Avant d’être une aberration grammaticale, La Roux est un duo pop anglais, souvent réduit à sa seule chanteuse, Elly Jackson, 21 ans et déjà programmée pour tout renverser sur son passage en 2009. En plein dans la hype qui, cette année plus que jamais, voit re-venir les années 80, la synthé-pop et même Depeche Mode (en vrai). Deux singles à quelques mois d’intervalle, « Quicksand » et « In For The Kill », non seulement en phase avec l’époque mais aussi redoutablement efficaces : saura-t-on résister à La Roux ? Réponse en forme de joker normand : ça dépend. C’est pas qu’on vire complètement schizo, mais La Roux, on l’aime et on la déteste exactement pour les mêmes raisons. Passage en revue de l’étendue des dégâts.
La Roux gère
Repérée par le label électro-branché Kitsuné, qui choisit « Quicksand » pour une de ses compilations (amorçant au passage un virage « chanson populaire »), La Roux s’est fait rattraper par Polydor qui sort son deuxième single (le 16 mars), avant de bientôt lancer l’album (prévu pour le 15 juin). Toujours en mars, opération grand public : elle assurera les premières parties de Lily Allen. Et elle est managée par la même équipe qui s’occupa des Klaxons. Fin 2008, à l’heure « bilan et perspectives », le « Guardian » et la BBC entre autres disent de La Roux qu’elle est l’avenir de la musique 2009. Si on n’a pas le choix à ce point, vaut mieux se laisser faire.
La Roux sait s’entourer
Electro-pop et funk blanc qui doit beaucoup à Prince, quelques notes frappées sur un Korg, bidouillages dance : voilà le secret de la réussite. A la production, Ben Langmaid, responsable de ce groove raide comme un piquet. Chaque titre est confié à des remixeurs électro talentueux (Autokratz, Chateau Marmont, Skream). Pas un de ces remixes n’arrive à la cheville des originaux, qui, même marqués par une production déjà très datée, tournent en boucle longtemps, très longtemps. Les mélodies valent mieux que leur packaging.
La Roux en roue libre
L’électro-meuf est l’avenir de 2009. Soit. Mais Elly Jackson tire une belle balle dans le pied aux filles électriques dans une interview au « Guardian » : « Les filles qui jouent de la guitare ou de la batterie ont l’air un peu tartes. Ça va mieux aux mecs... Mais les filles aux synthés sont redoutables. A la batterie, ça leur donne un petit côté viril. J’espère que ça ne sonne pas antiféministe. » Quand on dit schizo…
La Roux - « Quicksand » :
La Roux ne survivra pas à la hype
Elle aime Yazoo, Human League, Tears For Fears et Eurythmics, parce que la pop des années 80 était « so epic ». Mais elle a grandi avec des chansons folk, Neil Young et Nick Drake qu’écoutait son père. Les racines parlent toujours : on espére une chanteuse frustrée, qui va sortir jusqu’à la nausée des disques complètement dans l’air du temps, qui vont cartonner jusqu’à ce qu’elle envoie tout valdinguer, parte en retraite en Ecosse et ponde un magnifique album amer et désespéré rempli de chansons tristes à la guitare sèche quand elle aura 30 ans. Bref, ce qu’on aime chez La Roux, c’est ce qui reste possible.
La Roux tourne en rond
On pensait en avoir fini avec le revival années 80, il ne fait que commencer. Tous ces espoirs de la pop (Lady Gaga, Ladyhawke, Little Boots, les groupes du collectif Valerie) n’ont pas vécu l’infamie de ces années-là et nous refont le coup des éclairs, du lettrage hard-rock, du rose fluo et de la science capillaire élevée au rang des beaux-arts. Overdose de kitsch. Mais qu’est-ce qui fait qu’avec La Roux, on soit à deux doigts de raccrocher des posters dans notre chambre ?
La Roux - « In For The Kill » :
La Roux, chaîne à clips
La Roux a recours par deux fois à la clippeuse qui cartonne Kinga Burza de l’équipe Partizan. « Quicksand » : attaque de l’ananas géant, Gym Tonic en K7 vidéo (des outils avec des bandes magnétiques qui permettaient d’enregistrer des images aux temps pré-internet) façon Cyndi Crawford, Miami vibes et « Cocktail » (le film, là, avec Tom Cruise et des couchers de soleil). « In For The Kill » : l’héroïne aux yeux lasers envoie la gomme au volant, à fond la caisse, en route vers nulle part. « Fast and furious », boulevard de la mort... Esthétique MTV, série B, série Z : à chaque fois, dans cet océan de sous-culture, Elly surnage en solo. Fini les yuppies et les cocktails-parties sur la plage, fini les virées en bagnole entre potes, c’est la crise, la collectivité n’existe plus, le futur n’a plus d’avenir. La Roux est un chasseur solitaire.
La Roux, effets de mèche
Ces vestes à épaulettes, ces hauts de survêtement fluos 100% polyester, ces pantalons collants en peau de zèbre : non, non, non. Oui mais… cette petite mèche sculptée, cette peau pâle de rouquine, ce visage androgyne : son look affole la blogosphère gay en même temps que l’effet mèche gagne le cœur des blogs musicaux et des magazines tendance... Bientôt « Télé Poche » ? Avec sa gueule d’ange qui fait toujours la gueule, une relation platonique (comprendre objective) est inenvisageable. Refroidissement, extinction des feux.