Jour 7 du récit d’expédition arctique d’Agnès de Cayeux et Maëlla Mickaëlle pour Poptronics, à partir de leur projet d’installation en VR « 360 notes prises au Nord », filmé en caméra 360 cet été au Groenland, avec Dark Euphoria et Bionic Bird.
Iceberg Ilulissat, au large du fjord de Sermermiut, à l’ouest du Groenland, photographiée à la Game Boy. © Copyleft
< 02'07'23 >
Jour 7, Carnet de bord du cercle polaire, Déséquilibre
Une semaine déjà qu’Agnès de Cayeux et Maëlla Mickaëlle explorent les confins arctiques. Leur carnet de bord low-tech quotidien pour Poptronics, mélange de bribes du film VR qu’elles réalisent au Groenland, « 360 notes prises au Nord », et d’un reportage à la Game Boy, atteint son point de déséquilibre. Jour 7, déséquilibre Où nos expéditrices copient-collent l’hypothèse scientifique posée en 1948, dans son récit d’expédition « Terre Arctique », par André de Cayeux, et l’imaginaire de George Sand, qui, en 1864, avait entrevu au centre de la Terre, dans « Laura, Voyage dans le cristal », la possibilité d’une eau enfouie sous l’île-continent. (liminaires) noteA010 L’idée que le Groenland n’est peut-être pas en équilibre peut à première vue paraître surprenante. Quoi de plus stable, en apparence, qu’une masse rocheuse grande comme quatre fois la France et haute comme les Alpes ? Et pourtant, nous savons de façon certaine, que le Groenland occidental s’enfonce d’un centimètre par an, d’un mètre par siècle. Le Groenland s’enfonce graduellement. Jusqu’où risque d’aller cette submersion ? noteB010 La connaissance du déséquilibre aurait, pour l’avenir du Groenland, une grande importance pratique. Si l’on considère la glace de l’Inlandsis, nous sommes tentés de supposer qu’étant donné sa masse énorme et son extrême ancienneté, elle est en régime thermique permanent. Nous sommes alors conduites à des déductions surprenantes. La glace ayant, pour la chaleur, la même conductibilité que les roches usuelles, la température doit y augmenter de 1 degré chaque fois que l’on s’enfonce de 30 mètres. Les conséquences pratiques seraient redoutables. noteC010 La connaissance du déséquilibre aurait, pour l’avenir du Groenland, une grande importance pratique. Comme au centre de l’Inlandsis, d’après les mesures de Wegener, la température moyenne de surface est voisine de –27 degrés, à la profondeur de 27 fois 30 mètres, soit 810 mètres, on doit être au voisinage de zéro, c’est-à-dire du point de fusion de la glace. À cette profondeur, il est vrai, la pression doit être plus forte ; mais elle n’apporte qu’une correction négligeable. Or les mesures de profondeur montrent que le socle rocheux se rencontre seulement à 3000 mètres. Entre 810 et 3000 mètres, l’eau ne peut, dans cette hypothèse, exister qu’à l’état liquide. Ainsi, l’aspect glace et solide de l’Inlandsis serait une trompeuse apparence. En réalité, seule serait solide une croûte extérieure ; l’intérieur serait une poche liquide. Une fois admise l’existence de cette étonnante poche liquide, il est aisé d’en reconstituer les propriétés. L’eau y serait brassée par des courants de convection, et la température y serait voisine de 4 degrés, valeur pour laquelle la densité du corps est à son maximum. La pression serait considérable, atteignant au fond deux cents atmosphères. La croûte solide diminuerait d’épaisseur vers les bords ; elle y reposerait directement sur le roc. Elle y serait soumise, de la part de la poche liquide, à des efforts considérables, mais toute fissure aurait tendance à se reboucher d’elle-même, par regel. La même structure s’observerait, sur une surface dix fois plus grande, sur l’autre Inlandsis, celui de l’Antarctique. Les conséquences pratiques seraient redoutables. Si on arrivait à creuser non loin des bords, à travers la croûte glacée, un trou qui atteigne la poche liquide et qui soit assez large pour assurer un débit suffisant, toute l’eau de la poche se viderait, gagnerait en majeure partie les océans et en ferait remonter le niveau mondial de 10 mètres au bas mot. (rêveries) note011a Entre cette gemme colossale et la croûte des granits qui lui servent de gangue, s’ouvrent des galeries, des grottes, des intervalles immenses. C’est l’action d’un retrait qui a laissé certainement de grands vides, et ces vides, quand le calme s’y est rétabli, se sont remplis des gemmes les plus admirables et les plus précieuses. C’est là que le rubis, le saphir, le béryl, et toutes ces riches cristallisations de la silice combinée avec l’alumine, c’est-à-dire tout bonnement du sable avec l’argile, se dressent en piliers gigantesques ou descendent des voûtes en aiguilles formidables. note012a Ton rêve, plus complet et plus lucide que les miens, précise admirablement ce que j’avais pressenti : c’est que la porte du souterrain enchanté est aux pôles, et, comme le pôle Nord est le moins accessible, c’est vers celui-là qu’il faut nous diriger au plus vite. note013a J’ai assez parcouru le monde équatorial pour être bien certaine que la surface terrestre est très pauvre en gemmes, même dans ces contrées relativement riches, et ma résolution est prise d’aller explorer celles où la force centripède retient et concentre leurs incommensurables gisements, tandis que la force centrifuge ne fait que repousser vers l’Equateur de misérables débris arrachés aux flancs appauvris de la planète, comme ces esquilles d’os brisés que rejettent les blessures tuméfiées de l’humain. note014a Si il y a là une profondeur notable, il y a nécessairement une mer, et, s’il y a une mer ou seulement un lac, il n’y a pas de cratère où l’on puisse descendre, et l’hypothèse, car c’en est une bien plus hasardée que toutes celles de la science, tombe dans l’eau, c’est le cas de le dire.
(Re)lire les précédents épisodes du Carnet de bord du cercle polaire : épisode 1, épisode 2, épisode 3, épisode 4, épisode 5, épisode 6.
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