Festival In Famous Carousel, les 29 et 30/10 au Palais de Tokyo, les 1er et 05/11 au Centre Pompidou (dans le cadre du Nouveau Festival), le 05/11 à l’Arsenal (Metz) (dans le cadre du festival Musiques volantes)
Avec la carte blanche à Rob Millis, In Famous Carousel donne sa version de la mondialisation (ici un groupe de femmes chinoises, figurant sur une des compilation Victrola Favorites). © DR
< 26'10'09 >
In Famous Carousel fait le tour des mondes

In Famous Carousel pose cette semaine ses piles de 78 tours pour quatre soirées parisiennes (au Palais de Tokyo et au Centre Pompidou) et une échappée à Metz la semaine prochaine. Une autre vision des musiques du monde et un pied de nez audacieux à toutes les uniformisations culturelles, loin des modes par essence périssables. « A un moment où il est compliqué de se projeter dans l’avenir, nous avons tous besoin de nous reconstruire. Le but de notre festival est d’examiner comment les artistes réagissent à un environnement perdu, explique Jos Auzende, l’une des deux directrices artistiques, comment ils s’emparent de l’ultra-local pour inventer une autre histoire. La “early music” ainsi que les musiques traditionnelles ont longtemps été isolées. Il est temps de les redécouvrir. » Sous-titrée « Baladeers », cette édition est donc une lucarne très largement ouverte sur le monde. Des concerts, des performances, des projections viendront rappeler qu’en une époque d’accélération de l’histoire et des techniques (mp3, Internet et ses réseaux sociaux) et de dislocation de la mémoire, il est encore possible de fouiller les interstices et d’exhumer des traces qu’on croyait disparues.

Parcourant l’Asie du Sud, l’Amérique du Sud, le Japon ou l’Afrique noire, ils sont quelques-uns à se frotter au monde, tels des Nicolas Bouvier équipés d’enregistreurs, à la fois archivistes méticuleux et artistes bien frappés. Sur les brisées des pionniers (Alan Lomax ou Harry Smith), Robert Millis fait partie de ces étonnants voyageurs obsédés par l’archivage des sons captés aux quatre coins de la planète, que ce soit sous forme de chansons compilées sur différents labels ou de séquences de « field recordings » infusant ses propres créations. « Bob Millis a une approche très intuitive de l’enregistrement et de l’archivage, contrairement à Alan Lomax qui avait une démarche plus ethnologique, insiste Jos Auzende. Il ne voyage jamais sans sa caméra et son magnétophone, il a un besoin viscéral de ces deux outils. » A l’occasion d’une carte blanche proposée par In Famous, l’Américain jouera au passeur, son rôle favori, en programmant deux documentaires, dont « Phi Ta Khon, Ghosts of Isan », coréalisé pour le label Sublime Frequencies. Soit une étonnante odyssée en plein Mardi Gras thaïlandais, entre séance d’ivresse collective et scène de transe rituelle. Autre documentaire, « Desperate Man Blues », consacré à Joe Bussard, un flibustier du 78 tours obsédé par la musique populaire américaine d’avant la crise de 1929. Personnage complexe, monomanique, raciste mais ouvert sur le monde, qui a accumulé des dizaines de milliers de 78 tours devenus rarissimes.

Un extrait de « Desperate Man Blues », réalisé par Edward Gillan (et produit par la BBC) :

Rob Millis introduira et conclura les soirées des 29 et 30/10 par des DJ-sets de 78 tours (numérisés pour l’occasion, les vinyles étant difficilement transportables), qui propulseront le Palais de Tokyo dans une ambiance de marché aux puces sonores : chants et musiques indigènes, blues asiatique, chiens hurleurs, le voyage devrait être passionnant et aventureux. Le 30/10, Millis ressuscitera son groupe noise-expé Climax Golden Twins pour une performance à la croisée du live et du collage : accompagné de son complice Jeffrey Taylor, il fouillera dans les archives de son label Victrola Favorites (nommé ainsi en hommage au phonographe à manivelle Victrola), connu pour ses compilations K7 de pépites millésimées, luxueusement éditées et commentés dans des livres/disques devenus des références.

Climax Golden Twins à Seattle en 2006 :

In Famous Carousel s’est également spécialisé dans le décloisonnement des esthétiques, par le biais de rencontres et de croisements aux allures, dans les meilleurs cas, de glissements en territoires inédits. « Nous vivons dans un monde de blancs, explique Jos Auzende, « et de plus, nous en avions un peu marre de l’axe Japon/Etats-Unis/Europe, nous avions besoin d’autres rencontres. » Cette année, le festival est donc parti à la rencontre du griot malien Boubacar Traoré, grande voix de l’indépendance dans les années 60 et personnage désormais retranché (voire déconnecté) du monde : « Il passe la plupart de son temps dans les champs et, pour dialoguer avec lui, nous sommes passés par l’ambassade de France ! » Traoré partagera la scène du Centre Pompidou avec les inclassables britanniques Nurse With Wound, gourous indus depuis la fin des années 70. « Steven Stapleton vit retiré en Irlande, les échanges se sont déroulés par lettres, ce qui a rendu la préparation de ce concert assez particulière, le rythme était lent ! », raconte Joz Auzende. Steven Stapleton et Boubacar Traoré mêleront machines et chant de gorge, un mélange a priori savant et émouvant, suivi par une performance piano/vibraphone électrique de Stapleton.

Le lendemain, The Caretaker plongera l’Espace 315 dans des échos de bal des années 30 et 40. L’ex-V/Vm Leyland Kirby, lui aussi grand archiviste devant l’éternel et d’habitude expert en fulgurances techno, s’est dit marqué à vie par une scène de « Shining » où l’on voit et entend comme dans un flash, des échos de bals d’antan. Une scène de cauchemar, qui travaille la mémoire, et qui constitue la matière première de cette performance ambient « discrète » : un piano jouera sa propre mémoire, pour une performance emplie de spectres embarqués dans une drôle de sarabande. « Ce qui nous intéresse chez lui, souligne Jos Auzende, c’est son passé de pirate techno, plutôt punk, qui a pillé beaucoup de sons sur l’Internet pour les détourner et les réutiliser. Il a la réputation d’être un artiste ingérable mais notre dialogue s’est déroulé de manière très joyeuse, Leyland a beaucoup d’humour malgré sa radicalité. »

The Caretaker - « Emptiness » (joli clip de fan) :

benoît hické 

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