Voyage en url, une extension personnalisée sur clé USB du collectif 1.0.3
Tirée de l’installation à la galerie de Noisy-le-Sec en 2005, une série de neuf caissons lumineux met en forme les URL façon oscilloscope. © DR
< 24'07'07 >
L’aventure intérieure du « Voyage en url »
Qu’en est-il de nos habitudes domestiques dans les mondes virtuels ? Quels arrangements et repères bricolons-nous pour classer, nommer, archiver, voire masquer fichiers et dossiers ? Le collectif d’artistes 1.0.3 invite à un drôle de voyage, une pérégrination dans les flux de notre navigation, à l’aide d’une clé USB archivant les adresses des sites visités. Le tout s’intitule Voyage en url et concerne pour l’instant 500 personnes. Cela fait cinq ans environ qu’1.0.3 s’attelle à la scrupuleuse entreprise de conservation des données informatiques les plus intimes, celles qui révèlent nos schémas mentaux. Passé la collecte, le véritable enjeu des trois acolytes du groupe, Anne Couzon-Cesca, François et Arnaud Bernus, consiste à donner une forme plastique aux machineries de la pensée confrontée au réseau. Minimaux, forcément empreints de l’aspect clinique des données informatiques, leurs dispositifs entretiennent également des connivences avec l’art de la cartographie. A la racine de leur vaste projet, se trouve Misma, pour Module d’intervention de sauvegarde de méthodologies artistiques, un rigoureux procédé élaboré par leurs soins. « Nous nous servons d’un logiciel qui nous permet de réaliser le catalogage exhaustif d’un disque dur sans jamais accéder au contenu des fichiers », expliquent-ils en citant Nietzsche, en toute simplicité : « La manière dont on nomme les choses compte indiciblement plus que ce qu’elles sont. » Le collectif procède ensuite à une mise à plat des noms de l’ensemble des fichiers composant le disque. Les « planiscopes » obtenus prennent l’aspect de paysages composés de nébuleuses de mots qui varient selon le détenteur du disque dur. En 2005, la galerie de Noisy-le-Sec en exposait quinze, tous issus de disques durs d’artistes œuvrant dans le champ des nouveaux médias, du musicien Scanner à Etienne Cliquet. Mais 1.0.3 infiltre également le travail d’autres artistes, comme Pierre Joseph qui a demandé son portrait Misma pour la prochaine Biennale de Lyon. « Une manière de parler de l’ensemble de son travail sans en montrer la production », selon les 1.0.3. Mais le collectif ne se cantonne pas à l’exploration de son système dans la sphère de l’art. Pendant leur résidence à Noisy-le-Sec, ce sont les connexions Internet de la médiathèque qui attirent leur attention. Recherche d’emploi, voyages mais aussi virées plus clandestines que l’on ne peut faire chez soi, les destinations des utilisateurs de la médiathèque sont inventoriées puis inscrites sur des caissons lumineux. De cette installation germe l’idée de Voyage en URL, une extension du Misma appliquée au réseau. Les 1.0.3 ont envoyé récemment à 500 connaissances une clé USB munie d’un petit programme informatique qui enregistre en temps réel les adresses explorées sur Internet et génère un économiseur d’écran évolutif pour les restituer. Le défilé des URL à l’œuvre est comme la mise à jour de notre travail, nos interrogations, envies, curiosités, fantasmes, errances… une sorte de portrait-miroir inédit reflétant nos préoccupations du moment. Pour l’interprétation, 1.0.3 a la bonne idée de s’effacer. Si l’aspect des nuages de mots formés par les adresses évoquent les sites de partage de signets ou plus généralement les sites du réseau social (type (del.icio.us, digg ou encore Stumble upon) , les 1.0.3 ont au contraire cherché à concevoir « une œuvre qui se compose avant tout pour soi ».
L’économiseur révèle un scan complet de nos fréquentations, non pas ce que l’on souhaite en retenir et présenter à l’autre. « Il nous qualifie assez odieusement finalement, car exhaustivement », glissent les 1.0.3. Ce n’est qu’après que le collectif aura observé comment ses 500 invités se saisissent du Voyage en URL que le programme sera accessible en ligne. En attendant, chaque détenteur de clé peut à son tour installer le programme sur d’autres ordinateurs. Hasard ou nécessité, les personnes de votre entourage susceptibles de détenir la clé sont peut-être déjà dans vos répertoires.
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