« The Wild World Of Hasil Adkins », documentaire de Julien Nitzburg (1993), dans le cadre du festival Filmer la musique, le 13/6 à 14h au Point éphémère, 200 quai de Valmy, Paris 10e.
Hasil "Haze" Adkins dans les années 50. © DR
< 14'06'09 >
Hasil Adkins, proto-rocker sur la jante
Dernière ligne droite pour le festival Filmer la musique, qui montre des images rares et fait resurgir des figures oubliées. C’est le cas du formidable « The Wild World Of Hasil Adkins » (1993), qui réhabilite Hasil Adkins, marotte-maison qu’on a déjà évoqué ici, musicien méconnu et pourtant décisif, qui à lui tout seul influence encore tout un pan déjanté du rock américain (des Cramps à Marilyn Manson ou Motörhead, sans même parler des Zombies qui l’adulaient). On ne sait pas bien quand ce déjanté notoire a vu le jour (1937 ? 1938 ?). Mais l’enfance d’Adkins, père mineur de fond et mère chanteuse, est marquée par la Grande Dépression : il est le plus jeune des dix gamins de la maison (Madison, Virginie occidentale), soumise à de sévères privations. Pour le dire plus clairement : chez les Adkins, on crève la dent. Le petit Hasil (ça se prononce « Hassle », soit problème, tracas en anglais...) aura ainsi sa première paire de chaussures à cinq ans passés et ne fréquentera qu’épisodiquement l’école. Dans les années 40, il écoute beaucoup la radio, Hank Williams et Jimmie Rodgers notamment le fascinent : il est convaincu qu’il joue lui-même de tous les instruments. Et ça lui donne des idées : il s’installe dans la rue et commence à taper sur des boîtes de conserve et sur tout ce qu’il trouve. Il squatte aussi chez le voisin, un poivrot qu’il saoûle pour pouvoir toucher à sa guitare. Adolescent, ses parents lui en offrent une, et Adkins trace la route. Il parcourt le pays seul, one man’s band bizarre et bricolo, inventant au mitan des années 50 ce qu’on appellera bien des années plus tard le psychobilly et le diy, avec une attitude punk qui ne dit pas encore son nom. Hasil Adkins - « She said » Le rock (Chuck Berry, Bill Haley…) est en train de rafler la mise, lui chante des chansons salaces, indiffusables à la radio, s’accompagnant de sa guitare et de percussions, hurlant, bondissant avec une dégaine de cow-boy à la manque. Cette histoire, « The Wild World Of Hasil Adkins » la conte en détails. Le personnage est devenu légendaire pour ses frasques et ses outrances. Il raconte qu’il consomme quotidiennement plusieurs kilos de viande crue, trois litres de café et encore plus de vodka, avec les longues insomnies résultantes. Sans parler de sa boulimie de musique. Jazz, rockabilly, blues, Adkins moque les genres pour écrire encore et encore des histoires de cul, d’alcool, d’errances. On parle de 7000 chansons écrites, de 2000 reprises, d’une vingtaine d’enregistrements et autant de singles. Adkins inventera même une danse plus qu’équivoque, la Chicken Walk. Adkins n’a jamais vraiment connu le succès, même si « She said », « Chocolate Milk Honeymoon » ou « Boo Boo TheCat » feront au fil des années une belle carrière chez les autres. Lux Interior et d’autres (John Zorn) tentent de le remettre en selle en reprenant ses titres. Mais Adkins demeure incontrôlable, qui restera toute sa vie à la marge du business, homme orchestre itinérant et proto-punk érotomane. La conception même du film en témoigne : le tournage a été arrêté une bonne année après qu’il a menacé Julien Nitzberg, le réalisateur, de lui faire la peau ! Le genre de choses à prendre au pied de la lettre quand on connaît le bonhomme. Mort il y a quatre ans, aux alentours de 65 ans dans une semi-indifférence médiatique, Adkins n’en est pas moins pionnier des musiques malpolies, provoc’ et déviantes. Hasil Adkins - « No More Hotdogs », live en 2003
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