Après-concert de Steve Reich qui présentait pendant deux jours « The Cave » à la Cité de la musique.
« The Cave », un docu-opéra qui porte un message de paix israélo-palestinienne. © DR
< 15'11'07 >
La transe millimétrée de Reich à la Cité de la musique
Malgré les grèves, le public est venu nombreux mercredi soir à la Cité de la Musique pour la deuxième représentation de « The Cave » Un absent notoire quand même, monsieur le Premier Ministre, François Fillon, me permet de bénéficier de la place qui lui était réservée. Petit après-coup critique à son intention et à quelques autres. Cinq écrans géants, quatre chanteurs, une dizaine de musiciens - dont un dactylographe ! - et une cohorte d’intervenants filmés. Le premier grand opéra multimédia composé par Steve Reich et sa femme Beryl Korot à la vidéo, ne laisse pas insensible. Elaboré entre 1990 et 1993, à l’époque où un rapprochement israélo-palestinien semblait possible, « The Cave » raconte la vie d’un personnage double - Abraham selon l’ancien testament ou Ibrahim selon les musulmans. Au cœur de « The Cave », la métaphore de la grotte d’Hébron où Abraham/Ibrahim enterre sa femme, Sara. Aujourd’hui encore, cette grotte est un lieu de culte unique au monde puisque fidèles des deux religions, juive et musulmane, y prient ensemble. Voilà pour un synopsis vite tracé. L’histoire est en fait plus complexe, et les interprétations le sont davantage encore quand l’opéra prend le parti d’articuler sa partition autour de témoignages recueillis chez les Israéliens d’abord (acte 1), les Palestiniens ensuite (acte 2) et les Américains dans l’acte final, bien moins calés que leurs prédécesseurs sur le mythe. Le tour de force de « The Cave » est donc de faire d’un matériel documentaire le centre d’une composition. Si parfois la vidéo décore, et qu’en ce sens les plans répétés sur les 5 écrans fatiguent, ce sont les propos des interviewés qui font force et loi. Et cette force est aussi la faiblesse de l’œuvre. Quand les volutes hypnotiques du minimalisme ont chez Reich le brio de gommer les références spatio-temporelles, l’astreinte d’un déroulé textuel dûment millimétré contrarie complètement cet art. De fait, une musique de transe, où le sens de la parole prime sur la musique ne peut plus réellement être une transe. En définitive, « The Cave » est un exercice virtuose, mais outrageusement docte, qui interdit à l’auditeur toute rêverie et interprétation personnelles.
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