Festival IAO : concerts les 28, 29 et 30/11, exposition « IAO Explorations psychédéliques en France » du 02/12 au 08/03, CAPC de Bordeaux, Entrepôt Lainé, 7 rue Ferrère Bordeaux (33).
Timothy Leary, plus célèbre partisan des bienfaits thérapeutiques et spirituels du LSD dans les années 60. © DR
< 28'11'08 >
Festival IAO, grand cru psyché

Escale psychédélique ce week-end au CAPC de Bordeaux. Fleuron des centres d’art régionaux jusqu’au milieu des années 90, sous la férule de Jean-Louis Froment, le musée d’art contemporain bordelais s’était rendormi gentiment sur ses collections. Et malgré les scandales de la bienséance (« Présumés Innocents » en 2000 avait conduit à la mise en examen de son directeur), Bordeaux n’était plus guère en pointe. Depuis deux ans, cependant, avec l’arrivée de la trentenaire Charlotte Laubard comme directrice, on s’intéresse à nouveau à ces anciens ateliers qui osent la première rétrospective de Yona Fridman en France ou suggèrent que musique et arts plastiques peuvent cohabiter, avec l’exposition inspirée par Brian Wilson des Beach Boys au printemps dernier et le psychédélisme, donc, cet hiver.

Revenir à l’expérience psyché

Après la validation de l’arrêt définitif des utopies révolutionnaires avec les anniversaires de Mai 68 plutôt tristouilles, il est temps de se replonger, cheveux au vent et pupilles dilatées, dans une histoire qui s’étend aussi aux arts plastiques et à la musique. Organisant la circulation entre exposition, projections, concerts et performances, le festival IAO (du nom d’un célèbre mantra de Gong) se propose de dresser des correspondances entre les figures cultes des années 70 et leurs héritiers, qui tirent les fils de la pelote psyché. Pour Yann Chateigné Tytelman (CAPC), « nous souhaitions insister sur la dimension musicale de la scène psychédélique tout en montrant que la musique de cette époque était une forme d’art à part entière, ainsi qu’une critique des formes d’art traditionnel. Le projet avait un caractère documentaire (affiches, pochettes de disques, films) mais cela ne faisait pas sens de réduire des situations souvent intenses à des objets ou à une démarche fétichiste. Nous avons voulu au contraire recréer les conditions de l’expérience psychédélique, en articulant plusieurs scènes qui accueilleront trois soirées de concerts en ouverture de l’exposition. »

Mais le psychédélisme, qu’est-ce donc ? Le terme apparaît en 1957, dix ans avant le Summer of Love, utilisé par Aldous Huxley pour désigner un degré dit « supérieur » de conscience, évidemment lié à l’absorption massive de produits hallucinogènes. Dans « The Trip » (1967), Peter Fonda faisait l’expérience du LSD et parcourait les yeux écarquillés une ville aux formes devenues mouvantes. Cette quête de nouveautés et de couleurs définit le mouvement psychédélique américain, très marqué par la guerre du Viêtnam et la fascination pour les mysticismes orientaux. Mais qu’en était-il en France, patrie de Henri Michaux et d’Alain Peyrefitte ? Le terrain était fertile, les années de Gaulle ayant beaucoup joué pour la fécondation du psychédélisme français, sur la brisée des happenings lettristes ou de l’effervescence de Mai 68, notamment sur le plan graphique.

Trip génération

Gong est le groupe emblématique de cette génération, avec son métissage de postures chamaniques et de guitares plongées dans les grands espaces. Il sera représenté à Bordeaux par Tim Blake, qui a contribué à l’album « You » (1974), et qui jouera au côté de Romain Turzi, jeune Parisien pétri de culture 70’s. Ils mêleront leurs claviers vintage pour une odyssée sonore aux allures de trip total. « La rencontre de ces deux artistes est emblématique de notre projet, explique Yann Chateigné Tytelman, comme celle de Reines d’Angleterre et Ghédalia Tazartès, ou de Stellar OM Source et Marc Blanc (Ame Son) : une génération ne chasse pas l’autre. Les artistes des années 60 regardent ce qui se fait aujourd’hui, ils ne sont pas du tout figés et souhaitent collaborer avec leurs cadets. »

Turzi & Tim Blake, en juin 2008 au Point Ephémère :



Narco son

Ali fib, le programmateur musical du festival, a convaincu les mythiques Ame Son de revenir sur scène. Leur unique album « Catalyse » (1970) demeure un des plus fascinants secrets du free-rock psyché français. Sonic Boom apportera lui aussi sa pierre à l’édifice avec sa musique spectrale, qui tourne sur elle-même, lui qui a beaucoup œuvré pour les drogues au sein de Spacemen 3. La scène électronique sera aussi représentée, par sa frange la plus lysergique : Principles Of Geometry, les correspondants français de Boards Of Canada, Gavin Russom et son rock à trance, seront là. A ne louper sous aucun prétexte, le concert du New-Yorkais Arp, qui joue régulièrement en compagnie de Four Tet. Pas un hasard, tant les deux musiciens partagent le goût de l’épure et des tourbillons mélodiques. Les tourbillons sonores, les New-Yorkais Psychic Ills connaissent bien, eux qui développent de longues plages noise narcotiques comme aux plus belles heures seventies.

Espace fragmenté

Ces trois jours de festival sont le prélude à une exposition ambitieuse (visible partiellement ce week-end, puisque les concerts s’y dérouleront), avec notamment une installation de Lili Reynaud Dewar. Yann Chateigné Tytelman en dévoile quelques éléments : « Yeux en forme de mandalas, scènes triangulaires, affiches disposées au sol, système de multiprojections, ésotérisme psychédélique, fragmentation de l’espace, codes couleurs, on est très loin d’une esthétique vintage ou revivaliste. Au contraire j’ai souhaité insister sur l’hypermodernité du psychédélisme et mettre en valeur les traces de cette époque. » Un light-show a été recréé avec les outils de l’époque par le collectif Ex-Open Light. Des tables lumineuses et des films expérimentaux 60’s alimenteront en énergies colorées la nef du CAPC. Une expo à découvrir in situ, donc. Récit sous peu, une fois les vapeurs dissipées.

benoît hické et matthieu recarte 

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