« ABC - Art Belge Contemporain », exposition, jusqu’au 31/12 au Fresnoy, Studio national des arts contemporains, 22 rue du Fresnoy, Tourcoing (59). Exposition ouverte les mercredi, jeudi et dimanche de 14h00 à 19h00
et les vendredi, samedi de 14h00 à 21h, entrée 3€-3,80€ et gratuit le dimanche (visite guidée à 16h).
Malgré des choix un peu étranges, l’exposition sur l’art belge au Fresnoy permet de découvrir de belles choses, comme cette installation d’Ann Veronica Janssens, « Untitled (Martin Mac 2000 performance) (2009). © Philippe Degobert / courtesy Wiels Bruxelles
< 17'11'10 >
Histoires belges sans surprises au Fresnoy
(Tourcoing, envoyé spécial) Un abécédaire pour comprendre l’art contemporain belge, au Fresnoy, en pleine zone frontalière, l’idée paraît séduisante – avec en prime un clin d’œil à l’abécédaire deleuzien. Sauf que... Hormis le jeu de mot du titre (« ABC » = art belge contemporain), il y a dans cette exposition un arrière-goût de politiquement correct un peu trop propret qui se transforme vite en ennui : montrer l’environnement pour araignées de Jan Fabre, le « Spinnenkoppentheater » (1979) sans animaux perd singulièrement de son sens. Une surface lisse La Belgique est un pays compliqué, et ses péripéties gouvernementales, liées à l’absence même de gouvernement, le sont encore plus. En même temps, elle reste un symbole fort de l’Europe, traversée par trois langues officielles : le néerlandais, le français et l’allemand… A l’image de l’installation de Koen Theys, intitulée « Patria (Vive le roi ! Vive la république ! », 2008). Effleurer du bout des doigts les conflits politiques et sociaux qui agitent assez lourdement le pays pour se contenter d’une surface lisse, voilà sans doute la critique principale que l’on peut faire à cette exposition. Ne cherchez pas non plus à y trouver des références trop appuyées au surréalisme belge, aux écrivains du royaume, sauf la présence du film de Marcel Broodthaers où il écrit sous une pluie battante. Effacement, impossibilité même de composer. Un autre élément vient parasiter le parcours, une certaine incohérence dans le choix des œuvres. Ainsi, aucune réalisation d’Eric Duyckaerts n’est exposée, aucune machine ni prototype de Panamarenko, qui est pourtant visible grâce au documentaire de Jef Cornelis. Cependant, une petite virgule historique est assurée par la nouvelle installation de Pierre Bismuth intitulée « Eau de pluie de Bruxelles ». Réalisée à l’aide de jerricans d’essence, elle est le pendant de la fiole « 50cc d’air de Paris » (1919) fabriquée par Marcel Duchamp. Pourquoi ce choix de Pierre Bismuth, Français vivant en Belgique, plutôt que Duyckaerts ou Francis Alÿs, né en Belgique ? Nul ne le sait. Autre glissade esthétique avec les portraits vidéo des « alter ego » d’Emilio López-Menchero : « Trying to be Balzac », de 2002. Art de la transformation, du déguisement qui s’inscrit dans la lignée de la série « Self-Portrait After »… de Yasumasa Morimura. En somme, cette exposition tente de cerner s’il existerait dans l’art contemporain belge des éléments fabriquant une identité nationale… Une tentative maladroite (voire vaine) de circonscrire une attitude esthétique commune dans des œuvres très disparates. Jeu sur la frontière Néanmoins, « ABC » offre l’occasion de (re)découvrir de belles pièces, comme le film « Lost Nation, January 1999 » de Johan Grimonprez, où au détour d’un road movie classique, c’est l’histoire et la topographie du village enneigé américain Lost Nation que l’on découvre. La caméra filme les déjeuners dans le café du coin, la station essence, les chiens, quelques habitants, les bâtiments officiels. Un lieu hors du temps, presque hors de l’histoire, une complainte poétique sur ce que serait encore le grand Ouest des Etats-Unis. Une bourgade perdue, réelle mais propice à l’imaginaire. « Lost Nation, January 1999 », de Johan Grimonprez : Si l’espace du trajet, du lieu se matérialise chez cet artiste, il s’abstrait, se métamorphose, devient l’abscisse et l’ordonnée qui permettent une traduction au sein d’un motif dans la série de dessins d’Emmanuel Van Der Auwera ; tandis qu’Ann Veronica Janssens (dont la belle rétrospective au Wiels reste dans les mémoires) interroge la perception et la création d’images latentes via des pulsations de lumière blanche dans « Sans-titre (Martin Mac 2000 Performance) ». Dans « Long Goodbye », David Claerbout interroge aussi l’espace, mais par le mouvement lent d’une caméra posée près d’une maison, suivant les gestes de l’habitante… Autre jeu sur la lisière et la frontière avec Jacques Charlier, qui parodie les créations du Land Art dans sa performance filmée « Canalisations souterraines, une caricature des dernières tendances paysagistes » (1969). Avec le temps, cette action de creusement et de rebouchage, accompagnée de diapositives de canalisations, des boyaux souterrains, résonne étrangement… Œuvre qui semble faire écho aux projections et aux installations d’Edith Dekyndt, où la manipulation d’objets associés à des sons forment un ensemble intrigant au sein duquel les mythes, les problèmes scientifiques se mélangent pour former une intéressante histoire de frontière. La manipulation, le toucher se déclinent en geste, en action simple pour réveiller une autre histoire de la perception sensorielle. Si cet abécédaire d’œuvres se voulait conceptuel, il faudrait creuser la manière dont certains artistes belges déplacent leur rapport à la frontière (via les réinterprétations iconographiques de Marie-Jo Lafontaine par exemple) et leurs relations au territoire, que ce soit par l’humour (à l’instar des radiographies porno d’un Wim Delvoye) ou par les médias. En parlant de médias, des séances cinéma, des rencontres et des soirées consacrées aux arts vivants complètent l’exposition : après Eric Joris de Crew et Christoph De Boeck avec DeepBlue (le 11/11), vient notamment le film « Préludes à la mer » (2009) de Thierry de Mey sur une chorégraphie d’Anne Teresa De Keersmaeker. (les 27/11 et 4/12).
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