Après-coup sur la conférence du duo Jodi, pionnier d’un art du code, dans le cadre du cycle Le Folklore du Web, le 27/04 à la Gaîté lyrique, à Paris.
Le duo Jodi, Joan Heemskerke et Dirk Paesman, ont transformé leur conférence à la Gaîté lyrique le 27/04 en joyeux happening. © DR
< 28'04'11 >
Le hack live de Jodi à la Gaîté
Jodi live in Paris ne déplace sans doute pas autant de foules que Jodie Foster, celle qui truste les requêtes sur Google en lieu et place du duo de net-artistes. Et pourtant, la constance avec laquelle Joan Heemskerke et Dirk Paesman déconstruisent le grand réseau aurait de quoi séduire des tripotées de jeunes geeks. C’est un des paradoxes de la création numérique : ses pionniers n’ont pas la reconnaissance qu’ils méritent hors du petit cercle des aficionados de l’art des nouveaux médias, puisque le flux exponentiel des données s’accompagne en même temps d’une amnésie numérique, elle aussi exponentielle. Or donc, Jodi, pionnier d’un art du code et du détournement/retournement/contournement de nos destinées machiniques, était à Paris hier 27 avril pour une plus que rare conférence, à la Gaîté lyrique (on vous avait dit qu’on y reviendrait…). Sauf que de conférence, il n’y eut point : programmés une petite heure dans le cadre du cycle le Floklore du Web (proposé par Marie Lechner, journaliste nouveaux médias à « Libération » -qu’on aime beaucoup chez pop-), ils ont privilégié la forme performative, comme on dit dans les gazettes arty. Marie Lechner avait d’ailleurs prévenu : « Impossible de savoir au juste ce qu’ils fomentent, en tout cas, il ne s’agira pas d’une conférence comme annoncé... » Elle n’a pas non plus tenté de finir sa présentation des deux trublions de l’art à l’ère des bits, riant elle-même de leur faculté à s’approprier le format convenu de la conférence pour en faire un happening à base de remix de vidéos virales, d’extraits de tournages préparatoires à leur dernière intervention dans un festival, à Séoul en l’occurrence, ou encore d’un autofilmage à la maison avec leur dernier joujou, un tapis de leds connecté à Google dans lequel ils s’enroulent, se cachent et se recouvrent. Jodi à Paris, un petit extrait pour le plaisir :
Est-il nécessaire de sous-titrer cette mise en bouche ? Un homme (Dirk Paesman est caché sous la combi verte) sachant pomper directement les bits pour insuffler au sens propre du terme un peu de désordre dans le bel ordonnancement de l’Internet aujourd’hui… Derrière le geste dérisoire, l’obsession artistique de Jodi, qui, depuis les débuts du Net, n’a jamais cessé de traquer le bug, de jouer avec la machine comme d’autres avec l’histoire de la peinture. Alors qu’à leurs débuts, ils démontent l’interface, s’introduisent dans l’arborescence des programmes ou affichent le code comme on retourne un gant (un de leurs projets est dédié à l’erreur 404), les deux net-artistes ont progressivement glissé vers les contenus et les usages du réseau, s’intéressant à cette basse culture du jeu vidéo (« Max Payne cheats only » ou « Untitled Game »), aux vidéos virales, aux blogs et plus généralement aux passions geek qui peuvent sembler étranges au commun des mortels. En développant leur propre « roue de la fortune », pour le projet Folksomy, sorte de carrousel de pages web qu’ils reconfigurent à leur guise, sons et images interrompus ou activés en temps réel, Jodi a donné hier un petit aperçu de ses obsessions numériques du moment, répondant in fine à quelques maigres questions, puisqu’après tout leur intervention en disait plus long qu’un très long discours. Une petite phrase à propos de leur travail tout de même : « Something wrong is nothing wrong. » Malgré l’obsolescence accélérée des matériels en réseau (ordinateurs, logiciels, téléphones…), le code a finalement, explique Dirk, une forme de constance : même buggé, un programme continue de tourner, différemment, mais il tourne quand même. Le Web 2.0 les intéresse bien sûr, la preuve en est la concaténation explosive de vidéos virales qu’ils proposent, avec ce clin d’œil au public français, débutant leur « tour du Web » cacophonique par l’hymne franchou-geek « Je suis ingénieur informaticien », lequel remonte à Windows 98… Extrait (court) de la caco-net-phonie de Jodi à la Gaîté :
Ils n’oublient pas de boucler la boucle avec leur collage (toujours live) de séquences vidéo, toutes différentes et pourtant toutes semblables, où jeunes et moins jeunes emploient toutes sortes de moyens pour casser de la machine. Ordis, portables, consoles, joysticks, tout y passe dans un esprit néoluddite potache, illustrant à merveille le rapport schizophrène de toute une génération à ces extensions numériques. Artefacts technologiques indispensables à la vie courante, ces accessoires ne le sont plus, qui provoquent en masse cet autodafé tout à fait raccord avec la société de l’hyper-consommation (à rebours des préceptes écolo dans le vent). Ces sales gosses du numérique, ce sont eux que Jodi a choisi de montrer hier. Miroir de leur propre présence online ? Une manière en tout cas de remettre l’homme au cœur du dispositif, plutôt que d’attaquer les puissants marchands du temple. Ce qu’ils font par ailleurs parfaitement, par exemple avec « Geo Goo (Info Park) », un Luna Park techno déjanté où les marqueurs spatiaux déplacés puis recombinés de Google Maps forment des passerelles ubuesques entre les pays et les continents. Avec ça, on ressort de la Gaîté en se demandant pourquoi ce n’est pas à Jodi qu’est revenue l’exposition inaugurale du lieu parisien dédié aux cultures numériques… Ce n’est pas la platouille présentation de Matt Pykes et ses amis (en cours) qui nous fera changer d’avis… Arte Creative, partenaire, devrait mettre en ligne d’ici quelques jours l’intégralité de la performance de Jodi. On se fendra d’un tweet…
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commentaire
écrit le < 29'04'11 > par <
annick.rivoire yoV poptronics.fr
>
On a oublié de vous donner les prochains rendez-vous du cycle le Folklore du Web, à suivre à la Gaîté lyrique donc, tous les derniers mercredis du mois : Prochain invité, le 25 mai, Aram Bartholl , dont on a déjà parlé ici, notamment de son Speed Show, puis viendra Etienne Cliquet le 22 juin (qui fera une conférence performance autour de la "démo"), Tobias Leingruber le 26 juillet autour de "Skating the Web" et son projet d’extensions Firefox Artzilla. D’autres dates à partir de septembre, dont on reparlera…
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