui englobe l’humain :p
Shu Lea Cheang : Ouais, le politique n’est certainement pas un mauvais terme.
Quelle est la dimension artistique du projet Re:farm The City ? Tout un tas d’associations prônent l’urbagriculture. Quelle est votre légitimité pour le faire ?
H.D. : La part artistique se situe dans les projets individuels de ceux qui font nos workshops. Nous leur proposons une approche différente, plus orientée sur le DIY/DIT (do it yourself/do it together, littéralement le fait-main et le fait-main ensemble, ndlr), les participants construisent leurs outils, tous les projets sont documentés et vous devez participer à un atelier Re:farm pour avoir accès à nos outils. Notre légitimité ? Nous aimons faire pousser notre propre nourriture.
À Gijon, en Espagne, Re:Farm The City travaille avec des chercheurs, tentant de faire coïncider nos « gizmos » (objets connectés) avec l’idée d’un développement durable. N’y a-t-il pas une contradiction entre la surconsommation des nouvelles technologies et votre tentative de consommer et produire durablement ? Est-il possible d’être partie prenante de cet univers en réseau et de contribuer à un monde plus vert ?
H.D. : Contradiction ? Sans doute, nous sommes pleins de contradictions mais nous les envisageons davantage comme des défis, qui sont le carburant de notre recherche :) Nous sommes très clairs là-dessus : nous devons nous concentrer sur des budgets raisonnables, des matériaux recyclables, le partage d’expérience, l’échange de savoir et l’adaptation aux conditions spécifiques (climat, gens, variétés de légumes locales, culture...).
S.L.C. : Bits, octets, pixels, lignes de code, nous avons toujours profité de la technologie. De la même manière que je me suis appelée une “aborigène hi-tech”, nous nous servons de la technologie. Hernani et moi nous sommes rencontrés au Hangar Medialab de Barcelone, au milieu d’au moins quatre tonnes de déchets électroniques, qui sont devenus nos biens communs.
Les artistes ont-ils à endosser la responsabilité de sauver notre planète ?
H.D. : Chaque citoyen porte la responsabilité de non seulement « notre » planète et de celle des générations futures, mais aussi de celle des autres espèces. Nous partageons avec des millions d’autres organismes la même maison. C’est aussi leur planète que nous mettons en péril.
S.L.C. : Grâce au réseau, nous pouvons mutualiser et consolider ce que chacun d’entre nous peut plus ou moins faire à son échelle. Sans avoir à argumenter sur le fait de sauver notre/leur planète, pouvons-nous simplement concevoir de vivre de meilleurs cycles de vie ?
Pensez-vous qu’il y ait un rapport entre pratiques collaboratives, net-culture et développement durable ?
H.D. : Absolument. Quand vous êtes conscient de vivre sur une planète ronde et connectée, vous sentez bien que toute pratique, bonne ou mauvaise, a un impact sur vous et ce qui vous entoure.
S.L.C. : Oui. Ma propre pratique collaborative m’a fait naturellement approcher les enjeux d’une culture en réseau durable. Peut-être en va-t-il de ma survie de retourner à la terre, étant une cyborg nomade depuis les débuts de la net-culture ?
Quels sont les liens entre la culture open source et le jardinage urbain ?
H.D. : Jusqu’à récemment, nourrir l’humanité était le territoire réservé des grandes compagnies, des licences, de la propriété intellectuelle et d’autres restrictions. La culture de l’open source tente de contrebalancer ce modèle.
S.L.Y. : J’ai engagé depuis 2001 un projet curatorial sur les enjeux de la culture numérique hacker, Kingdom of Piracy, qui a inévitablement croisé les questions du biopiratage. Les graines sont dispersées sans intervention humaine, s’envolent grâce au vent, elles sont elles-mêmes non-propriétaires. Le jardinage urbain lutte pour s’approprier chaque bout de terrain vert, chaque rebord de fenêtre, chaque balcon, il n’y a que libérées que les graines peuvent survivre.
Vivez-vous tous les deux dans une grande ville ? Aviez-vous votre propre jardin de poche avant Re:Farm The City ?
H.D. : Il y a deux ans, je vivais à Barcelone, j’ai déménagé pour une ville plus petite, Cambrils. Il y a quatre ans, à l’automne 2007, j’ai commencé ma ferme urbaine sur mon balcon. Re:Farm est né après l’été 2008 comme une conséquence de cet été, l’un des plus secs depuis cent ans, de mes quatre semaines d’absence et d’un ami qui n’est pas venu arroser mes plantes :p
S.L.C. : Et oui, je suis toujours connectée à une grande ville, New York puis Tokyo et Paris.
Recueilli par annick rivoire
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